SACRAS - Tome I : Prélude

CHAPITRE XIII

Samedi 3 Mars

Nous voilà tous les quatre sur le sol allemand.

Après avoir visité les couloirs de l'aéroport de Francfort, nous sommes contents d'arriver enfin à Leipzig. L'air est particulièrement glacial dehors mais le ciel immensément bleu rend la météo plutôt agréable.

Je suis déjà allé à Berlin, à Hambourg ou à Cologne, grandes métropoles allemandes, mais je n'ai par contre jamais visité un authentique village germanique et je suis impatiente de découvrir Quedlinburg et ses vestiges. Mais surtout, je suis impatiente de trouver le docteur et de mettre fin à ses manigances. Je suis certaine que nous le trouverons et que nous réussirons à rassembler les preuves dont nous avons besoin. Pourtant, l'angoisse qui me tient au cœur depuis hier ne veut pas s'estomper ; l'enjeu est grand et nous n'avons pas droit au moindre faux-pas.

Comme souvent lorsque quelque chose me tracasse, Sofyan attrape ma main et je me sens déjà mieux. Le concept d'âme sœur me semble si réel avec lui ; il est toujours là quand j'ai besoin de lui, il comprend tout ce que je ressens et il arrive systématiquement à me rassurer. J'ai vraiment de la chance, et toute cette aventure aura au moins eu le mérite de me faire découvrir ce qu'est l'amour.

Nous rejoignons sans trop de difficulté l'autoroute. Le coin n'est pas franchement joli mais le béton laisse rapidement place à des étendues de verdure vallonnées, bien plus agréables. Il y a maintenant des champs tout le long de la grande voie, ponctués par quelques minuscules villages que l'on aperçoit à l'horizon. Tout semble si calme, si serein, il règne un climat ancestral qui contraste avec les infrastructures modernes sur lesquelles nous avançons. Cela étant dit, il n'y a tout de même pas grand-chose à voir et notre principal divertissement se résume à deviner la vitesse de certaines voitures qui nous dépassent à une allure folle.

Nous bifurquons enfin vers notre destination. Le village aux toits orangés se distingue très nettement au pied d'un petit massif montagneux. Nous traversons un fleuve incrusté entre de grands arbres feuillus pour découvrir un premier quartier résidentiel aux jolies villas décorées de jardins parfaitement taillés et de piscines encore couvertes qui reflètent un niveau de vie très aisé, puis nous repassons à proximité du cours d'eau en direction du centre de Quedlinburg.

Je suis époustouflée par ces petites ruelles pavées qui serpentent au milieu de jolies maisons à colombages aux couleurs douces et joyeuses. Mimosa, pêche, dragée ; les bâtisses aux nuances fraîches changent de tons et de formes au gré du chemin, tantôt très étroites, tantôt immensément larges, parfois un peu plus hautes, mais toujours bariolées de pans de bois qui entrelacent cette multitude de fenêtres qui fourmillent jusque sous les toits aiguisés. Les arbres et les assortiments de fleurs multicolores aux balcons ajoutent encore de la couleur à cette architecture originale et harmonieuse.

Nous sommes toujours dans la rue principale lorsque nous arrivons devant l'hôtel que Sofyan a réservé. C'est un très beau bâtiment avec une tour d'angle en pointe. La devanture est chic ; le connaissant, je suis certaine que Sofyan a choisi un des plus beaux hôtels du village. En tout cas, il est parfaitement bien situé pour visiter le centre et passer pour de simples touristes, car, contre toute attente, nous ne sommes pas les seuls étrangers à être venus ce weekend. Je savais que Quedlinburg valait le détour, mais je ne m'attendais pas à croiser du monde à cette période de l'année. C'est une chance pour nous, nous passerons plus facilement inaperçus.

Nous déposons rapidement nos bagages. Nous avons les plus belles suites de l'hôtel avec une vue imprenable sur le château noirci autour duquel s'est construite la cité. J'ai hâte de découvrir ce panorama de nuit et de m'endormir dans les bras de mon amoureux. Je m'en veux de détourner mon attention de l'essentiel mais j'ai du mal à réprimer ma joie de passer une nuit entière avec lui.