Pour parfaire la tenue, j'avais ressorti mes bottes dites "de combat" noires qui remontent jusqu'en-dessous des genoux.  Puis, j'avais attaché mes cheveux en une tresse française serrée pour qu'aucune mèche ne vienne me gêner, si j'avais besoin de me battre. 

Parce qu'à chaque fois que je pars pour les Enfers, je ressens le besoin de m'habiller comme si j'allais combattre. C'est presque instinctif. 

— Et si je l'achève de mes mains, je lui prouverais qu'elle a réussi. Qu'elle a fait de moi une meurtrière sans âme ni éthique. Que je suis un bourreau, à la place d'être une Reine. Et bien que j'ai cru, pendant un long moment, que c'était le cas... Je crois que je suis enfin prête à prouver le contraire. Je ne serais peut-être pas une Reine tout de suite, mais quand viendra mon tour, j'en serais une bonne. Et je n'ai rien d'un bourreau, plus maintenant. J'ai changé et il est grand temps que je le montre. 

Mes yeux rencontrent finalement ceux de mon père qui m'observe, en silence. Je lis la fierté dans ses yeux et un sourire se dessine sur mes lèvres lorsque j'aperçois une larme couler sur sa joue gauche. Il ne dit rien, il me sourit en retour, les yeux brillants. 

Je ne sais pas ce qu'il a ressenti en m'entendant parler, mais il semble fier de moi. Je n'avais pas lu cette émotion chez lui depuis un sacré moment. Depuis que j'ai frappé un garde qui croyait que j'étais une intruse, il me semble. 

Mais à cet instant, ce n'est pas au passé que je pense. C'est au futur. Un futur que je me sens incapable d'envisager sans mon père à mes côtés. Et quoi qu'il ait pu se passer entre nous depuis ma naissance, malgré toutes les trahisons, coups dans le dos, abandons et rejets, c'est à cet instant que je me rends compte d'à quel point j'ai besoin d'un père dans ma vie. 

Même si ce père est Lucifer et même s'il y aura encore des bas, j'ai besoin qu'il me guide et non qu'il me regarde grandir en silence. 

Comme s'il avait senti mon changement d'opinion, il s'approche de moi et m'enferme dans une étreinte à la fois tendre et émotionnellement violente. Une étreinte qui dit pardon tout en me remerciant. Une étreinte qui promet tout, tout en s'excusant pour rien. 

Il fait nuit, froid et d'ici quelques heures, je mettrais à mort ma propre mère. Et pourtant, pour rien au monde je voudrais que les choses se soient passées différemment. J'avais besoin d'être trahie, brisée et traînée dans la boue pour me construire. 

J'ai besoin d'être admirée, appréciée et demandée pour grandir et j'aurai besoin d'être instruite, conseillée et épaulée pour régner. Et même s'il n'a pas eu le rôle le plus simple, mon père avait comprit tout ça bien avant moi. C'est pourquoi nous sommes là, à deux heures du matin, en train de nous étouffer mutuellement pour pardonner l'autres. Et c'est une chose que ma mère ne saura détruire. 

Me défaisant de l'étreinte de mon père pour le regarder dans les yeux, je lui souris et hoche frénétiquement la tête pour chasser les émotions qui m'assaillent. J'ai besoin de me vider la tête pour pouvoir me concentrer sur l'événement qui arrive. 

Je ne peux pas prendre une décision allant à l'encontre de ce que je viens de découvrir. Mon père recule également, ouvrant ses ailes pour les secouer, comme s'il chassait d'éventuelles fourmis. Après un dernier regard sur moi, il  replie ses ailes et expire bruyamment, me faisant légèrement sursauter. 

— Tu sais, la dernière décision "difficile" que j'ai prise en tant que Roi, c'était à propos des Dullahans, m'avoue-t-il. 

J'opine du chef, un léger sourire sur les lèvres à l'évocation de ce souvenir. 

— Je me souviens de ça. La première fois que j'ai amenée Samantha en Enfer, je t'avais dit que les Dullahans nous avaient attaqué. Et toi, tu avais dit.... Tu avais parlé d'une violation d'un accord, je crois. J'avais cru comprendre que ça n'était pas resté impuni, mais je n'ai plus revu de Dullahans depuis la Thaïlande. D'après Lilith, certains auraient attaqué Idan mais ils n'ont pas survécu. 

Les Chroniques d'Idan (tome 2) : La Première ReineHikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin