Tome 2-Ch 25-Damien

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Calie est une jolie femme, avec ses grands yeux bleus. Ses cheveux blonds cendrés lui retombent délicatement sur l'épaule droite et je soupire longuement, sachant pertinemment ce qu'elle attend de moi. Calie, c'est la psy EMDR* que le capitaine Franck m'a recommandée. J'ai hésité, mais le savoir lui, plus amoché que moi, prendre la vie du bon côté, m'a fait comprendre que je devais essayer de faire quelque-chose pour m'en sortir. J'ai consulté le Net, pour voir en quoi consistait cette thérapie et, à ce que j'ai compris, c'est une méthode qui utilise les mouvements des yeux pour « reprogrammer » le cerveau, pour nous aider à dépasser les traumatismes qui nous pourrissent le quotidien. Alors... Pourquoi pas ?
Ça fait déjà trente minutes que je la fixe, sans savoir par où commencer alors qu'elle m'a posé moult questions au sujet de la Libye, de mon couple, de mon retour. La première séance n'est que du papotage, pour lui permettre de savoir sur ce qu'elle doit travailler avec moi, et j'avoue que ce n'est pas la partie que je préfère. Naturellement, cette thérapeute a senti que le sujet « Elisa » était délicat, elle ne s'en est pas privé pour prendre le taureau par les cornes.

— Pourquoi pensez-vous qu'elle ne soit pas assez forte pour entendre ce que vous avez à dire ?

— Elle fait ce truc... Péter un élastique sur sa peau. A chaque fois que ses yeux s'embuent.

— Et alors ? Ne pensez-vous pas qu'Elisa puisse rester connectée à la réalité de cette manière ?

— Si, bien sûr que si. Mais moi, que vais lui apporter avec mes soucis ? Et le bébé ?

Calie pose son carnet sur ses genoux, et me regarde le sourire aux lèvres.

— Pensez-vous qu'elle soit plus heureuses sans vous, monsieur Burn ?

Qu'est-ce que j'en sais ? J'aimerais me dire que non, qu'elle n'est heureuse qu'en ma présence, mais dans le fond, je ne sais pas.

Comme je ne réponds pas, elle ajoute :

— Et votre fils, comment cela se passe avec lui ?

— Bien. C'est un bébé, donc ça va encore.
Mon regard se promène sur le bureau de la thérapeute. Dessus, une photo de deux bambins blonds, heureux.

— Eden, soufflé-je. On l'appelle Eden. Il est beau cet enfant, et je ne dis pas cela parce que c'est le mien, et qu'il me ressemble.

Calie glousse et je l'imite.

— J'essaie pour lui, parce que je voudrais qu'il me connaisse. Parce que mon père était un minable violent, malgré sa fortune et son masque public.

— Il vous battait ?

J'avale difficilement ma salive, avant d'opiner du chef.

— Il battait ma mère. Mais elle a fini par s'enfuir, avec mon frère et moi dans ses bagages et nous sommes allés vivre chez Josh, son amant qui, par la suite est devenu son mari.

— Est-ce que vous avez toujours de bons rapports avec vos parents ?

— Ma mère est une femme formidable. Elle m'aide beaucoup en ce moment. Je ne vois plus mon père qui dorénavant, fait équipe avec mon frère pour leur entreprise.

— Et avec votre frère ?

— Elisa était sa femme.

Elle hausse tellement ses sourcils que je m'empresse de lui expliquer comment la vapeur s'est inversée. Elle me demande de réfléchir à une chose à laquelle je n'avais jamais pensé : Suis-je amoureux d'Elisa pour ce qu'elle est : belle, douce, désirable, et la mère de mon fils, ou suis-je attaché à elle comme une personne le serait d'un trophée ? D'une victoire contre mon frère ?
Au départ, sa remarque me gonfle, parce qu'elle n'a pas de sens, pas après ce que nous avons vécu, Elisa et moi, mais quand j'ai repris le volant, sa demande de réflexion s'est installée sans crier gare. Et si je la voulais seulement parce que j'ai la trouille qu'elle retourne avec mon frère ? Et si, oui, elle était mon trophée, une façon d'hurler à la terre entière que j'ai obtenu gain de cause, que j'ai réussi à me venger de lui ?
Merde.
Je me sens encore plus mal qu'avant. Mon cerveau bouillonne, mes pensées fusent dans tous les sens. Et si c'était le cas ? Et si, cette psy avait raison et que je ne suis pas si amoureux que je ne le pensais ?
J'ai besoin de réfléchir, de remettre de l'ordre dans ma tête pour ne pas commettre de bourde.

Un jour trop tardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant