Il rit en me relâchant et ordonne d'un geste de la main à son chauffeur de monter ma valise à l'étage. Même si c'est son métier, je me sens gênée pour lui. J'ai l'impression de l'exploiter. Je veux aller le remercier mais mon père ne m'en laisse pas le temps et me tire en direction de la pièce principale.

— Dépêche-toi ! Nous avons tant de temps à rattraper et de choses à nous raconter depuis la dernière fois !

On dirait un petit enfant excité à l'idée de retrouver son meilleur copain qu'il n'a pas revu depuis six mois.

Mon père me force à m'asseoir au bord du canapé et il s'installe à côté de moi.

— Alya !

Il l'interpelle et la seconde suivante, elle apparaît à l'entrée de la pièce, les mains jointes devants elle, une allure stricte et sérieuse couvant son visage.

— Amène-moi une tasse de thé, veux-tu ? Et pour Bloom, ce sera une... ?

— Un verre d'eau, s'il vous plait !

Elle ne bouge pas, s'attendant sûrement à ce que je commande autre chose.

Mais non. Un peu d'eau, ce sera amplement suffisant.

— Eh bien, qu'attends-tu ? Tu as entendu la demoiselle ! Il la presse en claquant des doigts.

Une nouvelle fois, je me sens mal pour ses employés. Je pensais que le cliché sur les personnes fortunées qui prennent de haut leurs employés de maison n'était justement qu'un cliché. Mon père vient de briser tous mes espoirs quant à l'humilité des millionnaires.

— Tout de suite Monsieur !

La gouvernante s'éclipse discrètement. Pendant ce temps-là, j'en profite pour contempler cette décoration si particulière qui m'entoure et que je ne connais que trop bien. Les meubles sont à mi-chemin entre le design moderne et le rococo chic. Entre les fauteuils couleur neige extravagants, les chandeliers en cristal, la cheminée en pierre, les grands rideaux blancs et les poutres en marbre qui marquent une séparation entre le salon et la salle à manger, le gigantesque écran plat accroché au mur... sans oublier les dorures qui ornent les bords de la pièce. Dans mon souvenir, elles n'étaient pas là. Du moins, pas la dernière fois que je suis venue ici. Gabriel a dû les faire ajouter depuis.

— A chaque Noël où tu venais ici, tu revisitais les moindres recoins de la maison comme si c'était la première fois que tu la découvrais.

Je souris.

— Ça n'a pas changé, n'est-ce pas ?

— Non. Tu n'as pas changé, ma fille.

Alya revient avec mon verre d'eau et l'infusion de thé de mon père sur un plateau d'argent. Elle le pose sur la table-basse avant que Gabriel ne lui ordonne de disposer.

— Alors Bloom, tu es inscrite à Anderson Hall pour la rentrée, c'est ça ?

Je ne peux m'empêcher de loucher sur ses cheveux blancs. Ses bouclettes brunes blanchissent un peu plus à chaque fois que je le vois. Ah ! Les inconvénients de la vieillesse... Ce n'est pas correct, mais je ne peux m'empêcher de me marrer intérieurement.

— Oui, acquiesce-je. J'entame là-bas ma quatrième et dernière année de lycée.

— C'est un bon lycée. Plutôt modeste mais tout de même bon.

J'opine à nouveau, ne sachant pas trop quoi répondre. Cela ne l'enchante pas. Il me l'a ouvertement fait comprendre au téléphone. Mon père aurait souhaité que j'intègre une des prestigieuses écoles privées et hors de prix de Las Vegas. Mais ma mère s'y est fermement opposée -toujours via mon biais, évidemment.

RÉPUTATION (TOMES 1&2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant