La Voleuse

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Bonjour à toi ami de voyage, aujourd'hui, je te propose une dernière rencontre avant que les péripéties et chambardements ne commencent. Allons, suis-moi, elle est juste là, appuyée contre le mur d'une imposante bâtisse, recouverte par les ombres.

Les carreaux cassés du musée l'appelaient. Derrière ces cadres de bois béants habituellement scellées par de grands panneaux de verre, des centaines de trésors s'étalaient. Un seul d'entre eux la rendraient riche. Un seul d'entre eux lui permettrait de prendre la mer à la tête d'un équipage de forbans prêts à écumer les eaux. Elle ne savait trop d'où lui venait ce désir de prendre la mer mais il était bien là, encré au plus profond de son être. Elle triturait le médaillon pendu à son cou, le seul objet de valeur qu'elle possédait, les bijoux de pacotille de son abusif mais défunt beau-père depuis longtemps mis au clou dans la boutique sale et mal rangée de quelque prêteur sur gage de l'une des allées sordides de White Chappel. Auprès d'elle, repliés dans l'ombre, se trouvaient les gosses de White Chappel. Ils n'étaient guère plus haut que trois pommes mais en avaient déjà vu bien plus que beaucoup des nantis en col blanc de Piccadily ou de Tottenham Court Road. Oh comme elle les détestait ces olibrius en queue de pie que les poches débordant d'argent se faisaient sentir maître du monde. Ils pensaient pouvoir tout acheter, le silence, la liberté, la vie, la mort, même une conscience. Un seul de ses gamins vaudrait toujours mieux que tous ses pingouins paradant, canne à la main.

Elle accrocha le regard de Billy, le chef de cette petite bande hétéroclite dont elle était devenue la chef sans trop savoir comment. Si elle parvenait à acheter son navire, lui, elle l'emmènerait, parce qu'après tout, même si son cœur était de glace, il avait un tout petit peu fondu pour le petit Billy. D'un hochement de tête, elle lui indiqua qu'elle allait tenter le coup. Elle fit ensuite très lentement non, son visage pivotant vers la gauche puis vers la droite avec une lenteur infinie. De la main gauche, sa main droite se refermant déjà sur son pistolet, elle se pointa puis désigna le musée. Elle irait seule. Les gamins l'attendraient pour mettre en œuvre la suite du plan. Elle se dirigea ensuite à pas feutrés vers l'entrée, surveillant les alentours de son regard perçant. Pas de chance, deux policiers y faisaient déjà le planton. Elle étouffa un rire. Ces deux nigauds surveillaient le huis de bois solide et fermé à double tours alors que les centaines de fenêtres du bâtiment étaient béantes. L'air de rien, le chapeau bien enfoncé sur la tête, ses longues mèches rousses bien cachées de façon à ce qu'on eu pu croire qu'elle était un homme, elle contourna le musée, semblant se diriger vers les bas quartiers de la ville mais, juste avant de tourner à gauche, elle obliqua à droite et disparu dans les fourrés.

Elle resta tapie un instant sous le feuillage des buissons parfaitement taillés bordant le parc entournant le musée comme un écrin de verdure. Dès qu'elle fut certaine que personne n'avait remarqué le curieux manège d'un homme aux habits de cuir et de toile rapiécée sautant dans la verdure d'un joli parc bourgeois, elle rejoignit furtivement le mur de pierre se dressant face à elle et, à la grâce des ombres projetées par l'imposante bâtisse dans la noirceur du soir, longea le bâtiment jusqu'à la première fenêtre assez en retrait de la place que pour être hors de vue des badauds curieux. Elle jeta rapidement un œil par l'ouverture béante, vérifiant que personne ne se trouvait dans le couloir. Satisfaite, elle enjamba l'appui de fenêtre d'un saut souple, tel un chat puis se faufila dans les couloirs sombres à la recherche de joyaux qu'elle pourrait aisément écouler. Le pavement résonnait à peine sous ses pas légers. Elle avançait telle une ombre, son coutelas en main, prête à frapper quiconque aurait tenté de lui voler sa liberté. Avec le sourire d'un chat voyant arriver son pot de crème, elle s'approcha d'une vitrine. Au milieux de divers bijoux qu'elle fourra dans son sac, un camée d'une hauteur impressionnante pour un tel objet. Elle prit la pierre sculptée dans sa main et l'examina un instant. Auguste, l'Empereur Romain, était représenté sous les traits d'un jeune homme couronné. Le César était gravé en blanc sur un lit de pierre orangée. Les nantis friands d'antiquités seraient prêts à mettre un bon prix pour un tel objet. C'était une bonne trouvaille bien qu'elle ne puisse le revendre à Londres, il y était trop connu. Avec soin, elle l'enroba dans un morceau de chiffon et le glissa dans sa bourse attachée à sa ceinture de cuir. Son larcin accompli, un léger sourire aux lèvres, elle rejoignit la fenêtre par laquelle elle était entrée, jetant rapidement un coup d'œil par-dessus l'appui de fenêtre en bois foncé, elle jura dans sa tête, convoquant un vocabulaire particulièrement fleuri et imagé. La fenêtre était gardée. Elle aurait dû y penser avant. Qu'à cela ne tienne, elle n'était pas du genre à se laisser abattre. Elle se releva discrètement et, encore plus silencieusement qu'à l'aller, elle se glissa dans les corridors jusqu'à la porte de service que personne ne gardait jamais. Elle était au bout d'un couloir méconnu par tout autre que les employés, ou les voleurs, une simple porte de bois qui était toujours ouverte. Seul ennui, une lourde porte de métal, fermée par un complexe verrou se dressait entre la salle de repos des employés dans laquelle la petite porte de service donnait et les couloirs du musées et leurs trésors inestimables. Elle baissa les yeux vers le verrou et sorti un rossignol de sa poche avant de commencer son travail d'ouverture de la serrure. Après de nombreuses minutes de lutte silencieuse avec la ferraille, elle entendit enfin le déclic salvateur annonçant l'ouverture de la porte, traversa la salle de repos et referma la porte, s'accroupissant un instant dans le noir. Elle se mit à étudier le balai des policiers faisant leur ronde. Trente secondes. Il y avait trente secondes de battements pendant lesquelles ce côté du musée. Elle attendit patiemment la fenêtre de fuite suivante et, dès l'instant où le seconde policier tourna à l'angle du mur, elle s'élança à toute vitesse à travers la cour, marchant en équilibre sur la bordure pour ne pas faire crisser le gravier puis sautant souplement sur l'herbe du parc. Elle se tapi ensuite dans les buissons que les jardiniers avaient pris soin de choisir afin qu'ils soient verts toute l'année ce qui arrangeait particulièrement les affaires de notre voleuse. Elle s'apprêtait à repartir quand soudain, elle senti une présence à ses côtés. Tournant rapidement la tête, son coutelas volant vers la gorge de l'intru, elle eut la surprise de découvrir deux grands yeux enfantins et curieux. C'était un gamin, pas plus haut que Billy, 12 ans tout au plus. Il était blond, les cheveux un peu longs, coiffés en bataille, pas très très propre, des vêtements trop grands pour lui. Elle tenta dans un premier temps de l'ignorer mais se rendit compte que son action était futile lorsqu'il ouvrit la bouche.

« - Dis, Madame, qu'est-ce que tu fais ?

Soupirant, elle posa son doigt sur ses lèvres pour lui indiquer qu'il fallait absolument qu'il tienne le silence. Elle observa les policiers continuer leur ronde, les badauds passer, et, au loin, l'inspecteur qui lui rendait la vie impossible. Il ne manquait plus que lui.

« -Madame, tu fais quoi ? Tu joues à cache-cache ? » L'enfant revint à la charge. Quelle plaie, il allait.... Non, c'était fait, les policiers avaient entendu sa petite voix et s'approchaient. Elle tenta de se replier vers un coin plus sombre donnant sur le muret soutenant les grilles entourant le musée mais le policier ne lâchait pas l'affaire, il les cherchait. Alors elle fit la seule chose qu'elle pouvait faire, elle rassembla ses forces, jeta un œil au gamin et lui chuchota

« - Prépare-toi à courir .... »

« -Peter répondit le gamin devant le blanc laissé par la jeune femme je m'appelle Peter. »

« Alors tiens-toi prêt Peter. »

Et sur ces mots, elle attrapa la main de l'enfant, imita le cri d'un coq au lever du jour afin de prévenir ses gosses qu'il fallait non seulement vider la place mais se tenir prêt à récupérer le butin puis jalli du buisson comme un diable de sa boîte, envoya sa main libre en pleine figure du policier dont le nez se brisa dans un craquement sec et détala vers Tottenham Court Road.  


Alors, qu'en avez-vous pensé ? Une idée de qui ils sont ? Et de quel sera leur rôle ? 

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