Un père

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31 ans en arrière :

PDV inconnu
_ Tes deux fils sont incroyablement dynamiques.
Je me retournai pour sourire à mon vieil ami, celui-ci me fit un signe de la main tout en soupirant de fatigue. Le Roi Dinesh se passa un coup d'eau avant de retirer sa tunique royale bleue orientale. Je le regardai faire avant de retourner mon attention sur les documents qui étaient en pagaille sur mon bureau. Je ramassai les feuilles et les rangeai rapidement pour que mon ami ne commence pas à m'enquiquiner. Je secouai la tête pour soulager ma nuque raide. Je ne sais pas combien de temps j'étais resté assis dans cette bibliothèque, mais je pouvais voir que le soleil commençait à descendre dans le soleil. Dinesh s'assit sur une chaise en laissant échapper un nouveau soupir. Être Roi n'était pas chose facile, surtout en s'occupant de préparer la cérémonie qui ferait de son fils le prochain roi.
_ Comment va Aditya ? Il n'est pas trop stressé ? Demandai-je en me plaçant à côté du roi qui regardait pensivement le plafond.
_ Tes fils ont le don de le dévergonder... mais disons, Karuli est là donc je ne m'inquiète pas trop.
_ Tu n'arrêtes pas de critiquer mes fils en ce moment dis donc...
_ Je te laisse aller voir le temple.
Je me levai et lui fis signe de me montrer. Nous sortîmes de la bibliothèque et une fois dans le temple, se fut à mon tour de soupirer. Je fermai les yeux de résignation.
_ Quels âges ont nos enfants rappelle moi Dinesh ?
_ Plus de vingt ans, malheureusement.
Je rouvris les yeux pour de nouveau découvrir des statues du temple dans des positions très étranges. Certaines n'avaient plus leur tête d'origine. Le dieu serpent Sarpa possédait désormais la tête du dieu Kâma, dieu du désir et vice-versa. C'était sans surprise que le prêtre vint voir le Roi totalement paniqué. Il gesticulait de partout et son visage joufflu était rouge pivoine. Il transpirait à grandes gouttes et j'eus du mal à me retenir de rire. Il essaya de reprendre sa respiration afin d'avoir un peu de dignité devant son roi. Il remit en place son turban avant de se mettre bien droit.
_ Mon roi, c'est une catastrophe.
_ Je vois cela...
_ Les dieux sont en colère, par notre seigneur Suraj ! Commença à paniquer le vieux prêtre.
Le roi ne lui laissa pas le temps de parler, il lui fit signe de se taire. Immédiatement tout autour de nous devint silencieux. Je sentais le regard de tout le monde sur notre très cher souverain.
_ Les dieux ne sont pas en colère, Prêtre. Les deux princes ainsi que des amis à eux ont voulu vous faire une blague. Malheureusement vous y avez cru.
Le prêtre devint encore plus rouge qu'à son habitude. Une sourde colère sembla monter en lui, il resta silencieux, mais je pouvais sentir sa rage de là où j'étais. Je fronçai les sourcils.
_ Ils viendront s'excuser demain à la première heure et ne nettoyez rien, ils le feront eux-mêmes. Je vous souhaite une bonne soirée.
Dinesh se retourna et s'en alla sans dire un mot de plus. Je restai un peu en retrait et regardai de nouveau le chaos qu'avait créé mes deux fils... il allait falloir que je le fasse. Ils allaient m'en vouloir, mais je faisais ça pour leur bien. Alors que je fis un pas vers la sortis, des marmonnements me stoppèrent.
_ Ce stupide prince, il ne mérite même pas de devenir roi. Il n'est qu'un im...
_ Ce genre de mot ne devrait pas sortir de la bouche d'un prêtre surtout celui assigné par le Roi lui-même.
_ Chef des armées ! Ce...
_ Ce n'est pas ce que je crois c'est ça ? Prenez moi encore pour un imbécile et je n'hésiterais pas à faire rouler votre tête sur le sol. Je le promets devant notre dieu Dielli. Essayez encore d'insulter un membre de la famille royale devant moi et s'en est finis de vous.
Il perdit immédiatement ses couleurs. Il se confondit en excuses avant de partir en courant. Je grimaçai devant cet homme sans gênes. Je lui lançai un dernier regard meurtrier avant de sortir du temple. Dinesh m'attendait tout en sermonnant un des gardes. Quand il me vit il croisa ses bras sur sa poitrine en me tournant une grimace de dégoût.
_ J'imagine que je vais devoir changer de prêtre encore une fois. C'est le combientième en quatre mois ?
_ Je dirais le dixième...
On se regarda avant de rire. La reine Âheli (pure) vint vers nous, suivis de la jeune Karuli. Elle nous fit une révérence avant de nous observer de ses grands yeux bleu, aussi innocents que ceux d'un enfant. Elle avait été choisi par Aditya parmi de nombreuses concubines. J'étais content de son choix, au moins il allait pouvoir être heureux durant de nombreuses années et avoir de sublimes enfants. Âheli me sourit avant de prendre le bras de son époux. Ses yeux gris se posèrent avec amour sur ce roi qui aurait tout fait pour elle. Ils étaient un des couples royaux les plus amoureux que je n'avais connu. Je serrais la masse de feuille que j'avais dans mes mains avant d'attraper le pommeau de mon épée. Je caressai le ruban bordeaux qui s'y trouvait avant de me retourner vers quatre silhouettes qui cherchaient à s'enfuir. Mais avant qu'elles n'aient pu faire un mouvement de plus, je me plaçai en face d'eux. D'un mouvement je leur lançai mon paquet de feuille aux visages avant de dégainer mon sabre. Immédiatement mon plus jeune fils entra dans le jeu. Il se déplaça à toute vitesse pour me donner un coup. Je le contrai rapidement avant de me retrouver dos au mur. Ce petit futé m'avait agilement mis dans une position désavantageuse. Il me fit un sourire narquois, cependant je ne lui laissais pas le temps de se vanter que je sautai vers lui. Je le fis passer au-dessus de mon épaule. Il s'écrasa lourdement sur le sol, il avait lâché son sabre et je le rattrapai au vol. Alors qu'il essayait de reprendre son souffle, je lui mis le tranchant de son propre sabre sous la gorge. Il ria nerveusement tout en levant les mains au ciel.
_ Je suis innocent ! Je le jure !
_ Pas si innocent que ça, Naman.
Mon fils se leva à l'aide de son ami Aditya.
_ Père, vous savez bien que je déteste ce surnom...
Je lui souris et lui rendis son arme. Au moins j'avais pu voir qu'il s'était amélioré mais il restait tout de même un peu trop fier. Mon fils aîné s'empêchait tant bien que mal à ne pas rire.
_ Ojas (Force physique), tu devrais pas faire le fier comme ça.
_ Vous vous amusez vraiment à nous donner des surnoms toi et maman.
_ Moi, j'aime bien, Naman et Ojas, intervint Karuli en enlaçant Aditya.
Les garçons se moquèrent en faisant des grimaces. Dinesh revint vers nous et me félicita de ma forme.
_ Nous ne sommes plus tout jeune malheureusement...
Je plaçai ma main sur son épaule. L'heure du jugement avait sonné.
Après avoir emmené les quatre singes devant moi et le Roi, j'allais devoir prendre une décision assez dur. Nous avions conclu qu'ils seraient obligés de nettoyer le temple sous la surveillance de la reine et de Karuli. Je rentrai chez moi en prenant mon bateau des sables. Vu leur punition, il fallait mieux que mes deux garçons restent au palais. Une fois chez moi, je fus heureux de retrouver ma femme. Manasa (l'esprit) me prit dans ses bras avant de m'embrasser avec tendresse.
_ Une semaine sans te voir, c'est vraiment l'enfer !
_ Tu m'as manquée aussi.
Elle me sourit avant de se diriger vers la cuisine. Son frère avait dû passer car la table était mise et le repas déjà fini. Elle me servit une assiette et me fit un bisou sur la tempe en me la donnant.
_ Tu vas encore travailler dans ton bureau ce soir ?
Je lui lançais un sombre regard, et elle comprit tout de suite que l'on devait parler. Rapidement son teint toujours mate devint pâle. Je posai mon repas sur la table et l'emmenai dans mon bureau. Je la fis s'asseoir avant de prendre une grande inspiration. Je n'aimais décidément pas prendre ce genre de décision.
_ Ils l'ont encore fait ? N'est-ce pas ? Demanda Manasa en se passant une main sur le visage.
_ Oui.
_ C'était quoi cette fois ?
_ Ils ont changé les têtes des statues du temple et leur position. Le nouveau prêtre a pratiquement fait une crise cardiaque...
Elle soupira tout en secouant la tête. Nos fils avaient de grandes carrières de soldats derrière eux, mais leurs comportements m'empêchaient de les faire rentrer correctement dans l'armée de Dielli. Nous savions tous les deux comment faire pour les calmer mais cela ne nous réjouissait pas du tout.
_ Tu vas les appeler ?
_ Oui, dès demain.
_ Qui partira ? Naman ou Ojas ?
Je n'osai pas répondre directement. J'avais une idée mais je savais à l'avance que ça n'allait pas lui plaire. Je pris une grande inspiration avant de lui demander de s'en aller. Je regardai mon téléphone qui semblait me narguer. Je devais le faire, il fallait qu'ils se calment. Ils m'empêchaient de me concentrer correctement sur mon travail. J'avais reçu un ordre bien précis et il fallait que je mette au point un plan qui pourrait stopper la plus grande menace de notre pays. Je me levai et attrapai le combiné après une légère hésitation. Il devait faire encore jour là-bas. Après deux sonneries, une voix bourrue se fit entendre. Je ne pus m'empêcher de sourire en l'entendant. Cela faisait longtemps que je ne lui avais pas parlé.
« Tu as intérêt à avoir une bonne excuse pour m'appeler alors que j'allais me coucher... »
_ Malheureusement, oui mon vieil ami.
« Ardhendu (Demi-lune), ne me dis pas que... »
Je restai silencieux pour lui donner ma réponse. J'entendis mon ami soupirer de l'autre côté du combiné.
« C'est pas possible, mais bon... je vais le faire pour toi, en souvenir du bon vieux temps. Ce sera lequel ? »
_ Naman... il est très doué et il mérite d'être entraîné par toi. Je compte sur toi pour prendre soin de lui.
« Et Ojas ? »
_ Il est aussi doué que son frère mais surtout plus réfléchi. Il reconnaît ses erreurs alors que Naman est plus dans...
« L'arrogance ? Ah je connais ça mon vieux Ardhendu ! Il sera calmé quand il reviendra. »
_ Peut être qu'une femme pourrait le calmer...
« AHAHA ! Ne t'inquiète pas ! Ce n'est pas ce qu'il manque en France ! »
_ Vieux pervert !
« Héhé ! Fait gaffe à ce que tu dis ! Sinon quand comptes-tu me l'emmener ? »
_ Il faut déjà que je le prévienne... normalement d'ici trois jours.
« Tu vas être haïs mon vieux. Très bien on se rappelle alors. Va te coucher Ardhendu, tu sembles fatigué. »
_ Oui je vais y aller. À bientôt.
Je raccrochai et me tournai vers ma fenêtre qui menait sur la cours intérieure de ma maison. Je savais que j'allais être détesté pour cette décision, mais il fallait que je le fasse. J'enlevais ma tunique et rejoignis ma femme qui dormait profondément. Depuis maintenant deux mois, je n'étais plus à la maison. Je passais mon temps au Palais pour récupérer des informations sur ma mission. Et puis, j'étais le chef des armées, je devais être au près de mon roi. Je lui caressai les cheveux, elle bougea légèrement puis se tourna pour se coller contre moi. Je la serrai fort dans mes bras. Elle ne se plaignait jamais mais je savais que c'était dur pour elle. Être loin de moi la rendait très triste. Mais dès que cette affaire sera terminée, je m'occuperais d'elle, elle n'aura plus à s'inquiéter. Je m'endormis en remuant dans ma tête le scénario qui allait se dérouler le lendemain.

L'âme du désertWhere stories live. Discover now