Chapitre 1

100 7 1
                                    

[Secteur Ouest, 11h35 heure locale]

Conrad venait à peine de terminer sa dernière barre hyperprotéinée lorsque le signal d'un message entrant retentit dans le vaisseau. Il se leva nonchalamment de son fauteuil, jeta le plastique froissé qu'il tenait dans sa main sur le sol, et se dirigea vers l'écran de contrôle. De toute façon, personne ne viendra me faire la morale sur les bienfaits d'un vaisseau propre dans ce trou paumé, pensa-t-il. Le tableau de bord était constitué d'un série d'écrans sur lesquels s'affichaient toutes sortes d'informations que Conrad avait appris à lire en une fraction de seconde. Les moteurs : OK, le bouclier : OK, le réacteur hyperspatial : OK. Le reste des commandes ne l'intéressait pas outre mesure, il laissait le soin à Cortana, l'intelligence artificielle du vaisseau, de déterminer les paramètres optimaux. Il se tourna plutôt vers la notification qui venait d'apparaître en haut de l'écran principal. « Lecture ! » lança-t-il à Cortana. C'est tout de même fou que l'on n'ait toujours pas inventé un système permettant d'envoyer directement des commandes par la pensée, s'étonna-t-il, tandis que la notification s'agrandissait jusqu'à prendre la totalité de l'écran.

A l'attention de Conrad Meyer, capitaine du S.S. Normandy,

Dans le cadre d'une réunion de la plus haute importance, nous souhaiterions commander une vingtaine d'unités de la marchandise F258-C, à livrer dans le système solaire Aurion dans les plus brefs délais.

Cordialement

A.A.

Conrad sourit en lisant le message. Il savait très bien ce qu'était la marchandise F258-C. Bien que cataloguée comme « aspartame haute qualité » par les autorités officielles de l'ensemble des systèmes habités, elle correspondait en réalité à de l'alcool de riz. Depuis la grande prohibition proclamée par les Secteurs du Centre, du Nord et de l'Est, Conrad recevait de plus en plus ce genre de contrats. Parfait, ça va me rapporter gros cette fois.

Il allait enfin pouvoir quitter ce système, la vue des astéroïdes commençait à lui donner la nausée. Malgré tout, il était bien content d'avoir trouvé cette zone, à l'abri des scans radio de sécurité.

Conrad avait été contrebandier toute sa vie, et cela ne le dérangeait pas le moins du monde. Il se disait que c'était une position bien plus enviable que celle des trois quarts des humains habitant l'Univers à l'heure actuelle. Parfois, il se prenait à imaginer quelle aurait été sa vie s'il n'avait pas fui sa planète natale en embarquant clandestinement dans un cargo de livraison. Sans doute une vie d'esclave, au service d'un quelconque seigneur local. Vraiment, il avait fait le bon choix.

Il entra les coordonnées du système Aurion sur l'ordinateur de bord, puis enclencha le compte à rebours pour le saut hyperspatial. Il se cala profondément dans son siège, et un stress familier commença à s'insinuer doucement en lui. Cela faisait un mois qu'il était immobile dans ce champ d'astéroïdes, et il savait pertinemment que le saut hyperspatial allait être douloureux cette fois-ci. Lorsque le décompte atteignit zéro, il ferma les yeux et crispa tous les muscles de son corps.


La révolte des mondesWo Geschichten leben. Entdecke jetzt