Vampire #3 : Les jumeaux de Saint-Guillaume (1)

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PDV Audrey :

Ça y est, c'est la rentrée ! J'avais beaucoup appréhendé ce jour. Me voilà enfin de retour dans le village natal de mon père, celui dont il n'est jamais parti et qui a vu mes parents se déchirer pour finalement se séparer.

Je suis arrivée à Saint-Guillaume il y a maintenant deux semaines. Le lycée est en fait logé dans un ancien château réaménagé. Il paraîtrait que ce château était la demeure d'une famille noble, au temps de la Renaissance. Pendant mon enfance, je me le rappelle habité par un vieil homme, mais je ne l'avais jamais rencontré car tout Saint-Guillaume le craignait.

Bref, je suis à mon casier, dans le grand hall d'entrée, quand je les vois arriver.

Ce sont des jumeaux à la beauté dévastatrice.

Des jumeaux ?

Leurs cheveux sont noirs comme le charbon. Ceux de la fille tombent en cascade lisse, et ceux du garçon sont assez courts, hormis quelques mèches rebelles. Ils ont une peau nacrée sans le moindre défaut, très pâle, presque translucide.

Le garçon a des yeux acajou insondables, reflétant la lumière. La fille, elle, arbore des prunelles vertes, intenses, profondes et lumineuses.

Elle est vêtue d'une longue robe de taffetas noir ondulant à chacun de ses mouvements, tout en soulignant la beauté de son corps parfait.  Lui porte un costume d'un noir chatoyant à chemise blanche.

On dirait qu'ils vont à un mariage !

Je retiens mon souffle. Ils dégagent un magnétisme si puissant que je n' arrive pas à en détourner les yeux.

Les autres ont la même réaction : ils ont les prunelles rivées sur eux. Imperceptiblement, ils s'écartent pour les laisser passer. Je ne les avais jamais vus auparavant, même au collège, ni à l'école primaire.

Interloquées, nous nous concertons du regard, Kate et moi.

Mais qui sont-ils pour mériter une entrée digne d'un couple royal ?

Kate est une de mes seules amies. Par chance, nous nous retrouvons dans la même classe, tout comme Cyril. Nous sommes amies depuis la maternelle, elle sait tout de moi. Elle venait d'arriver, et moi je faisais des aller-retours entre Saint-Guillaume et le village de ma mère.

Kate n'a pas le temps d'ajouter un commentaire sur ce qui vient de se passer car déjà Cyril, son ami, nous entraîne ailleurs, mais je les perds dans la foule d'élèves, une véritable marée humaine. J'essaie tant bien que mal de les suivre, ce qui me mène jusque dans un énorme amphithéâtre. Il est spacieux, lumineux et couvert d'un élégant dôme de verre.

Je m'assois là où il reste de la place. Cyril et Kate sont plus loin, étant arrivés plus tôt.

Quand ils entrent sur scène, le silence tombe immédiatement comme une lame qu'on abattrait, alors que quelques instants plus tôt, la pièce bourdonnait de bavardages.

Les yeux du garçon sont concentrés sur tout son auditoire quand il parle, pourtant je me sens comme si il ne parlait qu'à moi.

-Nous sommes heureux de vous accueillir...

Aucune émotion ne traverse son regard. J'ai le sentiment qu'il s'ennuie à réciter un texte poussiéreux. Lorsque ses prunelles tombent sur moi, je suis mal à l'aise : je me tortille comme un papillon épinglé avant de me détacher précipitamment de son regard perturbant, puis, fidèle à moi-même, je rougis comme une tomate.

Je n'aime vraiment pas cette sensation dérangeante, mais alors pas du tout. Je regarde autour de moi : tous sont muets comme des carpes, les yeux rivés sur cet étrange garçon et presque incapables de cligner des yeux.

On dirait qu'ils sont hypnotisés... Ce constat tire une sonnette d'alarme dans mon esprit. Mon cœur bat la chamade, je me sens oppressée.

Cette sensation s'estompe quand sa jumelle prend le relais :

-Nous espérons que vous saurez vous épanouir dans notre lycée...

Sa voix est claire et mélodieuse ; elle a autant d'aisance que son jumeau pour discourir.

On dirait que la vie revient dans l'amphithéâtre.

-...Bref, nous vous libérons pour vos cours. Si vous êtes perdus, passez par le bureau des surveillants, dans le hall d'entrée. Bonne journée à tous !

Tous sortent en bavassant sitôt qu'elle cesse de parler. Quant à moi, je reste quelques minutes sur mon siège, contemplant le rideau désormais baissé, le temps de souffler, de me remettre de mes émotions.

Je me refuse à croire qu'il a hypnotisé toute une salle. Son regard est certes captivant, mais pas au point d'hypnotiser quiconque le soutient, quand même !

Ce qui s'est passé n'est pas normal du tout... ce doit être mon imagination !

Cependant, ce que j'entends derrière le rideau me glace le sang.

-Aucune recrue n'a résisté à l'hypnose, comme d'habitude, hein Gabriel ? demanda avec lassitude la voix féminine.

-Tu te trompes ! Il y en a une... et quelques potentiels aussi, je les ai sentis dans leurs esprits. Mais elle, elle a résisté entièrement ! Je n'ai rien pu faire... C'est incroyable... Personne ne m'avait jamais résisté, Riley !

Alors ce n'est pas... c'était vrai, sérieusement ?

-Qui est-elle ?

-Je n'en sais rien, mais je la retrouverai, affirma t-il avec conviction.

Je me rends compte que je retiens mon souffle, pour ne pas me trahir. Je pars brusquement quand la sonnerie retentit. J'en avais entendu plus que je ne voulais.

Mon premier cours se passe au second étage. Je parcours avec désespoir les couloirs immenses, bordés de colonnes de pierre sculptées.

Dans ma classe se trouvent une majorité de filles dont certaines ont carrément l'air pimbêches. Heureusement que j'ai Kate à mes côtés !

Cyril fait partie des rares garçons de la classe et sa sympathie lui a directement valu l'attention de ses semblables.

Je soupire. Kate me sourit, l'air de dire « ne t'en fais pas, tout ira bien ». Je lui retourne son sourire, peu convaincue mais décidée à faire plaisir à mon amie, tout en plaçant cette journée pour le moins étrange sous le sceau de la bonne humeur.

C'est à ce moment-là que Gabriel entre dans la classe. Effarée et surtout surprise, mon cœur fait un bond dans ma poitrine.

Son expression change tout à coup ; Kate semble se renfrogner.

Que lui arrive t-il ? Le connaît-elle ? Je ne lui ai jamais vu cette tête, elle qui est si joviale d'habitude.

Le professeur qui nous encadre en ce cours de littérature n'a même pas eu besoin de faire le silence.

Gabriel et le professeur se regardent, et de nouveau, il commence à parler.

-Re-bonjour à tous. Nous ne l'avions pas prévu, mais il semblerait que certains élèves doivent changer de classe...

Il énumère les noms. C'est là que mon cœur fait un autre bond ; sa cadence accélère. Il vient de me citer.

Il m'a reconnue.



Fragments d'univers [EN PAUSE]Where stories live. Discover now