— C'était ton devoir que de te mettre entre l'ennemi et ton peuple, arguai-je.

— Et c'était de ton devoir que de poursuivre celui qui avait anéanti ta famille, une partie de ton peuple, rétorqua l'Empereur en se penchant vers moi. Ce que tu as fait pour en arriver là n'est peut-être pas tout blanc, mais j'ai fait aussi des choses que je ne considère pas comme braves ou légales pour régler certaines affaires. Ai-je été puni pour ça ?

— Le temps le fait à ta place, soufflai-je, en connaissance de cause.

Il leva un doigt en grimaçant.

— Point marqué.

— Au-delà d'avoir fait toutes ces choses, la dernière que j'ai faite est pourtant la moins pardonnable. Tu ne pourras pas dire que ça l'est, car tu as toi-même fait des choses impardonnables.

— Même le plus pur des esprits connait parfois de sombres périodes.

Je hochai la tête. Il avait raison, cependant cela ne changeait en rien mes actes et je devais en porter le poids sur mes épaules.

— J'ai fait à de nombreux loups ce que le Mage de Siadhal lui a fait, confessai-je en détournant le regard.

Je sentis tout le corps d'Aslander se crisper. Il tenta de s'écarter pour se donner de la contenance et je le laissais faire. Car il avait le droit d'être dégouté par mes actes. Il avait le droit de les juger.

— Peut-être pas dans les mêmes termes que Siadhal a pu subir, mais j'ai poussé nombre d'entre eux à entrer dans une guerre qui n'était pas la leur. Je les ai forcés à se battre pour une cause qui n'était pas la leur et pour ça, je m'en voudrais toute ma vie.

— Tu as utilisé ton pouvoir de Mage ? murmura Aslander.

— J'ai utilisé mon rôle de Celle-Qui-Hurle pour rallier des meutes entières sous ma bannière dans le but unique de décimer le Mage qui avait tué toute ma famille.

Aslander releva son regard sur moi, surprit.

— Tu as donc vraiment tué un Mage.

— Tout comme toi, soufflai-je. C'est interdit par nos lois de tuer l'un des nôtres. Et je pense comprendre pourquoi tu n'as pas été tué pour l'avoir fait.

Il haussa un sourcil, mais j'écartai cette phrase par un geste de la main. Je posai de nouveau mes pieds par terre et observai l'écart entre nous avec une légère angoisse. Voilà pourquoi j'avais tenu à ce qu'il sache tout, avant de me proposer de venir avec lui.

— Nos rangs ayant déjà perdu l'un des nôtres et un Guide en plus de ça, les Anciens ont décidé qu'en perdre deux serait trop à supporter. Alors, Aloysius s'est chargé de mon cas. C'était il y a presque quarante ans maintenant. Pas de pouvoirs et des âmes à sauver. Le seul moyen étant de suivre mes visions et si je ne le fais pas, mon corps se détruit.

Aslander frotta sa nuque. Après un moment de silence, il posa sa main sur ma cuisse qu'il serra doucement. Il m'offrit un demi-sourire.

— Tu as sauvé beaucoup d'âmes, n'est-ce pas ?

Et chacune d'entre elles m'avait rapprochée de la mort. Car la dernière qui aurait pour équivalence celle de l'homme, du Mage que j'avais tué, était la mienne. Voilà ce qu'Aloysius avait voulu me faire comprendre.

— Pas assez, murmurai-je.

— Tu ne peux pas sauver tout le monde, Siobhane, insista Aslander.

— Certes, mais je peux en sauver certains. Ce n'est pas anodin si j'ai commencé à avoir des visions sur toi, Ani. Et j'aimerais que tu le comprennes.

WHISPERS T1 The Whisper of my soul [Terminée]Where stories live. Discover now