Chapitre 17 [2/2] ~ Les Deux Orphelins

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     Il s'interrompit. Un sourire chaleureux étira ses lèvres.

— Je l'ai entendu juste avant de sortir de la caverne. Un cri faible, strident, qui résonnait comme un appel à l'aide. Personne n'a voulu voir de quoi il s'agissait, alors j'y suis allé seul. La nuit était tombée, l'élémentaire de Feu chargé d'alimenter les torches des explorateurs avait déserté, comme tous les autres... et j'ai fini par parcourir la montagne à l'aveugle, dans le noir le plus total, me laissant uniquement guider par leurs jérémiades.

— Tu aurais pu te faire tuer, marmonna Kalyö, captivé par le récit de son supérieur.

— J'étais encore plus borné qu'aujourd'hui, je ne voyais pas le danger. Enfin... j'ai parcouru des dizaines de galeries, dans lesquelles j'avais l'impression de tourner en rond. Les cris se rapprochaient, s'éloignaient, se rapprochaient encore... et au détour d'un énième couloir, je les ai aperçus. Seuls. La peau sur les os. Kréah était inconsciente et Dylix se battait avec des morceaux de coquilles coincés sous ses ailes minuscules.

— Leur mère était pas avec eux ? demanda Töm, étonné.

— Pas à ce que je sache. Dylix venait de naître quelques heures, peut-être même quelques minutes plus tôt, mais Kréah était déshydratée, affamée, si fragile... le fait qu'elle n'ait pas dévoré l'œuf de son frère pour se nourrir m'a toujours impressionné. Après coup, j'ai compris qu'ils avaient été abandonnés et qu'il s'agissait sans doute des derniers dragons des contrées nordiques. Certains ustralois les auraient tués sur le champ, afin d'éviter qu'ils mettent des royaumes à feu et à sang une fois adultes, mais je n'ai pu m'y résoudre. Par je ne sais quel miracle, j'ai réussi à sortir de la montagne et retourner sur Drakkä. En arrivant aux frontières, j'ai fait part de ma trouvaille à Stelleüm qui, après de longues négociations, a accepté que je les garde.

— Comment les avez-vous faits traverser les ponts du royaume ? l'interrogea Noà. Seuls les élémentaires sont capables de...

— Je m'en suis occupé à l'extérieur, jusqu'à ce qu'ils apprennent à voler, le coupa Matharach. Je les nourrissais six fois par tour, me levais dans la nuit pour m'assurer qu'ils ne s'étaient pas échappés de leur enclos. Suite à quoi, ils ont fini par devenir mes meilleurs amis, les enfants que ma femme et moi n'avions jamais pu avoir...

     Un silence s'immisça autour des quêteurs, qu'Iryanä finit par rompre.

— Garyä et moi passions notre temps à nous imaginer chevaucher tes dragons quand nous étions jeunes, dit-elle avec un sourire discret. Kréah était sa favorite. Autant que je m'en souvienne, je t'ai toujours connu avec eux.

— Pareil pour moi, souffla Kalyö, nostalgique. Ils étaient déjà à tes côtés quand je suis arrivé sur Drakkä.

— Quand tu es arrivé ? répéta Noà. Tu n'es pas né dans le royaume ?

     Le jeune homme secoua la tête.

— Je viens de Loréïze, se résigna-t-il à révéler après une brève hésitation. J'ai déménagé quand j'avais sept ans.

     Du coin de l'œil, Noà observa les réactions d'Iryanä et Matharach, qui se mirent à jouer nerveusement avec des brindilles d'herbe desséchée. Il comprit que quelque chose de sombre se cachait derrière cette histoire, mais il décida de ne pas insister.

— Allez, les mômes, déclara Matharach. Une grosse journée nous attend demain. On a un royaume à atteindre.

     Les quêteurs hochèrent la tête et se blottirent dans leur sac de couchage sans rechigner. Éreinté, Noà ferma les yeux, puis sombra dans un profond sommeil avant même de s'en rendre compte.

Le Conte d'Ustral. Tome 1 ~ L'Oracle du TempsOn viuen les histories. Descobreix ara