Chapitre 15

84 22 18
                                    

Je me dirigeai à pieds vers mon arrêt, les écouteurs dans mes oreilles, la musique accompagnant chacun de mes pas. Je marchai vite, en rythme, le souffle glacé avec pour seul habit mon pauvre sweat à capuche qui suffisait à me réchauffer suffisamment pour que je ne crève pas de froid.

Enfin bon, il ne faisait pas chaud non plus...

Une fois arrivé, je posai mon sac par terre, m'adossant à la vitre de l'abri-bus, les mains dans les poches. Il y avait quelques personnes assises que je ne connaissais que de vue. Des lycéens pour la plupart, tous occupés à tuer le temps.

Cela faisait quatre ans que l'on prenait le même bus, que l'on attendait au même arrêt et pourtant, je ne leur avais jamais adressés un bonjour, un regard amical, quelques politesses, rien de tout ça. Depuis, nous nous étions habitués à la présence des uns et des autres sans jamais relever la tête pour un quelconque hochement de tête amical ou autres banalités.

La routine mise en route, j'attendais que le bus daigne pointer le bout de son nez.

Ma prière fut entendue puisque quelques secondes plus tard nous le voyions arriver au loin. Il fit son détour habituel pour nous prendre au passage. J'analysai rapidement le chauffeur par le pare-brise, lui, ne demandait pas les cartes de bus, tant mieux, elle reposait au fond de mon sac, sûrement perdue entre deux classeurs ou coincée dans un cahier.

Je récupérai mon sac, le hissai sur une épaule et franchis les marches du bus. Je cherchai du regard les places de libre vers le milieu alors que le bus n'avait pas attendu ma décision pour se mettre en marche. Je m'assis nonchalamment, reposant ma tête sur le dossier du siège, fermant les yeux, décidé à rattraper mes nuits de sommeil décidément trop courtes malgré leurs horaires plus que raisonnables.

≈≈≈

Du mouvement me réveilla à ma droite, j'ouvris péniblement les yeux, grognant d'insatisfaction.

« Y a plus de place. Maugréa le perturbateur. »

Le bus avançait toujours, nous n'étions pas encore arrivé mais quand je relevai la tête, je compris.

« Maxime ?! M'insurgeai-je. Mais qu'est-ce que tu fous là putain ? »

J'avais la tête encore à moitié dans le monde des rêves, maugréant des propos incompréhensibles constitués de jurons et autres remarques déplaisantes adressés à mon cher et tendre ami.

« La flemme de raconter ma vie. »

Il s'était déjà assis à côté de moi.

« Tu fais chier. Maugréai-je, haineux.

- Toi t'es pas du matin.

- Pire que ça. »

Maxime ricana légèrement, mettant son casque autour de son cou me laissant enfin en paix.

Enfin ça c'est ce que je croyais.

« Au fait, t'es allé rejoindre qui hier ?

- Ma sœur. Vous avez quoi avec elle sérieux ?

- Je croyais que c'était Lise.

- Toi et ta jalousie à la con... Soupirai-je.

- Toi et tes mensonges à la con. Répliqua-t-il, hargneux.

- Recommence pas. »

Il sourit d'un air moqueur avant de reprendre, espiègle.

« Notre marché tient toujours ?

- Pour que j'arrête avec mes mensonges ? Bien sûr. »

Même si cela faisait déjà un moment que je l'avais brisé...

« Bien, alors que t'as dit ta sœur ? »

Je ris jaune.

« Je ne peux pas te le dire.

- Arrête de fuir. S'agaça-t-il.

- Pour une fois que je ne mens pas, tu ne vas pas passer à côté de ça, si ? »

Il bouillonnait de l'intérieur alors que je jouissais intérieurement de ma petite victoire contre lui.

Sa mine s'adoucit quelque peu alors qu'il devenait tout à coup étrange.

« J'étais pas censé te dire ça, mais bon. Commença-t-il, me laissant perplexe. »

Tu n'étais pas...censé ?

« T'es un bon gars, Will', au fond. Je sais pas ce que tu cherches tant à cacher mais je pense que tu vaux mieux que ça.

- Mieux que quoi ? Articulai-je difficilement, fatigué et agacé par les sautes d'humeur de Maxime.

- T'embourber dans tes mensonges à la con.

- C'est dit avec tant de finesse. Ricanai-je. »

Maxime me pria de me taire, serrant les dents pour ne pas m'insulter de tous les noms.

Mais c'est qu'il fait des efforts, le con.

« Je pense que tu devrais trouver quelqu'un en qui tu pourrais avoir confiance. En qui tu pourrais tout avouer.

- J'espère que tu ne penses pas à toi parce que ta petite mascarade ne tient pas une seule seconde la route. »

Il pouffa avant de reprendre.

« Non... Non je pensais à un proche. Quelqu'un qui pourrait t'aider.

- Tu sais, je ne suis pas malade.

- On m'a parlé de mythomanie.

- Qui t'a parlé de ce genre de conneries ? Je ne suis pas malade putain !

- Ma mère.

- C'est une réponse trop simple. Qui ? Qui veut tant que ça que j'avoue une quelconque vérité ? Qui se sert de toi ? Putain, Maxime, qui ? »

Il déglutit, pris d'une bouffée de panique. C'est bien, Maxime, c'est bien, enfonce-toi dans tes mensonges, mensonges que tu détestes tant lorsqu'ils viennent de moi.

« Ta mère m'a demandé d'agir parce qu'elle te trouvait de plus en plus distant... Avoua-t-il à contrecœur. »

Mon souffle mourrut dans ma gorge, j'en avais la respiration coupée tant je ne m'y attendais pas.

« Ma...mère est au courant ? Répétai-je, éberlué. »

Il acquiesça lentement, sûrement satisfait que sa réponse fasse mouche.

Je me repris aussitôt.

« Non. Elle t'a juste demandé de "m'aider". Elle ne sait pas que je lui mens, pas vrai ?

- T'es pas drôle. Soupira-t-il, amusé. Comment tu fais pour comprendre tout sérieux ?

- J'écoute. Ça suffit amplement. Mais je réfléchirai à ton délire de personne de confiance. Ça pourra toujours m'aider. Enfin j'espère. »

≈≈≈

Alors que j'arrivais seul au collège, Maxime ayant été retenu par d'autres amis, je regardai rapidement dans ma liste de contact.

Une personne de confiance... Mais avais-je seulement ça sous la main ?

Inconsciemment, je souris.

Comme quoi, on a beau être aussi faux qu'on le désire. Notre entourage représentera toujours ce que l'on est au fond.

Si on ne peut me faire confiance, comment pourrais-je accorder la mienne à qui que ce soit ?

≈≈≈

L'Art de Mentir ✔Where stories live. Discover now