- Avez-vous vu la chèvre ?

Non, bien sûr que non, nous n'avions rien vu, elle était passée à la barbe et aux nez de tous les généticiens du monde sans qu'aucun d'entre eux ne pense ne serait-ce qu'à ouvrir la chèvre à l'intérieur pour y voir les réponses qu'il attendait calmement.

Sous la pluie, la chèvre attend le bus, on la rencontre.

- Bonjour la chèvre, comment ça va la chèvre ?

La chèvre ne répond pas car elle est traversée d'un sentiment insupportable de solitude de chèvre très typique de chèvre.

La chèvre continue à attendre car c'est là, en fait, la seule activité qui a vraiment du sens pour elle, elle murmure de ses petites babines tendues un mot trop faible pour être entendu et on devine bien de quel mot il s'agissait.

Si vous avez bien fait attention à l'épisode précédent, vous saurez trouver la réponse au grand concours d'information tactique que vous trouverez dans votre magazine habituel et champagne au grand gagnant de la chaîne qui se voit emporter chez lui un tourbillon de saveurs martiales et il le mérite bien alors bravo à lui on lui fait un gros champagne et des petits bisous allez encore bravo on vous laisse maintenant.

Voilà. Le silence est revenu sur la chaîne et on peut retrouver la chèvre.

Elle n'a pas poussé d'un poil de chèvre, elle attend toujours calmement et on peut se dire que la situation est si stable qu'elle ne bouge probablement même pas à l'intérieur, aucune maladie ni injure ne peut l'atteindre, finalement c'est comme si elle n'était plus une chèvre mais une statue ou un simple escabeau de cuisine ou même une gouttière argentée telle que celles que l'on voit parfois juste à côté de chez toi.

C'est très difficile de suivre cette chèvre du regard tant il est difficile de savoir ce qui est chèvre et ce qui ne l'est plus donc on ne peut que supposer ou compter les gouttes de sang mais pour ça il faudrait être vraiment assidu, très assidu.

Voilà à présent la chèvre a presque totalement disparu, on ne la sent plus du tout elle s'est effacée et les quelques rayures de gomme qui persistent encore sur le papier se sont répandues ici et ailleurs et continuent de se mélanger aux décors alentours.

Cependant, le bus arrive.

Il arrive alors une question essentielle à ceux qui ont bien suivi le cours de géométrie du second semestre : qui, de la chèvre ou du choux est entré dans le bus et qui n'y est pas entré, qui est resté éventré là déchu sur le parking glacial ?

Personne ne sait. On ne sait pas, on n'en a rien à faire, il faut faire traître la chèvre c'est son destin.

Dans l'eau, le plâtre que nous avions malicieusement disposé commence déjà à se faire tard et tandis que l'eau, mugissante, se fige sous l'effet du plâtre, on entend la mer se plaindre et vociférer même pleurer elle qui jurait de ne jamais tomber dans un panneau aussi évident la voilà qui ne peut s'en prendre qu'à elle-même c'est vraiment trop triste je vais aller me coucher tellement on peut y voir de répercussions environnementales dans tous les sens.

Alors le mauvais côté du truc c'est qu'on ne peut plus aller se baigner, là ça commence même à devenir du ciment, la mer ne peut même presque plus parler c'est presque comme si elle était prise dans un bloc de ciment sauf que le bloc c'est elle-même si vous voyez ce que je veux dire.

Il va bien falloir trouver d'autres activités sauf que cette fois on pourra les porter sur le pont de ciment jusque de l'autre côté de la mer.

Donc par défaut on choisir de retourner dans l'entreprise et revoir le pot de fleur qu'on avait laissé de côté tout à l'heure, on va même le tutoyer tiens.

BaveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant