8. Le manque

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MARIE

Expliquer à un de ses proches qu'on est tombée enceinte à 22 ans; que son compagnon vous a quitté parce que vous ne vouliez pas tuer cet enfant; et que vous avez quand même fini par le perdre n'est pas une chose facile. L'expliquer à quelqu'un qu'on connaît à peine et que l'on n'a jamais vu, est bizarrement, beaucoup plus simple.

- Je suis tombée enceinte, mon petit-ami de l'époque m'a posé un ultimatum, à savoir rester avec lui et avorter ou garder le bébé et l'assumer seule. Tu penses bien qu'il m'était impossible de choisir la première solution. Alors, Carlos est parti. J'ai longtemps pensé qu'il reviendrait, que l'on formerait tout les trois la famille dont j'ai toujours rêvé, qu'on serait heureux tu vois; j'explique à Max, la voix tremblante; mais il n'est jamais revenu. J'étais tellement stressée d'assumer cette grossesse et cet enfant seule; même si j'étais soutenue par mes parents; ça me rendait tellement malade de savoir que ce bébé n'aurait pas de père, que j'assumerais tout toute seule, que j'ai fini par le perdre contre mon gré...

Je fais une pause, submergée par l'émotion qui me traverse. Je ne peux m'empêcher d'y penser chaque jour, et d'avoir les larmes qui coulent toute seules; chaque fois que j'en parle. C'est à dire très rarement. Mais étrangement, je me sens soulagée de me confier à Max. Je sens qu'il ne me jugera pas.

- J'ai fais une fausse couche à quatre mois de grossesse. J'étais en train de prendre ma douche lorsque j'ai su que c'était fini... je m'effondre en repensant au pire jour de ma vie. C'était ... horrible. Pire ce que tu ne peux imaginer. Je me suis sentie tellement... désemparée face à ce qu'il m'arrivait. Si tu savais à quel point je m'en suis voulue. Je ne cesse de me dire que si j'avais été plus calme, si je m'étais préoccupée de ce bébé qui prenait vie en moi ; plûtôt que de tenter de récupérer cet enfoiré; je serais maman à l'heure qu'il est...

Je suis incapable de continuer. Je m'effondre contre le mur de la cuisine, laissant les sanglots s'échapper de mon corps; persuadée que cette souffrance ne partira jamais.

- Marie... je suis tellement désolé pour toi... Je sais que je ne peux rien faire pour atténuer complétement ton chagrin, et Dieu sait que si je le pouvais, je n'hésiterais pas une seconde; mais je te promets d'être là pour toi, de t'écouter à chaque fois que tu en ressentiras le besoin. Je te promets de t'aider à te sentir ne serait-ce qu'un tout petit peu mieux. Je sais que ça paraît cliché de te dire ça; mais rien n'arrive par hasard. Peut-être que tu vas me détester de te dire ça, mais ce bébé est peut-être parti parce qu'il a senti que tu n'étais pas prête à devenir maman, peut-être qu'il a senti que ce n'était pas le bon moment pour vivre; et que plus tard serait mieux. Peut-être a t'il senti qu'il serait trop malheureux sans père, et toi sans personne pour t'épauler. Alors même si tout ça est affreusement douloureux, dis-toi qu'un jour, tu donneras un petit frère ou une petite soeur à ce petit ange, et que de la-haut, il sera fière de toi.

Et la; les mots de mon voisin; que je n'ai jamais vu; que je connais depuis peu; me percutent en plein coeur et je réalise alors qu'il a raison. Je réalise alors qu'il m'a dit ce que personne n'a jamais eu le courage de me dire, de peur de me faire du mal; que ce qu'il m'a dit est simplement la vérité, et ses paroles me font tellement de bien; que je réalise alors que je m'attache beaucoup plus à Max que ce que je ne l'aurait imaginé. Et que nous partageons tout les deux une souffrance qui nous rapproche : la perte.

- Comment fais- tu? Comment fais-tu pour trouver les mots juste de cette façon? Comment fais-tu pour trouver la force de réconforter quelqu'un alors que tu souffres toi aussi? Comment fais-tu pour parvenir à panser peu à peu les maux qui me hantent depuis tout ce temps? Comment fais-tu pour être si... réaliste et apaisant à la fois?
- Je fais, c'est tout; me répond-il et je perçois son sourire.
- Tu... Je... Bon; je penses que je vais aller me coucher; j'ai besoin de sommeil; je dis tout à coup. Bonne nuit Max; à demain.
- Bonne nuit Jolie Marie; et n'oublie pas, je suis là.

J'ai peur. J'ai peur de ce que je suis en train de ressentir. J'ai peur des battements de mon coeur qui s'accélèrent chaque fois que j'entends le son de sa jolie voix; j'ai peur de ce sourire niais qui prend place sur mon visage quand on se parle. J'ai peur de tout ça; car je me suis promis de ne plus jamais m'attacher à un homme. Je me suis promis de plus jamais tomber amoureuse...

Mais tout le monde le sait; tenir ses promesses n'est pas toujours évident...

Mon cher voisinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant