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Attara, ses cheveux bruns rabattus en arrière en une coiffure simple surmontée de boutons de roses séchés, quitta son reflet pour se faire habiller. Une robe en soir déclinant trois teintes de mauve, avec quelques dentelles, dénuée de pierres ou autres breloques ; faisait amplement l'affaire pour la princesse.

Elle enfila ses souliers avant de quitter sa chambre.

Ses deux gardes personnels, de chaque côté de la porte, prirent alors place à ses côtés : ils étaient ainsi tous trois prêts à affronter leur journée de service et à répondre aux attentes diverses et variées que demandaient leurs postes.

Cependant, Attara souffla alors qu'eux remplissaient leur tâche, chacun se postant d'un côté de la princesse pour l'escorter.

- Belle journée, non ? Pourquoi n'en profiteriez-vous pas pour aller vous promener ? Prenez donc congé de moi, le château est tellement sombre, et qui plus est vous méritez bien un petit jour de repos ! »

Elle pivota ses iris malicieux vers l'un puis l'autre, retenant sa nuque et son menton pour qu'ils ne bougent pas d'un poil. En effet, le soleil pénétrait le couloir, se faufilant habilement au travers des mailles de tissu verdâtre des rideaux censés protéger de château de la chaleur interminable de Tarian. Cela l'assombrissait aussi, lui donnant un air mystérieux qu'Attara appréciait.

Face au silence des deux hommes dont on ne voyait que la couleur des yeux au travers de leur casque d'acier, - l'un portant le saphir, l'autre arborant le noisette -, la princesse souffla en agitant sa main, comme pour chasser une mouche qui serait venue lui chatouiller les narines.

- Vous pouvez disposer, dis-je !, je ne crains rien en ma propre demeure. Ce n'est pas ce vieux Diok qui peut prétendre à me faire du mal. De quoi le Roi mon frère a-t-il peur, hmm ? » S'étant retournée pour faire face à ceux qui ne voulaient que sa protection, elle plaqua une paume aussi froide que le matériaux qu'elle rencontra, ses mains se posant avec dureté sur leur torses d'acier, froids et lisses. « Que son confrère de Deras ne me kidnappe ? Qu'il ne lève sa fébrile main sur moi ? »

Elle leva un sourcil, patiente. Devant le mutisme des deux hommes, elle se résigna à se retourner et repartir vers ses activités, non sans afficher une certaine rancœur sur son visage de poupée.

Plus tard dans la matinée, après un petit déjeuner qu'elle aurait aimé plus copieux, elle passa devant la salle du trône. Se rendant aux bibliothèques, c'était le seul chemin possible.

Des paroles lui vinrent à l'oreille, et cela la piqua : il y avait une réunion en cours, et elle n'y avait pas été conviée ! Elle poussa hâtivement la porte et pénétra la salle.

-Bonjour Guelai ! Ravi de te voir aujourd'hui, merci. ! » commentait-elle pour imiter son frère.

Les bras croisés, elle s'avança jusqu'à lui, installé sur son trône. Il la surplombait et d'en haut, son regard affichait presque de la surprise.

- J'aurais aimé pouvoir te dire cela, Attara, mais nous sommes en pleine discussion, et ton intervention va nous faire perdre de précieuses minutes. » Elle allait répliquer qu'elle n'aurait pas eu à le faire si elle avait été conviée dès le départ, mais le Roi la coupa dans son élan : « Non, Attara. ». Il était calme, et son ton n'était plus aussi hésitant qu'auparavant. « Je te demanderais de bien vouloir quitter la salle, je te rejoindrai pour le repas. »

Restant sur sa faim et tiquant du bout des lèvres, elle ressortir cependant sans dire un mot. Elle avait beau avoir mauvais caractère et se montrer capricieuse, elle savait aussi quelle était sa place. Elle avait conscience que, dorénavant, son rôle auprès de Guelai ne serait plus le même, et cet échange le lui prouvait.

Son petit frère, grâce à elle, avait trouvé sa place, il s'était trouvé lui-même. De cela, elle pouvait en être fière.

Guelai serait le Roi tant attendu que le peuple espérait, elle s'en était fait la promesse : chaque jour elle avait dû le bousculer, et cela avait fini par porter ses fruits. Maintenant, il tenait les rênes et elle, assurait ses arrières. C'était une bonne chose. Attara se le répétait tout du moins pour enterrer sa soudaine colère vis-à-vis de Guelai : il l'avait quand même mise à l'écart, après tout ce qu'elle avait déjà fait pour lui.

Guelai en était conscience et s'en voulait du haut de son trône, mais il devait penser à l'image qu'il devait véhiculer auprès de ses conseillers et de la cour. Il ne devait pas être ce petit frère caché dans les jupes de sa sœur. Il devait sembler droit, indépendant tout en étant à l'écoute, et, par-dessus-tout, on devait le respecter pour ce qu'il était et ce qu'il véhiculait.

Quelques instants après qu'Attara ait quitté les lieux, un homme ouvrit doucement la grande porte et glissa sa tête à l'extérieur en épiant le couloir. Refermant derrière lui, il lança au Roi :

- Elle est partie, Votre Majesté. »

- Bien. Où en étions-nous ? » fit-il, passant à la suite d'un revers de main.

- Nous parlions de mettre plus amples chances de notre côté, concernant l'aide requise auprès d'Antartsia. »

Guelai souffla, rabattant ses cheveux vers l'arrière. Il n'avait posé cette question que par pure politesse, espérant secrètement que ses conseillers passeraient au sujet suivant.

Voyant que leur proposition n'égayait pas le Roi, les hommes se chuchotèrent quelques informations. Guelai les regardait faire, attendant que l'un d'eux prenne la parole.

Un petit homme dodu s'avança alors, poussant sur ses lunettes de son index pour les remettre à leur place. Guelai hocha lentement la tête pour l'inciter à s'exprimer avec un peu plus de rapidité. Il était toute ouïe.

-Nous tenions aussi à faire mention que cela lui assurerait une plus grande protection, que nous ne pouvons lui offrir à l'heure actuelle. Vous n'avez qu'à y gagner en lui faisant cette proposition, autant pour le bien de Tarian que pour le sien. »

Le petit homme rejoint sa place à reculons.

Guelai, passant ses doigts dans sa mince barbe, réfléchissait, le regard ailleurs. Ses conseillers, conscient de la dureté personnelle de ce qu'ils avaient proposé, restaient droits et clames, donnant le temps à leur Roi de se décider. Ce n'était que le protocole, au fond, ils connaissaient déjà l'issue, Guelai accepterait. Aussi, aucun ne l'interrompit dans sa réflexion, par respect sûrement.

Peut-être avaient-ils raison ? Guelai repassa la proposition à faire dans son esprit : mais si Antarson refusait ? Et si cela attirait sur lui le courroux éternel de sa sœur ? Indécis, il se dit qu'elle était à même de comprendre, c'était une femme forte et il lui faisait confiance. De toute manière, le temps pressait et tout était en jeu.

-Très bien. Je lui en parlerai bientôt. »

-Mais, Votre Majesté, ne vaut-il mieux pas ne rien lui dire ? »

Et la mettre sur le fait accompli ? Guelai fronça des sourcils et lança un regard noir à son conseiller.

-Faîtes-moi parvenir une plume ainsi que du parchemin, et faîtes chauffer mon sceau. Le messager devra partir ce soir. »

D'un geste de la main, Guelai invita la salle à se vider, et chacun partit dans des chuchotis partagés.

Le Roi se massa le front, soudain réticent à quitter le trône. La salle était vide, et le silence qui s'imposait lui faisait ressentir une sérénité partagée avec la boule qui lui prenait l'estomac. Bien loin de manquer de courage, faire face à Attara avec de telles choses à annoncer n'en était pas moins compliqué.

De longues minutes passèrent : le Roi prit unegrande inspiration, se leva, et descendit avec assurance les escaliers.    

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