L'inspecteur

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Dans les bureaux de Scotland Yard, une lumière brillait encore en ce soir de Noël. Une simple petite lampe qui faisait écho à celle encore allumée au bureau d'accueil. Derrière celui-ci, un policier tout en uniforme était affalé sur une chaise, à moitié endormi. Devant lui, sur le bureau encombré de multiples rapports concernant les vols qui, en cette période de fête se multipliaient dans les magasins de la capitale anglaise, s'étalaient les restes d'un bon repas, froid mais copieux, composé de tranches de dinde farcies, de pain blanc, de christmas pudding et d'une bouteille de vin. Certes les représentants de l'ordre n'étaient pas sensés boire en service mais le soir de la naissance du Christ, tout le monde, même le plus intransigeant des inspecteurs était prêt à faire une exception. Enfin, tout le monde sauf l'homme qui se trouvait au premier étage et dans le bureau duquel cette petite lumière était encore allumée. Il s'agissait de l'inspecteur Henry Macmiller, le plus fin limier de la police anglaise. Il était assis à son bureau, une main passant régulièrement dans ses cheveux poivre et sels, pestant à mi-voix contre les chants de Noël qu'il entendait malgré ses fenêtres closes. Il était assez séduisant malgré ses quarante ans bien passés, un visage aux traits coupés à la serpe, des lèvres fines et des yeux de jais surmontaient un corps athlétique que des costumes coupés sur mesure mettaient en valeur. S'il avait fallu définir physiquement l'inspecteur Macmiller, l'adjectif le plus utilisé aurait été « élégant ». Elégant certes, mais sévère. Son front était perpétuellement orné d'un pli préoccupé, son esprit toujours en pleine réflexion. Dans ses costumes parfaitement coupés, il portait toujours, calé contre sa hanche, un revolver chargé, signe de sa vigilance constante. L'inspecteur n'avait aucune famille si ce n'est des parents et une sœur habitant en Ecosse dans le manoir familial et avec qui il était en froid depuis qu'il avait décidé de rejoindre Scotland Yard et de s'établir à Londres. En ce soir de Noël, il avait donc décidé de rester dans son bureau, travaillant sur une affaire ennuyeuse à périr de collier volé dans une des maisons cossues de Tottenham Court Road. Bien que l'affaire soit particulièrement facile, c'était la domestique qui avait fait le coup, Macmiller cherchait encore comment la petite péronnelle avait réussi à se débarrasser des perles dérobées avant de se faire fouiller par son employeur. Sa main droite s'affairait à annoter les récits des différents témoins à la recherche de la faille quand un bruit sourd lui parvient d'en bas. Secouant la tête, pestant désormais contre l'agent imbécile qui ne savait pas se faire discret, il fut soudainement tiré de ses pensées par une vice clarté envahissant son bureau. Henry Macmiller cru un instant que la fatigue avait eu raison de lui quand lorsqu'il s'approcha de la fenêtre, il put observer une sphère semblable à une boule de feu s'élever dans les airs sans qu'aucune cause ne soit visible. Se ruant vers sa veste, son chapeau et sa canne, l'inspecteur se rhabilla rapidement, sortant comme une furie de son bureau, le tout pour éviter de justesse l'arrivée de Smith, l'agent d'en bas, en sueur, visiblement aviné et un œuf rougeâtre commençant à enfler sur son front. Soupirant, piaffant de se rendre sur les lieux du mystère, l'inspecteur pressa le jeune Smith, gamin dégingandé d'une vingtaine d'années fraichement engagé à Scotland Yard, de lui exprimer les raisons de sa présence au premier étage et non derrière son comptoir du rez-de-chaussée. Le jeune Smith se mit à bégayer, de sa voix horriblement nasillarde.

« - A...A.....A....Alerte !!! Une atta.... Une atta.......une attataque !!!!

-Una attaque ? Dans quel secteur ? – demanda l'inspecteur sèchement, déçu d'être détourné du mystère lumineux par une attaque quelconque

- Sur ....sur.....enfin.... dans.... Enfin.... Là.....haut.....enfin, un dra...un dradra..... un dragon crache sur la viiiiiiiiiiiiiiille » acheva l'agent à bout de souffle et prêt à mouiller ses culottes dans sa terreur.

Un dragon, un dragon ! L'inspecteur secoua la tête, se disant qu'il aurait bien tout vu dans sa carrière et maudissant l'incompétence semblant sans limite de son subalterne. Poussant celui-ci hors de son chemin,lui enjoignant de regagner son poste, Macmiller enfonça son chapeau haut de forme sur son crâne et dévala les marches, traversant le hall d'entrée à vive allure, jaillissant des portes du commissariat comme un diable de sa boite et hélant un fiacre dans lequel il sauta presque instantanément. Filant à toute allure dans la nuit, les cheveux s'arrêtèrent, écumant, devant le British Museum qui était désormais totalement englobé d'une lueur si aveuglante désormais qu'à peine le pied posé sur les pavés enneigés, l'inspecteur dû se protéger les yeux d'une main, l'autre se posant instinctivement sur son pistolet.    

ImaginaerumWhere stories live. Discover now