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Mon regard se perd à travers la vitre embuée du couloir, mes mains s'étant instinctivement posées sur la surface froide et transparente. L'horizon ensoleillé qui se dessine sous mes yeux me captive un instant, tandis que je reste prisonnier de cette odeur de désinfectant dont est rempli l'hôpital. Pourtant, la blancheur des lieux ne m'atteint plus, mes iris ne captant plus que les rayons du soleil et les bâtiments qui s'étendent à perte de vue à travers la vitre.

Seul. Je me sens seul. Et je suis seul. On vient d'ailleurs tout juste de me le rappeler, encore une fois. Je ne compte plus les jours que j'ai passé ici, à attendre. À attendre de récupérer, à attendre que quelqu'un puisse enfin venir me voir. Si quelqu'un le peut encore... Ni Taeyeon, ni mon frère n'ont daigné me rendre visite. Ou plutôt, personne ne le peut, selon les médecins. Ce qui ne m'indique pas ce qu'il est advenu d'eux...

Apparemment, mon état de santé est encore trop faible. Et à en juger par les nombreuses marques de couleur mauve ou jaune parsemées sur ma peau, je suis encore loin d'être rétabli. Mais apparemment ce qui me retient surtout ici, ne sont pas les nombreuses blessures et cicatrices que je porte encore.

Non, de ce que j'ai entendu des médecins, c'est ma santé mentale qui les inquiètent. Je ne comprends pas bien là ce que cela veut dire. J'ai surtout peur de comprendre. Peur d'accepter une vérité qui fait encore trop mal. De toutes façons, je n'ai jamais été très doué pour comprendre. Ni pour être séparé de la douleur...

Un soupir quitte mes lèvres tandis que je revois le médecin me sourire, me donnant la chair de poule. Je ne comprends même plus ce qu'il m'a dit. De toutes façons, il ne parle pas tellement que cela lorsqu'on se voit. Et lorsqu'il le fait, tout me paraît tellement compliqué... Souvent, il me pose surtout des questions, mais j'ai déjà remarqué qu'il n'aime pas gaspiller sa salive. Il n'est pas méchant, mais je sais qu'il attend surtout que ce soit moi qui prenne la parole. Comme si, d'ailleurs. Comme si j'allais vraiment me confier à un inconnu en blouse blanche.

Ma main glisse sur la vitre, laissant la fraîcheur remonter mes doigts tandis que le bruit de mes pas résonne légèrement dans le couloir vide. Je suis seul, mais je l'ai finalement toujours été. Le bruit de mes doigts qui glissent sur l'épaisseur de verre atteint mon oreille, pourtant je n'entends plus rien, pas même les battements de mon cœur. Aujourd'hui encore, ils m'ont tous dit, que j'étais seul. Et ils ne m'ont donné aucune nouvelle sur mes proches, comme d'habitude. À croire que je suis vraiment devenu orphelin... Ou que je l'ai finalement toujours été...

Doucement, je pivote sur moi-même, me tournant entièrement face à la vitre avant de poser mes deux mains à plat dessus. Paumes tournées vers le soleil, je n'attends pas d'avoir laissé mon empreinte sur le verre pour écraser aussi mon nez contre la surface transparente, appréciant aussitôt la fraîcheur qui s'en dégage. Dans quelques secondes, je sais que je détesterai déjà mon idée en sentant l'humidité courir sur ma peau. Mais le sentiment que d'écraser son nez sur une vitre propre et ce, dans un hôpital, est trop bon pour se retenir de le faire. Ce qui emporte pour l'instant sur mon dégoût.

Surtout que ça peut faire froncer le nez des médecins. Je les vois d'ici soupirer en secouant leur tête, avant de détourner le regard pour soupirer une deuxième fois. Les adultes ici sont tellement faciles à déconcerter. Concernant les règles de vie et d'hygiène, il suffit d'une légère entorse pour les faire grincer des dents. C'est d'ailleurs les seules fois où ils se montrent tous prévisibles... Un mot qui n'existe pas dans d'autres circonstances.

Je me décolle de la vitre doucement, laissant mon regard se perdre à l'horizon tandis que le silence des lieux apaise doucement mon cœur. C'est calme. J'aime la tranquillité dans cette partie du bâtiment. Que ce soit les couloirs ou les bureaux, ici il n'y a aucun bruit. Ou alors, seulement le bruit de la pluie lorsque les gouttes tapent contre la surface en verre des vitres. Mais pas aujourd'hui. Ici, pour casser ce silence, il n'y a que le temps qui s'amuse à le faire.

Un soupir quitte encore une fois la barrière de mes lèvres, résonnant dans le couloir pour venir heurter mes tympans. Ce vide, ce silence, je l'aime bien, mais seulement un instant. Après il devient trop pour moi. Trop lourd, trop pesant, trop oppressant. Comme s'il me transperçait le corps, comme s'il se calait dans ma gorge, comme s'il me bâillonnait, comme s'il liait mes mains et mes pieds. Et ça me rend malade. Ça me donne envie de vomir.

Je tourne les talons, fuyant maintenant ce silence oppressant et ce vide pesant, laissant pourtant mes doigts tracer leur chemin sur les murs. C'est une habitude que j'ai pris depuis quelques temps. Quand, je ne saurais le dire, mais je sais que ça fait un moment. Sentir la rugosité des murs sous mes doigts me rassure. Elle me rappelle qu'il y a, autour de moi, une barrière qui me protège du monde.

Sécurité. Ce sentiment que d'être en lieu sûr, protégé, couvert, à l'abri, inatteignable. Cette impression que d'avoir finalement un « chez-soi », même temporaire. Cette illusion de savoir qu'un endroit vous abrite, vous coupant du reste du monde et vous gardant au chaud, dans un lieu dit « sûr ». Sûreté. C'est tout ce que je demande.

Ah, Baekhyun !

Je sursaute, surpris, avant de décoller aussitôt mes doigts du mur pour me retourner vers l'infirmière qui s'approche de moi en souriant. Elle, je l'aime bien. Elle s'appelle Kwon Boa et c'est elle qui m'a accueilli à mon réveil. De tout le personnel de l'hôpital que j'ai eu, c'est elle que je préfère. Elle est la plus gentille et la plus amusante de tous. Et peut-être la seule personne dont je tolère encore de recevoir un sourire.

Ton rendez-vous avec le médecin s'est bien passé ?

Je hoche la tête doucement, la regardant approcher avec une mine rayonnante.

Vraiment ? sourit-elle en s'arrêtant devant moi avant de me pincer doucement la joue.

Oui, je grimace, tandis que son rire retentit doucement à mon oreille.

Ah, je préfère quand tu n'as pas perdu ta langue, se moque-t-elle gentiment.

Un léger sourire s'étire sur mes lèvres tandis que je lui emboîte le pas, laissant mon regard courir sur ses crocs d'hôpital. Je trouve ce modèle de chaussures vraiment laid, mais c'est étonnant à quel point sur elle ça va plutôt bien. Peut-être parce qu'elle est toujours souriante et dynamique...

J'ai une bonne nouvelle pour toi Baekhyun, lance-t-elle soudain.

Surpris, je relève les yeux vers Boa, fixant son sourire un instant avant de froncer les sourcils. Mais c'est sans compter sur sa coopération. Avec Boa, tant que je ne parle pas, rien ne va.

Qu'est-ce que c'est ? je demande, légèrement intrigué.

Le sourire de Boa devient plus mystérieux, me faisant froncer les sourcils franchement, avant qu'elle ne lâche un petit rire et qu'elle ne me fasse signe de passer dans un couloir adjacent.

S'il-te-plaît ?

Boa se retourne vers moi, l'air surprise, avant de me sourire. Visiblement, elle ne s'attendait pas à ce que j'insiste ainsi. Enfin, je sais qu'elle n'est pas toujours habituée à ce que ses patients soient polis avec elle. Comme elle s'occupe des mineurs, il y a parfois quelques dérapages verbaux. Mais apparemment ça a toujours été léger...

J'ai envie de garder la surprise jusqu'au bout mais c'est trop tentant, soupire-t-elle d'un air faussement chagriné.

Mon regard se fixe sur Boa, l'impatience grimpant aussitôt en moi tandis que nous empruntons un nouveau couloir pour retourner tranquillement jusqu'à ma chambre.

Boa ?

Baekhyun, craque-t-elle soudain avec un grand sourire, tu as enfin de la visite.







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PromiseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant