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Chaque centimètre de mon être me faisait souffrir le martyr. L'espace d'un instant, je crus que quelqu'un m'avait poussé du haut d'un immeuble de cinq étages. Toutefois, je savais parfaitement que ce n'était pas la raison qui expliquait ma souffrance physique. Non, la vérité me semblait si improbable, si fausse que j'aurais été incapable de la prononcer à voix haute, de peur qu'un goût particulièrement amer ne fasse son apparition dans ma bouche.

Comment aurais-je pu penser autrement, d'ailleurs ? Un homme avait tenté de me torturer avec une arme à feu pour me soutirer des informations que je ne détenais même pas. Heureusement pour moi, un garçon possédant des sortes de pouvoirs l'avait tué avant qu'il ne puisse me faire la moindre chose.

Cette pensée me frappa si violemment qu'elle me tira d'un coup du profond sommeil dans lequel j'étais plongée. En un éclair, mes paupières s'ouvrirent et je me redressai, mordant ma lèvre inférieure pour empêcher un gémissement de douleur ne m'échappe. Ma respiration s'accéléra dangereusement lorsque je me rendis compte avec horreur que je ne reconnaissais pas la chambre d'hôtel dans laquelle je me trouvais. Mon regard écarquillé se posa sur le bout de couverture qui recouvrait à moitié mes jambes dénudées, le reste étant rejeté au fond du lit où j'étais allongée, avant de s'arrêter sur le sweat, deux tailles trop grand pour moi, qui avait remplacé mes vêtements. Mes doigts tripotèrent alors le bord du tissu qui m'arrivait à mi-cuisse, comme pour s'assurer que je ne rêvais pas.

Ravalant des larmes de peur, je relevai doucement mon visage, essayant de me convaincre que je ne devais pas me laisser ainsi aller mais me ressaisir pour trouver un moyen de sortir au plus vite de cet endroit. Seulement, mes yeux ne rencontrèrent pas une porte de sortie mais le garçon de la forêt.

Assis par terre, le dos contre le mur en face de moi, il me dévisageait avec une insistance que j'identifiai comme étant de la curiosité. Il avait ses coudes nonchalamment posés sur ses genoux et ses mains étaient jointes devant son visage, m'empêchant d'apercevoir sa bouche. Le garçon qui avait tué mon ravisseur continuait de me fixer, une mine sérieuse sur ses traits, alors même que je l'imitais pour lui faire comprendre que j'avais remarqué son petit manège et qu'il pouvait arrêter, à présent.

Il ne comprit pas mon message silencieux.

— Qu'est-ce qui se passe ? demandai-je, d'une voix que j'espérais assurée. Pourquoi est-ce que je suis retenue dans cet endroit ?

Il ne bougea pas d'un centimètre, seule sa respiration agitait ses épaules. Je remarquai rapidement que ses yeux n'étaient plus de cette couleur jaune luisante mais qu'ils avaient une teinte noisette plutôt claire, tout ce qu'il y avait de plus ordinaire. En le regardant plus attentivement, je me rendis compte que nous devions probablement avoir le même âge, s'il n'avait pas quelques années de plus que moi.

Ai-je rêvé dans les bois quand j'ai vu son regard s'illuminer d'une étrange lueur ? Non, c'est impossible que je puisse imaginer une chose aussi... surnaturelle. Les cadavres étaient parfaitement réels, eux.

Son mutisme me fit serrer les poings contre mes cuisses dénudées. Un frisson m'assaillit brusquement au moment où je me demandais s'il m'avait dévisagé de la sorte pendant mon sommeil.

— Pourquoi est-ce que tu me regardes comme ça ?

Ma voix était brusquement devenue agressive, trahissant l'impatience régnant en maître au fond de moi. Un éclat d'intérêt apparut dans le regard du garçon.

— J'essaie de comprendre comment j'ai pu dévoiler aussi bêtement mes pouvoirs à une fille comme toi... déclara-t-il du tac au tac d'un ton révélant une puissance contenue, ses yeux toujours profondément plongés dans les miens. Tu n'aurais jamais dû assister à cette scène, maintenant tu vas nous mettre tous les deux en danger.

Pour Cette Liberté Illusoire. | ✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant