Chapitre 3

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Notre professeur de français était arrivée en cours de route pour nous donner quelques conseils et nous dire qu'elle nous faisait confiance, nous laissant répéter et commencer à apprendre notre texte dans notre coin.

Bon dieu que j'aimais cette prof.

Alors nous étions tous les dix, assis en vrac dans un coin de la salle, nos feuilles à la main, répétant inlassablement nos premières scènes dans notre tête, du moins en apparence. La salle était assez grande pour séparer suffisamment les différents groupes sans que cela ne pose de problèmes.

Nous étions dans le coin en bas à gauche, parmi les tables rangées contre le mur et les multiples chaises posées sur celles-ci.

À vrai dire, personne ne travaillait réellement dans notre groupe. La bonne humeur était au rendez-vous, on regardait de temps en temps nos feuilles, mais nous en profitions surtout pour "faire connaissance".

Ou se marrer un bon coup, tout était relatif...

Je parlais peu, comme à mon habitude, mais les autres ne semblaient pas s'en soucier en me laissant dans ma bulle ce à quoi je leur étais reconnaissant.

Ils partaient parfois très loin dans leurs délires mais savaient s'arrêter à la limite à ne pas franchir pour ne blesser personne sévèrement dans son amour propre. C'était agréable de discuter avec un groupe constitué de personnes intéressantes.

Rafraîchissant, même.

Malgré le fait que je n'écoutais pas spécialement ce qu'ils racontaient, j'aimais bien les voir éclater de rire de temps à autres et leur visage s'illuminer d'un large sourire.

J'avais toujours été très détaché des autres, déconnecté du monde, ne me sentant jamais concerné.

On aurait pu me qualifier de je m'en foutiste, c'est d'ailleurs ce qu'on faisait, mais loin d'être ce qui était vrai.

Je ne me fous pas des autres.

Je ne me mêlais pas particulièrement à eux, mais ça ne voulait pas dire que je me foutais de leur existence.

Il y avait des nuances dans ce monde qui se devaient d'être respectées.

Comme celle-ci.

≈≈≈

Lorsque la prof arrivait pour nous demander si nous avions avancé, j'étais toujours celui qui lui affirmait avec en train où nous en étions, les points qui n'allaient pas et toutes ces choses inventées en cours de route.

Elle semblait mordre à l'hameçon à chaque fois, les autres arrivant à suivre le rythme que j'imposais pour que notre mensonge tienne la route.

De toute façon, une heure était déjà passée sur les trois qui nous restaient et la sonnerie avait retenti, nous avions le droit à une pause jusqu'à la seconde sonnerie indiquant le début de la deuxième heure de cours.

Alors notre groupe s'était séparé, chacun rejoignant les amis qu'il possédait.

En l'occurrence, Maxime et Alexy me suivirent, Éloïse et Célia s'en allèrent ensemble, Aya, Amélie et Anthony partant dans un coin et Émile et Lucas dans un autre.

Nous allions rejoindre Théo dans son groupe à l'autre bout de la salle, croisant au passage le groupe du milieu de la 3E, reconnaissable à ses multiples feuilles et crayons éparpillés un peu partout sur le sol. Je regardais dans leur direction en passant devant, certains étant déjà partis, seul restait une petite poignée d'élèves encore moins nombreux que notre propre groupe.

Parmi cette poignée, une fille aux long cheveux bruns presque noirs, souriait d'un sourire éclatant à une de ses camarades de classe, ses yeux bleus ciel allumé d'une lueur joyeuse.

C'était étrange, elle semblait sociable, extrêmement sociable, mais pourtant en retrait.

Ce n'était pas une chose qu'on pouvait discerner du premier coup d'œil, il fallait vraiment connaître la science des visages pour comprendre le trouble qui l'habitait en quelque sorte.

Comme si ce qu'elle faisait allait à l'encontre de ce qu'elle pensait.

Peut-être était-elle en désaccord avec ce que disait son amie alors qu'elle lui affirmait le contraire ?

≈≈≈

Elle tourna la tête lorsque son interlocutrice fut partie, se sentant peut-être observée, nos regards s'accrochèrent un instant, notre échange durant le temps de mon court passage.

Elle esquissa un mince sourire timide peu après, détournant les yeux presque aussitôt.

Cette fille qu'on pouvait facilement repérer par son sourire éclatant, ses longs cheveux bruns et ses doux yeux bleus, il n'y en avait qu'une dans toutes les classes de troisième.

Comme il n'y avait qu'un Maxime, qu'un Alexy, qu'un Théo ou qu'un William.

Il n'y avait qu'une seule Lise.

≈≈≈

L'Art de Mentir ✔Donde viven las historias. Descúbrelo ahora