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Mes pieds foulaient l'asphalte à une vitesse que je n'avais jamais cru pouvoir atteindre auparavant. Les paysages défilaient à côté de moi sans que je ne puisse me concentrer sur eux, trop préoccupée à feindre de ne pas avoir l'air affolée pour éviter d'alerter involontairement les passants dans la rue et pour ne pas me retourner toutes les cinq minutes pour m'assurer que je n'étais pas suivie par une présence indésirable.

Je fis finalement une pause à un feu tricolore, attendant qu'il passe au rouge afin d'emprunter le passage piéton. Mettant la paume de mes mains sur mes genoux, je tentai de prendre une profonde inspiration tout en fixant mon regard sur la fin du coucher de soleil, au-dessus de ma tête, dans l'espoir de réussir à me changer un peu les idées.

Une poignée de minutes plus tard, je me tenais enfin devant chez moi, tremblante de la tête aux pieds. Il me fallut plusieurs tentatives avant de parvenir à faire entrer la clé dans la serrure. Un soupir de soulagement s'échappa de mes lèvres lorsque je lançai mon trousseau sur la table dans l'entrée tout en claquant bruyamment la porte derrière mon passage. Mes pas me portèrent machinalement jusqu'à l'un des tabourets de bar dans la cuisine sur lequel je me laissai lourdement tomber. Dans l'espoir de faire cesser le bruit assourdissant des battements de mon cœur contre mes tempes, je me pris la tête dans mes mains et fermai mes yeux pour me concentrer sur ma respiration.

Des images du chemin parsemé de cadavres ne cessaient de me revenir encore et encore, tel un cauchemar qui se répétait à l'infini. Je revis cette silhouette plaquée contre le tronc de l'arbre, ce sang recraché avec une souffrance inouïe. L'espace d'une seconde, il me sembla même que ce regard jaune était de nouveau rivé vers moi, scrutant mes plus terribles secrets au plus profond de mon être.

Je suis chez moi, en sécurité. Rien ne peut plus m'arriver, à présent...

Mordant nerveusement ma lèvre inférieure, j'accueillis autant d'oxygène que pouvaient contenir mes poumons. Je baissai la tête vers mes pieds, prenant soudainement conscience que j'étais courbaturée de partout après cette course folle qui ne se serait jamais produite si je n'avais pas fait cette mauvaise rencontre. Mes mains allèrent machinalement de l'arête de mon nez et firent des petits massages circulaires jusqu'à mes joues, reproduisant ce geste une bonne dizaine de fois. Je m'immobilisai complètement lorsque le bruit d'un objet se brisant brutalement se fit entendre dans l'entrée.

Je n'eus même pas le temps de me retourner vers son origine que quelque chose me fit chuter de mon siège, m'agrippant par la nuque comme si je n'étais qu'une vulgaire poupée de chiffon. On me plaqua violemment contre un mur, si vite que je fus incapable de comprendre ce qu'il m'arrivait.

- Où est-il ? cria une voix d'homme d'âge mur dans mon oreille tout en raffermissant son emprise sur mon cou, restant soigneusement derrière moi.

- Je ne... Je ne vois pas de quoi vous...

Il m'éloigna du mur en tirant d'un coup sur ma queue de cheval, ce qui m'arracha un cri et provoqua l'apparition de petites larmes aux coins de mes yeux. Un cran de sécurité fut retiré avant que je ne sente la morsure glaciale du métal du canon d'une arme à feu sur ma tempe.

- Je ne me répèterai pas une seule fois de plus, fillette, parce que je sais que tu connais la réponse à ma question. (Voyant mon mutisme, il me força à me mettre à genoux en me mettant un pied en travers de ma colonne vertébrale) Réponds-moi, merde ! Dis-moi où est-ce qu'il se cache !

Immédiatement, le visage du garçon dans la forêt apparut dans mon esprit mais, sans arriver à comprendre pourquoi, je fus incapable d'ouvrir ma bouche pour le dénoncer de la sorte. Je n'arrivais pas à oublier cette inquiétude dans ses yeux lorsqu'il s'était rendu compte que j'avais vu cette lumière jaune s'échapper de ses pupilles et de ses mains.

Pour Cette Liberté Illusoire. | ✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant