BAD NEWS or GOOD NEWS ?

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Un bruit.

Un bruit ténu mais suffisamment fort parasite son sommeil, la tirant inéluctablement des douces limbes de sa nuit.

Elle enfouit son visage un peu plus profondément dans son oreiller, dans l'espoir de faire abstraction de cet importun qui s'est invité au banquet de son repos.

Mais rien n'y fait.

Il se reproduit, encore et encore, marque une pause de quelques secondes avant de reprendre sa litanie.

Son téléphone.

Qui sonne.

Elle en reconnaît la sonnerie. 

Si l'appelant a décidé de renouveler son appel sans prendre la peine de laisser un message sur le répondeur, c'est que c'est important.

Péniblement, elle se lève, les paupières à demi-closes et encore lourdes des sacs que le marchand de sable y a déposé tard dans la nuit, lorsqu'ils sont enfin rentrés de ce week-end en amoureux, passé dans un petit chalet isolé et perdu dans les hauteurs montagnardes.

Aucune clarté ne filtre au travers des volets, ce qui lui fait supposer qu'elle n'a en réalité que peu eu le temps de dormir. 

Quelle heure peut-il bien être ?

A tâtons, dans le noir profond de la chambre, elle se dirige vers la porte qui mène au salon, là où elle se souvient avoir négligemment déposé son portable. Il doit traîner sur la table basse.

Elle se morigène intérieurement : quelle cruche, de ne pas l'avoir mis en silencieux, voire mieux : l'avoir complètement éteint.

Un troisième tour de manège lui rappelle que la personne qui cherche à la joindre insiste lourdement pour y parvenir et qu'il lui faut décrocher et prendre ce coup de fil, déjà fortement annonciateur de mauvaise nouvelle. 

Arrivée dans le salon, sa main longe le mur qui le sépare de la cuisine, à la recherche de l'interrupteur du plafonnier. Elle le trouve, y appuie du bout de son index et de son majeur et lâche un grognement lorsque l'éclat de l'ampoule, trop lumineux dans le noir absolu qui règne dans le logement, lui arrache la rétine et probablement un morceau de nerf optique au passage.

Elle étouffe un juron et éteint ladite lumière, dans un soupir de soulagement. Mieux vaut éviter de perdre un oeil. Elle a un magnifique apollon presque nu qui partage son lit et ce serait dommage d'en manquer la moitié du spectacle pour avoir essayé de supporter un violent éclairage au saut du lit.

Trop tôt, le saut du lit. 

Bien trop tôt.

Elle étouffe un bâillement du dos de sa main et, estimant être arrivée à bon port, à l'aide de la faible lumière que dispense l'écran de son téléphone, elle se laisse tomber dans le canapé, non sans se prendre le petit doigt de pied gauche dans celui de cette %*£ù€# de table basse.

Elle ouvre la bouche, prête à hurler de douleur, une larme arrachée à son oeil s'étant formée en son coin externe, puis la referme, pour ne pas risquer de réveiller son homme.

— Kiro vitun paskan vitun sohvapöytä con ! murmure-t-elle néanmoins à voix basse, en serrant les mâchoires. 

C'est bien connu, bien que pas forcément prouvé scientifiquement, mais d'aucuns s'accorderont à dire que quand on se fait mal, jurer comme un charretier permet de - sinon faire disparaître la douleur - à tout le moins en réduire son intensité.

Voilà donc pour cette putain de bordel de merde de saloperie de table basse à la con.

Elle remonte sa jambe et pose son pied sur le bord du canapé, de manière à pouvoir masser le pauvre orteil, qui n'avait rien demandé. Bah oui, même si lâcher de manière virulente une flopée  de grossièretés aide à faire passer la douleur, il n'est pas non plus interdit de filer un coup de pouce à l'efficacité blasphématoire.

[OS] Tranches de vieWhere stories live. Discover now