Chapitre 5

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Conrad marchait désormais sur l'avenue qui longeait le spatioport. Elle était quasiment déserte, excepté quelques touristes qui riaient bruyamment en sirotant une boisson d'un bleu fluorescent. Il héla un taxi qui venait de se stationner un peu plus loin. Celui-ci s'avança à sa hauteur et le chauffeur abaissa la vitre.

« J'puis vous amener quelq' part, mon bon m'sieur ? » demanda-t-il gaiement.

Conrad dût répéter la phrase plusieurs fois dans sa tête avant d'en assimiler le sens. L'homme avait non seulement commis quelques fautes, mais son accent rendait le tout encore plus incompréhensible. Le pauvre n'avait sûrement reçu qu'une éducation sommaire, comme la plupart des travailleurs en ces temps troublés.

« Je voudrais me rendre au district 22, à l'embranchement de la 3ème avenue et de la 14ème rue, s'il vous plaît »

Le chauffeur écarquilla les yeux.

« Z'êtes sur que c'est là que vous voulez aller ? C'est que ... c'est pas très fréquentable comme quartier, savez ?

— Vraiment ? s'étonna Conrad. Ne vous inquiétez pas, j'ai de quoi me défendre. »

Tandis qu'il prononçait ces mots, il dévoila une partie du revolver énergétique qu'il portait à la ceinture. Il n'hésiterait pas une seule seconde à s'en servir s'il le fallait.
L'homme entra alors dans une profonde réflexion, qui parut mobiliser une grande partie de ses capacités mentales. Au bout d'une dizaine de secondes, il ouvrit la portière arrière du véhicule.

« J'vous descend à l'entrée d' district, moi j'va' pas plus loin, maugréa-t-il, tandis que la peur avait encore fait monté d'un cran la lourdeur de son accent.

— Cela me conviendra », répondit Conrad en entrant dans l'habitacle.

En vérité, il était bien plus contrarié qu'il ne le laissait paraître. Il aurait volontiers asséné au chauffeur que s'il n'était pas capable de conduire les gens là où ils le souhaitaient, il ferait mieux de changer de métier et d'aller travailler dans les mines, où il n'aurait pour seul trajet que celui de la roche à son wagon. Mais il savait pertinemment que c'était la colère qui l'animait et que s'énerver ne servirait à rien. À vrai dire, pour rien au monde il n'aurait voulu que ce pauvre homme - ou qui que ce soit d'autre - ne descende dans les mines. C'était l'une des pires choses que l'on pouvait souhaiter à un être humain. De l'esclavage pur et simple.

La voiture s'arrêta devant un immense portail qui marquait la fin de la zone en plein air, et l'entrée vers le pôle Sud de la planète. Un drone sortit du mur et les survola par trois fois, balayant l'appareil de son rayon infrarouge.

« C'est juste pour être sûr qu'vous êtes pas r'cherché », couina le chauffeur, plus pour se rassurer lui-même que pour rassurer son passager.

Conrad ne répondit pas à cette remarque, il ne connaissait que trop bien les drones policiers. Au terme d'une attente qui leur parut interminable, le drone retourna se loger dans son alcôve, et les battants du portail s'ouvrirent lentement pour les laisser pénétrer à l'intérieur.

La révolte des mondesWhere stories live. Discover now