Chapitre 6

3 0 0
                                    


Ma première journée en tant que tutrice commence. Je sais que ce ne sera pas simple, j'ai déjà eu un avant-goût du caractère d'Alan qui est loin d'être un ange, à part peut être son visage. J'arrive plus tôt que d'habitude pour l'aider à se retrouver dans le petit labyrinthe qu'est notre lycée, seulement il n'est pas décidé à se montrer. Après l'avoir attendu pendant près de vingt minutes je m'avoue vaincue et commence à aller devant ma salle de cours lorsqu'une voix masculine lointaine me lance :

« Eh ben alors miss, tu laisses ton petit protégé tombé dès le premier jour ?». Je me retourne, étonnée de cette remarque plutôt déplacée, et aperçois la silhouette musclée d'Alan. La journée vient à peine de commencer et voilà qu'il commence déjà à me chercher, je sens que les cours vont être longs...

« Miss ? A ce que je vois j'ai le droit à un surnom privilégié, je suis touchée. Mais tu vas bien vite, on ne se connaît que depuis hier je te signale et ne va pas croire que je suis tombée raide dingue de toi comme toutes les autres, lançais-je avec une pointe d'ironie. Alors au lieu de jouer le beau parleur commence déjà par arriver à l'heure je ne vais pas poiroter tous les jours en attendant monsieur.

- Oh mais bien au contraire je prends mon temps avec toi, ça va ce n'est pas comme si je t'avais appelée bébé devant tout le monde en t'embrassant, réplique t-il en plongeant son regard dans le mien.

Je suis prise d'un frisson qui vient parcourir toute ma colonne vertébrale. Ses yeux sont d'un bleu rare, proche de celui de ces eaux paradisiaques du Pacifique, un vert assez doux encercle sa pupille. Son sourire moqueur en coin me fait fondre, c'est comme si ses lèvres appelaient les miennes. Je suis entrain de succomber, il faut que je me ressaisisse, que je lui balance une remarque pour qu'il ne remarque pas mon admiration pour sa beauté.

- Figure toi que si, c'est exactement la même chose, répondis-je en sentant le rouge me monter aux joues. Alors écoute moi bien, je suis pas comme toutes ces imbéciles de filles qui sont totalement aveuglées par toi. Tu vas très vite redescendre de ton piédestal, revenir parmi le commun des mortels et arrêter de te prendre pour un dieu.

- Tu t'es levée du pied gauche ou tu es toujours comme ça ? Parce que pour celle qui représente la classe tu n'es pas très avenante. Et ce n'est pas de ma faute si je suis beau et que tu ne veux pas t'avouer les sentiments que tu as pour moi.

Alors là, il va beaucoup trop loin. Mais pour qui il se prend ? Comment fait-il pour avoir une confiance en lui aussi débordante ? Je sais que d'un côté il n'a pas tort seulement je ne veux pas lui donner raison, j'ai tellement envie de le remettre à sa place, lui faire fermer sa grande bouche.

- Non, je te rassure elle n'est pas toujours comme ça elle ne se contrôle pas devant les garçons qui lui plaisent, répond ma meilleure amie à ma place.».

Je lui lance un regard noir et elle me fait un clin d'œil comme si elle venait de ma rendre le plus grand des services alors qu'elle vient de m'enfoncer à 20 000 pieds sous terre. Alan me fixe et rit gentiment pour se moquer de moi, des petites fossettes se creusent et son sourire me fait oublier la honte qu'ils venaient de me mettre. Comme chaque cours, il doit se présenter rapidement aux professeurs afin qu'ils sachent approximativement ce qu'il connaît. Il se dirige au fond de la classe et prend place sur la chaise libre à coté de moi.Cette fois je ne comprends vraiment pas ce qu'il lui prend, bien que je sois sa tutrice, il n'est pas obligé de me suivre partout. Bientôt je vais devoir l'accompagner aux toilettes des fois qu'il se perde...

« Mais c'est pas possible tu vas me suivre partout comme un petit toutou maintenant ?!, chuchotais-je.

- Arrête de faire comme si ça ne te faisais pas plaisir, tu es toute rouge et il y a des étoiles dans tes yeux. Je suis sûr que si je m'étais assis à côté d'une autre tu l'aurais égorgé avant la fin de la journée.

Des étoiles dans mes yeux ? Comment peut-il voir ce détail ? Je sens une crampe s'emparer de mon ventre et la honte envahir mon corps.

- Ne sois pas aussi sûr de toi sinon c'est toi que j'égorgerais avant la fin de la journée. Si je suis rouge c'est qu'il fait quarante degrés dans ces salles et ne t'avise pas poète ça ne te va vraiment pas. ».

Ses dernières paroles résonnent dans ma tête comme si je venais de me livrer à lui, seulement je me persuade qu'il n'a dit ça juste pour me ridiculiser, pour confirmer les paroles de ma meilleure amie, qu'aucune rougeur n'est apparue, qu'aucune étoile n'est venue se loger dans mes yeux. Je ne peux pas tomber amoureuse et même si j'en ai envie, je n'ai pas le temps pour ça. Quand je vois la relation de mes parents je ne crois plus en ce sentiment décris dans les films ou les romans à l'eau de rose, quand je vois le nombre de violences conjugales dans le monde, je n'ai pas envie de m'enfermer dans cette bulle qu'est l'amour. Je veux juste réussir mes études, être là pour les personnes qui me sont chères, essayer de passer au dessus de ces cris incessants dès que je rentre, de résister à cette envie folle de trancher mes veines pour en finir avec cette foutue vie. Personne ne connaît ce côté sombre de ma personnalité, celui que j'essaie au maximum de cacher quand je suis en public mais que je laisse ressortir quand je suis seule dans ma chambre. Je suis dangereuse, je le sais mais je ne veux pas changer ce côté peut être parce que c'est celui que je préfère, celui qui me définit le mieux.

En rentrant, je ne prends même plus la peine de saluer mes parents, je passe la tête dans la chambre de ma petite sœur qui pleure chaque jour en espérant qu'ils se soucient d'elle. Je la prends dans mes bras et la serre aussi longtemps qu'il le faut pour que ses larmes cessent de couler. Une fois qu'elle est plus calme, je monte dans ma chambre. Inutile d'essayer de réviser, avec ce bruit, ce serait comme si vous demandiez à un aveugle de lire un roman de 600 pages qui n'est pas écrit en braille. Alors je retrouve un petit carnet rose dans un tiroir, des lignes sont tracées et n'attendent plus que d'être remplies par des mots. Je passe ma nuit à coucher mes sentiments et mes questions sur ce carnet qui me fait faire le vide dans ma tête, qui me fait oublier l'espace de quelques minutes que je suis au plus bas et que la seule chose qui m'aide c'est Alan lorsqu'il me taquine en me faisant des remarques.

On ne peut pas appeler ça de l'amour je ne le connais depuis hier, mais je ne peux pas cacher qu'il m'attire. Son sourire et son regard se redessinent petit à petit dans ma tête, une crampe s'empare de mon ventre, mes yeux brillent comme les étoiles dans le ciel et inconsciemment un sourire se dessinent sur mes lèvres. Il vient hanter le moindre recoin de mes pensées, le moindre rêve, il prend possession de mon quotidien et de ce que je ressens. Je ne dois pas m'avouer vaincue, je sais exactement ce que j'ai à faire, l'oublier ne sera pas compliqué. Sortir avec un autre, ne  lui adresser la parole uniquement s'il engage la conversation et si c'est réellement important, rentrer dans son petit jeu de drague sans jamais céder à la tentation, le renvoyer comme il le fait si bien, le rendre mal à l'aise dès que j'en ai l'occasion. Tout semble si simple quand on y pense mais la réalité est bien plus cruelle que cela. Parce que je ne peux pas oublié la conversation qu'il a eu à son arrivée à propos de son quotidien avec mon professeur principal, tout comme je ne peux pas non plus cacher et dresser une barrière face à mon attirance envers lui. L'heure sur mon réveil me rappelle que je vais encore faire une insomnie, que la fatigue va envahir mon corps toute la journée de demain et que n'aurais pas la force de me battre contre le petit démon qu'est Alan. Je prie les étoiles pour qu'il ne soit pas aussi joueur qu'aujourd'hui parce que je pourrais bien lui dire des choses que je regretterais plus tard. 4H00. Dans deux heures je suis censée être prête à affronter la dure journée qui m'attend,seulement je n'ai aucune envie de me lever, je veux juste rester enfouie sous ma couverture, au chaud, à l'abri des attaques et des reproches du monde.


Un monde qui s'écrouleUnde poveștirile trăiesc. Descoperă acum