Chapitre 3

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À travers la vitre de son cockpit, il apercevait l'unique planète habitée du système Aurion, Protéa, dans son intégralité. Conrad n'y avait jamais mis les pieds, et pourtant il pouvait facilement deviner l'activité principale de la planète rien qu'en observant son aspect extérieur. Celle-ci était scindée en trois : le long de l'équateur se trouvait une vaste étendue végétale, traversée par un long fleuve et bordée par deux imposantes chaines de montagnes, dont les cimes semblaient enneigées. Les pôles Nord et Sud, cependant, étaient recouverts d'un épais blindage métallique, lisse et froid, qui ne laissait rien entrevoir ce qu'il se passait au-dessous. Conrad en déduisit qu'il s'agissait d'une planète touristique, modifiée artificiellement afin de concentrer un large panel de loisirs en un seul endroit. Les pôles devaient eux constituer les centres logistiques, où les petites mains s'affairaient afin d'assurer la gestion de la planète. Il se mit à imaginer l'aspect qu'avait pu avoir la planète avant que l'homme n'y appose sa marque.

Une sonnerie stridente le sortit de sa torpeur. Un appel venait d'être émis par le poste-frontière, et Conrad décrocha rapidement.

« Ici le poste-frontière Alpha, veuillez scanner votre puce de reconnaissance »

Le contrebandier obtempéra et passa son bras devant une petite trappe qui venait de s'ouvrir sur son tableau de bord. La puce greffée à son poignet se mit à clignoter, signe que les données étaient en cours de transmission au poste-frontière. Cette puce était une invention du Secteur Est, reprise par la suite par l'ensemble des autres Secteurs, et avait pour objectif officiel d'empêcher les usurpations d'identité. Elle était implantée à la naissance et mise à jour en temps réel, et contenait l'ensemble du génome de son porteur, permettant une identification unique de chaque être humain. Bien entendu, les gouvernements y avaient intégré un localisateur de position et s'en servaient surtout pour traquer leurs opposants où qu'ils soient dans l'Univers. Un système drastique que Conrad tenait en horreur, mais comme tous les autres, on ne lui avait pas laissé le choix.

« Tout est en ordre, capitaine Meyer. Veuillez-vous diriger vers la plateforme 25 pour appontage.

— Appontage ? s'étonna Conrad. Négatif, station Alpha, je ne suis pas venu pour me poser. Je dois simplement livrer une marchandise et cela peut très bien se faire dans l'espace aérien de Protéa.

— Négatif capitaine Meyer. Vous avez ordre d'atterrir immédiatement. Dans le cas contraire, nous serons obligés d'ouvrir le feu.

— Et en quel honneur ?

— Nous sommes en guerre, capitaine, et les mesures de sécurité ont dû être renforcées. »

La voix de son interlocuteur s'était faite plus lasse, comme s'il était fatigué de répéter cette phrase à longueur de journée.

Ils ont l'air d'être à cran, pensa-t-il, je ferais mieux de ne pas prendre la menace à la légère.

« Bien reçu station Alpha, je me dirige vers la plateforme. Terminé. »

Conrad raccrocha et s'affala sur son fauteuil, dépité, tandis que le S.S. Normandy amorçait sa lente descente vers la surface.

La révolte des mondesWhere stories live. Discover now