SACRAS - Tome I : Prélude

CHAPITRE XI

Samedi 25 Février

Malgré toutes les questions qui se bousculaient dans ma tête, j'ai tout de même réussi à dormir un peu cette nuit, épuisée par toutes ces émotions. Mais cette scène revient dans ma tête, encore et encore, et je n'ai qu'une envie : foncer chez le docteur pour lui extorquer des informations. Malheureusement nous n'avons aucune preuve et nous risquerions d'attirer l'attention de ses complices. Il nous faut attendre le bon moment.

Je prétexte avoir beaucoup de travail pour rester dans ma chambre et reprendre mes recherches où je les avais laissées ; à Helena Blavatsky, fondatrice de ce mouvement théosophique au symbole très familier.

Cette femme avait parcouru les différents continents à la recherche de sorciers qui lui prodiguèrent un enseignement poussé avant de fonder la Société théosophique. Apparemment, l'organisation s'est implantée dans différents pays, de l'Inde à la France en passant par l'Allemagne. Mais dès le début de la seconde guerre Mondiale, l'administration nazie a instauré des lois visant à exterminer les sectes et le siège français de la Société de théosophie dans le septième arrondissement de Paris est devenu à ce moment là le quartier général du service anti-maçonnique et anti-sectes de la Préfecture de police.

« Les archives retrouvées au 4 square Rapp révèlent en chiffres globaux relatés ci-dessus, que 60 000 personnes ont été fichées, 6 000 personnes de France ont été inquiétées pour appartenance à une loge ou à une secte, 549 ont été fusillées, 4 décapitées à la hache et 989 ont été déportées dans les camps de la mort. » Mon Dieu. Ils ont même transformés un de leur camp de vacances des Pays-Bas en camp de concentration, c'est vraiment glauque. Pourtant certains auteurs pensent qu'Hitler se serait inspiré de l'œuvre Doctrine Secrète d'Helena Blavatsky pour justifier l'existence de la race aryen. Étrange.

Je feuillette un autre livre. J'y découvre l'Ouroboros sur la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789, avant qu'une autre page attire mon attention ; il s'agit d'une reproduction d'un serpent gravé dans la pierre au dessus de l'inscription :

« Ἓν τὸ πᾶν καὶ δι' αὐτοῦ τὸ πᾶν καὶ εἰς αὐτὸ τὸ πᾶν καὶ εἰ μὴ ἒχοι τὸ πᾶν οὐδέν ἐστιν τὸ πᾶν ».

« Un est le Tout, par lui le Tout et vers lui retourne le Tout ; et si l'Un ne contient pas le Tout, le Tout n'est rien ».

Les quatre sont le Tout et le Tout est les quatre

Quel rapport avec ce serpent ? Le dragon ?

Je passe rapidement aux dernières pages pour essayer de trouver des informations plus contemporaines. Je tombe alors sur une image qui paraît s'animer soudain sous mes yeux pour me rappeler mes cauchemars les plus sombres. Un ouroboros formé d'un reptile et d'un dragon s'enroule autour d'un ciel bleu. A l'extérieur, le paysage est, à l'opposé, très chaotique. Un soleil et une lune au faciès morose observent la rencontre de personnages atypiques, un poisson, un ange, un lion... Au sol, deux femmes aux longues robes moyenâgeuses maculées de sang se tiennent en arrière plan. Devant elles se trouvent deux chevaliers en armure. L'un se bat avec un serpent ailé. L'autre tient une roue dans la main. Entre eux, un tombeau d'où sort un vase crachant des flammes rouges.

Anta ouvre la porte silencieusement et vient s'asseoir sur mon lit :

— Je ne peux pas rester comme ça sans rien faire, chuchote-t-elle.

Sa détresse me peine beaucoup, je ne sais pas comment la rassurer et elle ne m'en laisse pas le temps :

— Je sais que je ne peux pas aller chez le docteur mais j'ai besoin d'en savoir plus. Je me suis dit qu'on pourrait réessayer ça.