Chapitre 9

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Conrad fixait l'avis de recherche qu'Abraham lui avais remis un instant plus tôt. S'il avait d'abord cru à un coup monté, désormais le doute n'étais plus permis. Le bout de papier était tout ce qu'il y avait de plus officiel. On pouvait y admirer le sceau du Grand Empire, un pygargue à tête blanche surmonté des quatre lettres dorées qui constituaient sa devise : S.I.A.A. Sic Itur Ad Astra... Ainsi s'élève-t-on vers les étoiles. La poudre d'or qui composait les lettres était exclusivement réservée aux missives du gouvernement, et même les contrebandiers les plus expérimentés – Conrad s'incluait naturellement dans cette catégorie – ne pouvaient s'en procurer. Dès lors, il était impossible que ces rebelles aient pu créer de toutes pièces un tel document. Et la phrase qui concluait la missive ne laissait pas de place aux spéculations concernant ce qui arriverait si les gardes de l'Empereur mettaient la main sur lui : "Mort ou vif". Il frissonna.

« Je dois quitter cette planète au plus vite.

— Cela risque d'être compliqué, répondit Anna en secouant la tête. Ils doivent sûrement vous attendre près de votre vaisseau. »

Conrad sentait son sang bouillonner en lui.

« Qu'avez-vous fait ?!

— Nous ?? s'indigna-t-elle. Mais rien du tout, capitaine. Je vous l'ai déjà dit, le gouvernement a mis en place des mesures pour endiguer la menace des contrebandiers.

— Endiguer la menace ? Qu'est ce que vous racontez ! L'Empire a besoin de gens comme nous et il le sait ! Sans nous, le commerce dans la Galaxie serait au point mort !

— Il a changé d'avis, apparemment. Vous constituez une puissante communauté, et s'il vous venait à l'esprit de comploter contre lui, vous pourriez poser de gros problèmes. » Elle toisa le contrebandier, son regard affichant tout son mépris pour les hommes imbus d'eux-même. « Cessez de vous voiler la face. Vous pensiez vraiment être au dessus de tout ? En vérité, vous n'êtes qu'un pion, comme nous tous. »

Conrad se sentait dévasté. Il avait connu bien des moments où sa vie ne tenait qu'à un fil, où la pression se faisait si intense qu'elle aurait fait craquer n'importe quel autre homme. Mais à tout instant, il avait eu l'impression d'avoir la situation en main, de contrôler son destin. À présent, seul contre une armée, il ne savait que faire. Des souvenirs de son enfance ressurgirent du fond de sa mémoire, des souvenirs qu'il avait à tout prix essayé d'effacer : ce sentiment d'impuissance lorsque ses parents avaient été envoyés à la mine, le regard hautain des gardes qui l'avaient laissé moisir sur le trottoir, à la merci des rats et autres abominations des bidonvilles. Il se rappelait les marchands d'esclaves qui venaient faire leurs emplettes dans les rues de son quartier, les endroits sordides dans lesquels il avait dû se cacher de longues heures pour ne pas être lui aussi capturé. À mesure que ces ombres du passé remontaient à la surface, la tristesse du jeune homme se muait en haine féroce. Aussi loin qu'il se souvienne, il avait toujours détesté l'Empire. Ses dirigeants avaient peu à peu éliminé tous leurs opposants politiques, les démocrates, les religieux, les syndicalistes, et Conrad s'était tu, car il ne se sentait d'aucune de ces catégories. Maintenant qu'ils venaient pour lui... il ne restait plus grand monde pour protester. Depuis qu'il avait quitté sa planète, il s'était complu dans son petit confort, regardant les exactions du gouvernement d'un œil désintéressé, comme si tout cela ne le concernait pas, et il avait finalement été pris au piège de sa passivité.

Il revint à la réalité et constata qu'un filet de sang s'écoulait de ses mains. Perdu dans ses pensées, il avait serré si fort les poings que ses ongles s'étaient profondément enfoncés dans la chair de ses paumes.

« Qu'attendez-vous de moi ? dit-il en s'adressant à Anna.

— Vous avez des moyens, Conrad. Les moyens de traverser la Galaxie de long en large, contrairement à nous, qui sommes cloués sur cette maudite planète. Nous voulons changer le monde, mettre un terme à l'oppression des travailleurs, et nous avons besoin de vous. Renverser l'Empire est aussi dans votre intérêt désormais, nous comptons donc sur votre coopération. »

Conrad avait beau chercher une solution alternative, il n'en voyait aucune. Pour sa survie, il devait composer avec les rebelles. Du moins pour l'instant.

« Je suppose que je n'ai pas le choix, soupira-t-il. Je suis avec vous. Mais avant tout, il me faut mon vaisseau.

— Je savais que vous diriez ça. Nous allons vous aider à le récupérer, capitaine. Megan, prépare les combinaisons. On va passer par les sous-sols.

— Par les mines ?!! s'exclama Conrad.

— Oui, par les mines. C'est le seul moyen. »

La révolte des mondesOnde as histórias ganham vida. Descobre agora