12 Avril 1/2

4 0 0
                                    



«  La mort est la dernière parole du destin. »

Tahar Ben Jelloud

12 Avril 2019

          Ma rencontre avec Agathe me terrifie. Après être rentrés de Bretagne, il y a presque une semaine déjà, et avoir déposé Rapha chez sa famille d'accueille, un élan de courage m'a étreint pour enfin appeler mon Éphémère ; je n'ai pu empêcher les palpitations de mon cœur lorsque sa voix a retenti à l'annonce du répondeur.

          « Je vous rappellerai. » a-t-elle dit sobrement. Quelques secondes de répit le temps de retrouver mon souffle coupé, et je lui proposais de nous retrouver ce douze Avril à l'aube, au parc que nous connaissions si bien désormais, sous mon arbre. Je n'ai obtenu aucune réponse depuis, ni confirmation, ni rejet.
Rien n'est plus terrible que le silence. Les cris, les pleurs, les rires : ils vous sont offerts, partagés, quelques fragments d'un prisme que l'on vous transmet. Le silence n'apporte que l'indifférence, le rejet d'un quelconque intérêt. Le mépris.
          Agathe me méprise peut-être, pensé-je le cœur serré, et j'ai beau arguer les méandres de mes souvenirs, mes moindres paroles, mes regards : je n'en comprends pas la cause. Mon cerveau bouille de pensées tandis que mon cœur plonge dans cet océan glacé que ma Dame m'offre dès qu'elle révèle son regard azur et indéchiffrable.

          Il est près de six heures du matin et la nuit perle toujours près de moi. J'ai prévenu Anne-Sophie de ma sortie hier soir. J'ignore ce qui a pu la convaincre de me laisser partir à nouveau, même si ce n'est pas la première fois que j'effectue ce rituel nocturne. Peut-être était-ce ma détermination ? Ou mon désespoir. Mon père a sans doute passer la nuit au chevet de ma mère à l'hôpital, comme depuis plusieurs jours déjà. Il y passe des heures, j'ignore s'il reste près de ma mère ou s'il erre, froid, dans les couloirs tristes.
Mon cœur se compresse à ces pensées, si fort que ma main s'y porte instinctivement. L'air froid contre ma peau, le tissu rugueux de mon manteau contre mes doigts, l'humidité qui plane autour de moi : rien de tout cela ne peut effacer la peine enracinée en moi qui grandit de secondes en secondes.

          Je suis allé voir maman il y a deux jours. L'hôpital n'a pas changé depuis mon dernier passage ; les mêmes couloirs sans âme, les mêmes murs blancs parfois couverts de panneaux du type « Chirurgie » ou « Neurologie », les mêmes visages crispés de tous ceux qui côtoient cet endroit : locataires, employés, visiteurs. Mon père marchait devant moi tout du long, et je gardais la tête baissée. Le sol m'était plus supportable.

          Porte trois-cents dix-huit. Nous entrons et la première chose qui me prends au cou, c'est cette odeur aiguë d'antiseptique mêlée à la chaleur environnante. La pièce est sobre, seules quelques affaires personnelles la distinguent d'une autre chambre. Je reconnais un portrait que j'ai pris de nous trois à Noël, lorsque j'ai reçu mon premier véritable appareil photo. À côté siège un téléphone fixe sur une table à roulette qui peut passer sur le lit. Il n'y en a qu'un, mon père a insisté pour que maman réside dans une chambre simple.
          Il est presque seize heures mais les rideaux gris sont fermés et seule une petite lampe de chevet éclaire l'endroit. Mon père n'a pas voulu allumer en entrant. Je prends un siège vacant dans un coin puis pose mes coudes en appui contre mes genoux, triturant mes ongles le regard baissé.

          — Regarde ta mère, Adam.

          Mon corps se crispe. Le lit où maman dort est devant moi, légèrement défait par son corps assoupi. Je peux apercevoir la forme de ses pieds sous le drap blanc.
           Mon père a parlé d'une voix calme. Non, il a supplié. Il me supplie d'observer le visage de ma mère, d'en retenir chaque trait, chaque contour, de contempler la beauté de celle que j'aimerai toujours plus que quiconque. Celle que nous aimerons sans frontière, sans que le siège du temps ne la prenne de nos cœurs.

To już koniec opublikowanych części.

⏰ Ostatnio Aktualizowane: Feb 03, 2019 ⏰

Dodaj to dzieło do Biblioteki, aby dostawać powiadomienia o nowych częściach!

Ma Seule ÉtoileOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz