Akia

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Akia : 12 mai 2813 19h32

Tout est noir autour de moi. C'est sombre. Juste, noir et sombre. Rien de plus. C'est vraiment une sensation étrange. Je suis à la limite de la conscience. Comme dans un rêve dans lequel on sent que l'on est en train de rêver, mais sans rien contrôler. Je peux entendre vaguement le monde extérieur. De faibles échos. Où suis-je ? Que se passe-t-il ?

J'ai beau essayer de bouger, d'ouvrir les yeux ou de parler, c'est impossible. J'entends une voix de fille, ma sœur peut être ? Non. Je n'ai pas de sœur. J'entends une voix de vieillard maintenant, et celle-là non plus, je ne la connais pas. J'ai l'impression d'en entendre une troisième féminine là aussi, un peu plus âgée que la première, à moins que ce ne soit la même. Je ne sais pas. Je ne sais rien. Je ne sais pas ce qu'il se passe. Je n'ai rien à quoi me raccrocher. Suis-je vraiment vivant ? Je m'appelle Akia. J'ai 12 ans. Mes parents sont, ils sont... je ne sais plus... 

Je sens que mon corps bouge, je le sens, il bouge tout seul, quelqu'un ou quelque chose le transporte. Mais moi, je suis totalement incapable de bouger le moindre petit doigt. Petit à petit, mes souvenirs remontent. Je, je suis Akia. Mes parents s'appellent Mitsu et Asatada. Est-ce qu'ils sont morts ? Je crois que oui... Je ne me souviens que de leur prénom. Et le reste de ma famille ? Je n'ai pas de frères ou de soeurs. Je ne connaît pas mes grands parents. Je ne me rappelle de personne,  à part le prénom de mes parents. Et... et... un visage. Le visage de ma mère, qui sourit. Ça y est ! Je m'en souvient, elle n'est pas morte ! Et mon père non plus ! Je les ai simplement quittés pour un moment. Mais pourquoi ? Et pour aller où ? Et surtout avec qui ? Je n'arrive pas à m'en souvenir. Je me souviens du visage de mon père maintenant. On est tous les trois à la maison, sur Terre, avec le chien, Napoléon. Et le chien, meurt. Le chien est mort.

J'ai du mal à respirer tout à coup. Je suffoque. Vite il faut que je me réveille ! Je dois me réveiller. Merde ! Je peux pas bouger. Je vois le chien, les boyaux saillants, il s'approche de moi. Il me saute dessus et s'assoit sur mon torse. Je peux plus respirer ! Je vais étouffer ! C'est un cauchemar, et je peux pas me réveiller. Je déploie une force surhumaine pour essayer de me réveiller mais rien n'y fait. Soudain, je sens que mon corps balance brutalement une de mes jambes, comme pour essayer de me réveiller. Et j'entends une voix de fille : 

— Il a bougé !

C'est la seule chose que je suis certain d'avoir entendu du monde extérieur. Ça veut dire que mes pensées peuvent réellement interagir avec ce monde. Ce monde qui me paraît si lointain, inaccessible. Mais à nouveau, j'étouffe, je suffoque. Je sens une main qui vient se placer sur la mienne. Ça ne sert à rien. Je vois encore une fois Napoléon, sur moi. Il me compresse les poumons, pour de vrai. J'ai beau résister, je ne peux rien faire. Pourquoi est-ce qu'il veut me faire du mal comme ça ? La douleur devient de plus en plus intense. J'atteins ma limite. Je suis pris de spasmes violent, j'essaye de respirer d'ouvrir la bouche, mais c'est impossible. Le chien m'observe avec son air malsain. Je sens que je me vide, petit à petit. J'assiste à ma propre mort, impuissant. Les spasmes cessent, je ne ressent plus rien... Plus la douleur, plus la sensation d'étouffement, plus rien. Tout est parti, envolé au loin. Je vois une lumière blanche. En plein milieu de nulle part. Elle devient de plus en plus grande. Les voix à l'extérieur se font de plus en plus faibles et la lumière ne cesse de briller. Je vais mourir. Ici et maintenant, sans même savoir pourquoi. J'ai l'impression de sentir mon corps secoué à l'extérieur, comme si des gens voulaient m'empêcher de mourir. Y-a-t-il des gens qui tiennent à moi ? Peut être que je pourrais lutter pour eux, ne pas me laisser aller. Mais c'est dur, terriblement dur. J'ai le choix ! Je peux faire le choix de lutter et de souffrir ou d'abandonner, pour la toute dernière fois... Napoléon apparaît à nouveau. J'ai peur !  Je ne veux pas le revoir. Je ne veux pas m'en souvenir. Il réapparaît face à moi. Je ne veux pas le combattre. Tant pis, qu'il vienne m'étouffer si ça lui fait plaisir, j'arrête de lutter, parce que c'est inutile. Parce que la douleur disparaît. Parce que la mort, ce n'est pas si terrible. On est libéré de toutes nos souffrances, tous nos problèmes, pour l'éternité. Je dois sûrement être un lâche, mais je m'en fiche, parce que maintenant, plus personne ne pourra me juger. 

La lumière englobe tout désormais. Tout est blanc, éclatant. Et mon corps sombre, sans espoir de retour. Mes pensées se brisent, mes sensations se noient dans le vide et mes rares souvenirs eux, s'envolent à tout jamais. C'est fini... Il n'y a rien après la mort. Je l'ai toujours su. Je retourne au néant. Au néant... C'est triste. La vie est triste. Et joyeuse. Elle est tout à la fois. Tout... rien... rien n'arrive pas hasard... Je, je ne vois plus rien. Je n'entends plus... je ne sens...

ri-ien...

J'y... retourne... 


Weida CladéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant