Chapitre 1

6.7K 497 42
                                    

« Il est la beauté, il est la vie.

Je le regarde jusqu'à ce qu'il disparaisse à l'horizon.

Quelqu'un à mon côté dit : « il est parti ! »

Parti vers où ?

Parti de mon regard, c'est tout ! »

— William Blake, Le voilier



Quelques siècles plus tard

- France, de nos jours -

Effrayant.

La description ne pouvait se faire plus précisément que par ce mot. Effrayant. Ou bien intimidant. À moins que le terme qui ait le mieux convenu n'ait été celui d'hypnotique puisque le regard argenté de l'homme ne parvenait pas à se détacher de la créature dépeinte par une simple image datant d'une époque incertaine. Sûrement une peinture de la Renaissance. Ou bien s'agissait-il d'une représentation moyenâgeuse en période de peste noire ?

— Vous avez là une magnifique fresque française du XIXᵉ siècle, renseigna la guide avec un grand sourire.

Cette dernière, une jeune femme très certainement étudiante en histoire de l'art, commençait à décrire une œuvre pourtant indescriptible. La beauté du tableau ne pouvait ressortir en de simples mots venant de la bouche d'une personne qui ne pouvait pas comprendre de quoi elle parlait. Pas avec une telle peinture. Ni la date ni l'analyse de la toile n'étaient correctes.

Et tandis qu'elle finissait la présentation de l'œuvre, la guide poursuivit sa visite, suivie par une petite foule attentive. Arian aurait pu ressembler au reste de ce groupe de touristes anglophones. Seulement, l'unique chose qu'il partageait avec eux était une langue. Lui, au contraire des autres dans ce lieu, n'était pas en France pour y faire du tourisme. D'ailleurs, il ne trouvait rien d'intéressant à voir ici. Paris à la rigueur. Nice, pourquoi pas. Mais Tréhorenteuc, ville paumée de Bretagne  ?

L'homme haussa les épaules, profitant simplement de l'exposition temporaire. Sa présence dans ce bâtiment n'était qu'un détour. Et il ne regrettait pas ce choix. Son regard toujours posé sur l'œuvre ancienne, il ne parvenait pas à s'en détourner.

La scène présentée était sanglante, composée d'hommes, de femmes et d'enfants égorgés, tailladés, mis en pièce par un monstre sanguinaire. Même les animaux, dangereux ou non, n'avaient pas été épargnés par la brutalité du massacre. Et au centre de la fresque se tenait le coupable de cette horreur. Plus précisément, la coupable y était dépeinte comme sujet principal et central.

Une créature qui fit naître en Arian la contradiction d'une admiration certaine pour cette dernière et d'une haine envers lui-même pour être ainsi subjugué. Ce monstre n'avait rien de sublime dans ce carnage, et pourtant Arian ne pouvait s'empêcher de le voir ainsi. Une femme magnifique que l'art ne parvenait pas à décrire dans toute sa splendeur. Les mains tachées par le sang, un visage qui en était recouvert tout comme ses vêtements somptueux, la créature regardait dans le vide, deux ailes de papillon dans le dos. Pâle, les lèvres étirées par une esquisse secrète, la femme avait cette étincelle dans les yeux qui voulait traduire son plaisir morbide pour la sauvagerie de son carnage.

Cependant, Arian se sentait à la fois terrifié et fasciné.

Terrifié par ce que cette femme avait fait, fasciné par sa beauté irréelle.

Au rythme de la nuit 1 - Le Papillon écarlateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant