Chapitre VII

Depuis le début
                                    

Une nouvelle fois, il remonte ses lunettes le long de son nez tandis que je pince le miens avec mon index et mon majeur. Il va me rendre dingue et c'est pourtant pas moi qui est pris une substance illicite.

— Ouais, c'est génial, youpi ! Maintenant si tu veux bien, je peux savoir ce que tu as pris ? Tu commences à me taper sur le système, je rétorque.

La question le fait sourire. Il se retourne vers l'océan, murmurant des choses que seul lui peut entendre. Il semble dialoguer avec quelqu'un, comme si je n'étais pas là. De nouveau, son visage se tourne vers moi. Sous mes yeux, le gentil Thomas défoncé se transforme en Thomas enragé. Ses yeux deviennent blancs et je me retrouve comme aspirée par cette couleur. Devant mes yeux, je le vois hurler, encore et encore. 

Comme brûlé par un feu invisible, je regarde Thomas, celui que j'ai laissé dans cette rame de métro, se tordre de douleur et hurler à s'en briser les cordes vocales. Tous ses muscles sont tendus à l'extrême, presque au bord de l'explosion. Ses poings serrent un drap, bien que je ne puisse pas voir avec précision où il est. Ses cheveux sont luisants de sueur, ainsi que son front et ses tempes. Il crie parfois le nom d'Arynn, que je devine présente en voyant des mains féminines se poser sur son torse.

Le haut qu'il porte semble brûler sous la chaleur de sa peau tandis que ses veines ressortent au niveau de son cou et de ses bras. Des larmes coulent de ses yeux pour s'évaporer immédiatement. Le venin des Harpyes continuent son chemin dans ses veines, s'approchant de son cœur. A chaque nouvelle tentative du poison de pénétrer le muscle palpitant, le jeune homme se contorsionne encore plus, à tel point que ça en devient terrifiant. 

Il est comme possédé, hurlant de douleur comme un fou. Ses yeux s'ouvrent d'un coup, après un énième cri. Ils sont blancs, effrayants. Le blanc de ses yeux semble aspirer toute sa douleur, créant une sorte de décharge dans tout son corps. De blanc, ses yeux virent au rouge ardent, puis au noir charbon avant que tout s'éteigne et que le bleu reprenne sa place.

D'un seul coup, tout s'arrête. Les hurlements, les mouvements. Les yeux de Thomas se referment, il ne bouge plus. Son teint rougeoyant de chaleur perd en intensité, jusqu'à devenir aussi gris qu'une pierre. J'entends un autre cri, un cri de détresse. Je n'entends plus les battements du cœur du jeune homme. Tout redevient silencieux, comme si la vision elle-même s'arrêtait. Je remarque mes mains moites, mon cœur battant et les larmes qui mouillent mes joues. Je tremble tellement que je peine à croire que mes jambes me soutiennent encore. 

Une envie de vomir me prend, me serre les boyaux. Mes poings se serrent et de desserrent d'eux-mêmes, mus par une force qui leurs est propre. Sans arrêter de trembler, j'approche ma main du front de Thomas, celui de la vision. Je ne parviens pas à l'atteindre, je passe à travers comme si cette vision était faite de vapeur d'eau. Une autre larme quitte mon œil droit et coule jusqu'à mon menton. Je la chasse d'une main. 

D'un seul coup, les yeux de Thomas se rouvrent. Son cœur pulse un grand coup et le jeune homme aspire l'air autour de lui comme s'il en avait manqué depuis une décennie. Ses joues grisâtres commencent à retrouver des couleurs plus vives. Je le vois sourire, rire, toucher son torse, son visage, son cœur, comme pour s'assurer de sa présence. Il regarde à ses côtés et je découvre enfin Arynn. 

Elle sourit et rit aussi, comme lui, avant de le prendre dans ses bras. Comme eux, je me surprends à sourire tandis que mon cœur se calme. Mon envie de vomir disparaît et un sentiment de soulagement m'envahit. Les deux adolescents s'embrassent sous mes yeux, heureux d'être en vie. Et la vision s'arrête net, m'obligeant à confronter le regard haineux de Thomas. Ce nouveau Thomas, qui semble avoir pris cinq ans en quelques mois.

Et je me surprends en avoir presque peur. Je ne connais plus l'homme qui me fait face. Dois-je le voir comme un ennemi ? Ses yeux bleus froid me font face. La flamme glacée contemple le feu de mes yeux. Sur ma tête, la couronne pulse et brûle légèrement ma peau, me prévenant d'une sorte de danger. Mes ailes s'étendent dans mon dos, prêtent à parer les coups qui pourraient tomber. Mais Thomas se contentent de sourire tristement, puis me pointe du doigt.

Les Chroniques d'Idan (tome 2) : La Première ReineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant