— Rassemble ce que tu trouves d'utile dans la chambre et dépêche-toi parce que les renforts ne vont pas tarder à se pointer, m'ordonna-t-il.

Toutefois, la simple pensée que d'autres hommes puissent surgir de nouveau me glaça sur place, m'empêchant de faire le moindre mouvement. Je pouvais toujours sentir la morsure glaciale du canon pointé contre ma tempe et imaginer qu'une telle scène puisse se reproduire me donna soudainement envie de vomir.

Le garçon se rendit rapidement compte de mon état et me fit asseoir sur le lit de façon à ce que je ne puisse pas poser mes yeux sur le cadavre sur le sol. Puis, une lumière jaunâtre recouvra légèrement sa silhouette et il se mit à arpenter chaque coin de la pièce en un éclair, attrapant certains objets avant de les fourrer dans un grand sac de sport noir. Il arrêta finalement sa course effrénée devant moi, tendant sa main libre dans ma direction.

— Est-ce que tu es prête ?

J'eus à peine le temps de m'apercevoir que son ton était soudainement devenu calme et rassurant, chose que je n'aurais jamais cru possible, que je sentis la porte de la chambre d'hôtel voler soudainement en éclat dans mon dos, suivi de nombreux bruits de pas particulièrement bruyants. Le garçon ne me laissa pas le temps de me retourner pour regarder les nouveaux arrivants qu'il me prit brusquement la main pour me tirer contre lui. Du coin de l'œil, je vis une demi-douzaine d'hommes habillés de vêtements obscurs pénétrer dans la petite pièce, leurs armes d'assauts pointés dans notre direction. L'endroit ne comportant pas la moindre fenêtre, ils nous barraient notre seule sortie.

Nous sommes fichus, ils vont nous tuer comme de vulgaires lapins...

Le garçon se dirigea à toute vitesse vers la pièce où il s'était enfermé quelques instants plus tôt, m'entraînant à sa suite. Il poussa frénétiquement le verrou derrière nous et je détaillai brièvement la petite salle de bain où nous étions piégés. Mes yeux s'arrêtèrent sur la grande fenêtre perchée au-dessus des toilettes au moment où le garçon se mit en tête de l'ouvrir en grand pour se pencher dans le vide. Des cris de plus en plus forts me parvenaient depuis l'autre pièce, la porte se mit rapidement à être violemment secouées.

— Nous sommes au quatrième ou au cinquième étage, peut-être même au sixième, je n'en suis pas sûr... déclara tranquillement le fugitif tout en se tournant vers moi, sa main tendue pour que je l'attrape. Je suis là alors tu n'as pas à t'inquiéter, d'accord ?

À cet instant-là, j'oubliai toutes ses menaces, toutes ses paroles évoquant mon probable isolement à vie, pourvu qu'il réussisse pour de bon à m'éloigner de ces hommes en noir.

Mes doigts tremblants vinrent se joindre timidement aux siens, puis il passa sa main libre à travers la vitre pour lâcher le sac de sport dans le vide. Avant même que je ne puisse m'en rendre compte, il me fit grimper sur son dos et sauta du bord de la fenêtre à l'exact moment où la porte de la salle de bain céda aux violentes secousses de nos poursuivants, ce qui leur arracha des hurlements de frustration. Il me sembla même pouvoir encore les entendre lorsque le garçon amortit notre impressionnante chute au pied de notre hôtel, en pliant simplement les genoux, comme s'il avait l'habitude de sauter de plusieurs mètres de haut.

Pourquoi est-ce qu'il fuit comme s'il avait la mort à ses trousses ? Et pourquoi est-ce que ces hommes font tout et n'importe quoi pour pouvoir remettre la main sur lui ?

Il ramassa rapidement le sac de sport noir contenant toutes ses affaires et se mit à courir à grandes foulées vers le parking de l'immeuble. Mon poids sur ses épaules ne semblait pas l'importuner, il se contentait de raffermir sa prise sur mes jambes lorsqu'il sentait que j'étais sur le point de chavirer d'un côté ou d'un autre. Il n'eut pas à continuer ce petit manège très longtemps car il s'arrêta près de la voiture la plus proche, un gros 4x4 dont le pare-choc accusait de nombreuses années de service, et me reposa avec précipitation sur le sol, lançant plusieurs fois de brefs regards vers l'hôtel derrière nous à la recherche de silhouettes menaçantes. Je compris que ce véhicule était le sien lorsqu'un trousseau de clés apparut dans sa main et qu'il mit brusquement le moteur en route. Ensuite, il démarra en trombe avant de prendre la direction de l'autoroute sans dire le moindre mot et, durant tout ce temps, je sentis mon sang se glacer davantage dans mes veines quand je pris conscience que je ne reconnais pas le nom des villes qui figuraient sur les panneaux que nous croisions sur notre chemin.

Mon dieu, où sommes-nous ?

— Maintenant, si tu ne fais pas d'efforts pour te cacher, ta vie ressemblera à ça et tu devras fuir tous les jours pour trouver un nouvel endroit où te terrer. Ils te retrouvent toujours, tu sais, alors, même si tu réussis à faire profil-bas pendant quelques temps et même si tu es la dernière personne sur leur liste de priorité, tu ne pourras jamais réellement t'installer quelque part et te permettre de penser que tu peux reprendre ton quotidien là où tu l'as laissé...

Les yeux rivés sur la route devant lui et les joues rougies par la soudaine course qu'il avait dû improviser un peu plus tôt, le garçon s'était exprimé d'une manière qui me fit instantanément comprendre qu'il décrivait sa propre expérience. Ses yeux se tournèrent dans ma direction et plongèrent dans les miens durant quelques instants, brillants de culpabilité.

— ...et, malheureusement, tu es tombée sur la seule personne qu'ils souhaitent vraiment rattraper...

Des crissements de pneus particulièrement bruyants sefirent entendre au loin, l'empêchant ainsi de terminer sa phrase. Une secondeplus tard, des dizaines de coups de feu vinrent violemment ricocher sur lepare-brise de notre véhicule, qui fit alors une brusque embardée vers lagauche. Puis, des milliers d'éclats de verre m'explosèrent au visage.    

Pour Cette Liberté Illusoire. | ✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant