7 septembre (Réécrit)

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Réécrit

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« Il est bon d'être charitable, mais envers qui ? C'est là le point. »

Jean De La Fontaine

7 septembre 2017

La rentrée avait été, comme je l'avais présumé, d'un ennui sans nom. J'étais bien seul, et Mélanie partageait ma classe. Je m'en sortais avec un emploi du temps potable et une classe moyenne. Plus de filles que de garçons, je sentais déjà les problèmes arriver.

Ma professeur principale était une petite dame enseignant l'anglais : son autorité était proportionnelle à sa taille.

Le lycée était plutôt grand, je m'étais perdu avant le cours de SES, mais j'avais d'ores et déjà remarqué que c'était les professeurs qui cumulaient les plus longs retards.

Je posai mon plateau en face de Phil et saluai le reste de la table d'un ton morne. Antoine et lui étaient occupés avec des gens de leur classe, je mangeai en silence.

— Salut Adam ! s'exclama une voix aigüe à côté de moi.

Je relevai les yeux de ma purée et trouvai une fille souriante, à l'air trop joyeux pour être crédible.

— Salut, maugréai-je pour toute réponse.

Je voulus me concentrer à nouveaux sur mon repas mais cette fille ne sembla pas prête à s'arrêter là.

— Je suis Fatima, on est dans la même classe. J'ai vu que tu ne te mélangeais pas vraiment, donc je voulais apprendre à te connaitre, osa-t-elle en cherchant à capter mon regard.

— Sérieusement ?

La pauvre, j'étais totalement blasé, mon premier réveil n'avait pas sonné et je devais être la personne la plus désagréable du lycée.

— Ouais, t'as l'air sympa, s'égosilla-t-elle.

Je soupirai et lui demandai de me laisser. Elle ne réagit pas pendant un instant, avant de comprendre mes mots. Elle s'en alla enfin rejoindre une autre fille aux allures de garçon. Antoine à ma droite me réprimanda en me donnant un coup de coude.

— Sérieux mec, tu pourrais faire des efforts ! C'est pas tous les jours qu'une fille, jolie qui puis est, vient te voir, affirma-t-il avec aplomb.

Je me remémorai alors Anne-Sophie, qui avait l'habitude de me balancer des paroles semblables. Je souris légèrement en pensant à cette sorcière et finis mon dessert.

— Ça ne m'intéresse pas, désolé, tranchai-je finalement.

— T'es irrécupérable, rit Antoine avant de saisir la carafe d'eau.

Fatima était jolie, certes, mais ses courts cheveux bruns et ses yeux chocolats me laissaient indifférent. Il n'y avait qu'une seule paire d'yeux qui pouvaient me faire tourner la tête, et ils étaient plus bleus que le ciel.

Je sortis du lycée en fin d'après-midi et me dirigeai vers ma maison. J'empruntai le chemin qui passait par la boutique de ma tante, traversant le parc où nous mangions pendant les grandes vacances. Elle me donna un sac plastique à l'effigie de son magasin, ainsi qu'une requête :

—Donne ça à ton père, avait-elle commencé, il n'aura peut-être plus l'air d'un chimpanzé après...

Je rentrai à la maison quelques minutes plus tard et m'avachis directement sur une chaise de la cuisine. Je posai le sac plastique ainsi que le mien sur la table ronde devant moi. J'allai chercher un paquet de gâteaux à la vanille, sortis mes affaires et me mis au boulot.

Une heure plus tard, j'étais libre et maman rentrait du boulot.

— Adam tu tombes bien ! s'exclama-t-elle sans préambule. Je n'arrive vraiment pas à m'occuper du jardin. Et ce monsieur Vermille qui me nargue avec sa belle haie...

Elle plissa les yeux en fixant la maison d'à côté.

Je rangeai mes cahiers et la laissai ainsi que le sac d'Anne-Sophie. Je lui expliquai que c'était pour papa, mentionnant l'histoire du chimpanzé. Maman rit avant de prendre le sac. J'allai dans le salon et allumai la télé, tout en regardant mon portable.

72 notifications.

Je ne me sentais vraiment pas d'humeur à aller lire la stupide conversation que mes camarades de classe avaient commencée sur le groupe. J'avais voulu le quitter mais les gars m'avaient demandé de faire un effort. Consentir à celui-là pour qu'ils me fichent la paix me semblait acceptable.

Je désactivai mes notifications et montai le son de la télé. Cette nuit-là il y aurait de nombreuses étoiles visibles si le temps le permettait. La Normandie n'était pas le meilleur endroit pour trouver un ciel dégagé, la météo prédisait des nuages toute la nuit.

Les images de astres défilant à la télé me ramenèrent aux propres étoiles que j'admirais autrefois dans les yeux d'Agathe, lorsqu'elle ne m'avait pas abandonné.

Papa arriva juste à temps pour manger.

— Alors, ta journée ? demanda maman en servant les petit-pois.

— J'ai vu trois patrons d'entreprises, nous informa mon père, il y en a un qui est intéressé je crois.

Maman s'exclama et félicita papa avant de vanter les mérites de la poêle qu'elle venait d'acheter.

J'observai mon père du coin de l'œil tout en dispersant mes légumes : il était épuisé, ses yeux clairs semblaient encerclés de cernes et son visage devait subir une forte attraction terrestre aux vues de son état. Malgré tout, il continuait de sourire en regardant maman imiter une vendeuse de télé-achat.

— Ta sœur t'as fait un cadeau, au fait, s'exclama-t-elle en fonçant vers leur chambre conjugal.

Papa me regarda et se mit à grimacer gentiment. Je souris en pensant à lui et Anne-Sophie qui se ressemblaient bien plus qu'ils ne voulaient l'admettre.

S'en suivit bientôt un long débat afin de savoir si, oui ou non, papa allait porter le fringuant costume que sa sœur lui avait offert malgré ses maigres revenus.

Il était presque minuit lorsque je sortais de chez moi. Papa s'était couché en même temps que maman pour être en forme le lendemain. Je passai par la porte vitrée du salon pour sortir et allumai la lampe torche de mon portable.

Je traversai le jardin et, arrivé devant la maison, je mis en place mes écouteurs et me dirigeai désormais vers le parc. Le ciel était en effet couvert.

Il n'y avait que quelques lampadaire dans ce coin de la ville, heureusement que j'avais rechargé mon téléphone. Mon sac à dos sur l'épaule gauche, j'avançai à travers les rues que je connaissais par cœur. Je montai la côte menant à l'entrée du parc, passai au-dessus de la petite grille et m'enfonçai vers le sommet.

Arrivé en haut d'une colline ou s'imposait un élégant saule pleureur, je m'assis à même le sol, contre son tronc, sortis mon paquet de cigarettes de mon sac puis fumai en silence, couvé par le regard duveteux des nuages.

Ma Seule ÉtoileOnde histórias criam vida. Descubra agora