SACRAS - Tome I : Prélude

CHAPITRE IX

Samedi 11 Février

Contre toute attente, les deux dernières semaines se sont passées à peu près normalement. J'avais beaucoup de travail, et puis nous avons vu les garçons, souvent, mais le soir, dans notre chambre, nous nous entraînions, Anta et moi. Nous avons tout essayé ; faire voler des crayons à papier, allumer des bougies, ou changer des pommes en poires, mais toutes nos tentatives restaient vaines. Même les visions ne revenaient pas, alors nous nous sommes laissées entraîner par d'autres préoccupations, comme la soirée de Saint Valentin de ce soir.

Tout le Lycée ne parle que de ça depuis des jours, et nous savons que Sofyan a mis le paquet pour confirmer son statut de roi des nuits étudiantes de Paris. Nous n'avons pas franchement d'information exclusive sur la soirée, mais nous avons hâte d'y être. Il faut dire que le thème nous convient tout à fait. Je me reprends à sourire bêtement devant le miroir.

Sofyan et moi sommes encore dans cette phase douce et douloureuse où nous nous aimons sans trop le dire, sans trop le montrer ; pour préserver ce bonheur encore si jeune, chancelant, fragile. En cours, nous passons tout notre temps ensemble; nos doigts peuvent s'effleurer parfois, mais la plupart du temps je me contente de la sensation de sa peau qui me frôle, de son regard malicieux qui me cherche. Puis le soir, loin de tous, l'envie qui nous consume voudrait exploser, mais nous gardons une certaine distance, comme une sécurité, une modération volontaire qui rend nos moments intimes encore plus incroyables. Rien que d'y penser, des fourmillements me chatouillent en remontant le long de ma nuque.

— Wouah Elsa, tu es trop belle ! s'exclame Anta qui sort enfin de la salle de bain,

encore plus excitée que moi.

Elle dit certainement ça pour me rassurer, parce qu'elle voit à quel point je ne suis pas à l'aise dans cette robe rouge vif si près du corps. Elle enfile sa robe bustier parfaitement ajustée à ses courbes de rêve, dans les tons rouge lie-de-vin, et à peine moins foncé que son rouge à lèvre Armani. Il est déjà 19h30, il est temps pour nous d'embarquer nos loups, et de filer en direction du club où les garçons nous attendent pour dîner.

La voiture remonte jusqu'au rond point de l'Etoile avant de se faufiler dans une petite rue à quelque pas des Champs Elysées. Sofyan et Kevin nous attendent devant le bâtiment clair, chic, avec simplement des arbustes bien taillés devant les portes d'entrée en bois vernis. Les garçons sont tous les deux très classe, même si, en toute honnêteté, je n'ai d'yeux que pour Sofyan, dangereusement magnétique dans son costume parfaitement taillé.

Nous commençons la soirée au restaurant à l'étage. Nous traversons une première salle cosy où sont disposées quelques tables vinyle avec des fauteuils baroques en velours gris, délicatement illuminée par l'éclairage du bar et les reflets des miroirs au plafond. Nous passons ensuite dans la salle principale ; plus aérienne, avec de hautes fenêtres aux impostes arrondies et des lustres qui trônent au centre de la pièce. Nous avons la chance d'avoir une des tables du fond, avec une vue imprenable sur l'Arc de Triomphe.

Après un bon repas et quelques verres, il est temps pour nous d'aller accueillir les invités au club du sous-sol. Sofyan pose sur son visage un masque vénitien qui ne le recouvre que de moitié et je trouve que ça le rend plus mystérieusement sexy que jamais. Malheureusement, je ne suis pas la seule de cet avis, vu le nombre de demoiselles qui font la queue pour l'approcher lorsque nous arrivons en bas. S'il y a bien un inconvénient à notre histoire gardée secrète, c'est cette incessante invasion de filles prêtes à tout pour tenter leur chance avec lui, juste devant mon nez.

Mais même lorsque nous nous éloignons, je sens son regard posé sur moi, sans jamais faillir, comme s'il ne pouvait pas supporter d'être éloigné de moi plus que je ne pouvais être loin de lui. Alors je suis peut-être naïve, mais je suis incapable de remettre en doute son incontestable droiture.