Loups-garous #2 : Animal plus qu'humain

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Elle représentait l'endroit avec calme et concentration. Seuls les bruissements des feuilles, le chant de l'eau qui gargouillait malgré l'assèchement de la rivière et le lâcher prise des glands qui tombaient sans prévenir des chênes de la forêt lui parvenaient en ondes paisibles, sereines.

En contrebas de la pente, un tronc d'arbre barrait à moitié le passage de l'eau, s'enfonçant sous la surface miroitante. En face, sur l'autre rive, des bancs de cailloux naissaient par endroits, là où l'eau avait déserté. Le vent frais agitait un peu les feuilles au-dessus d'elle ; près du tronc cassé, un énorme chêne était condamné à tomber. Déraciné presque entièrement, au prochain orage, il sombrerait dans l'eau claire, peu troublée en raison du faible débit, qui poursuivrait sa route jusqu'au pont et rejoindrait la civilisation.

L'accès facile à l'eau, à la forêt ce jour-là ensoleillait lui donnait l'envie, lui laissait la possibilité de se transformer.

"Et pourquoi pas ? " se dit-elle.

Elle y perdrait son humanité, certes, mais la vie était faite de plaisirs simples comme ceux que pouvait ressentir un loup. Elle éprouvait le violent besoin de se sentir proche de la nature, proche de la simplicité des désirs authentiques et des besoins primaires, proche de ceux qui l'attendaient...

Elle voulait retrouver son loup, re-communier une dernière fois avec son côté sauvage et indiscipliné, l'autre moitié de son être.

Boire l'eau fraîche du ruisseau comme le lui permettait son métabolisme animal, folâtrer avec les oiseaux et les autres, sa famille, sentir à nouveau ses pieds nus, ou plutôt ses pattes nues, fouler la terre sablonneuse qui bordait cette rivière, chasser en meute...

Vivre en loup lui manquait terriblement.

C'était l'endroit rêvé pour redevenir celle qu'elle avait été jadis le temps d'un instant, animal plus qu'humain, tel était son souhait. Et si jamais elle mourait, tant qu'elle ne serait plus humaine, elle serait heureuse.

Le temps aidant, elle comprenait mieux que quiconque le secret de la nature : son harmonie.

La brise fraîche qui se levait peu à peu lui donnait des frissons, l'appelait...

Une plume solitaire, qui gisait à terre, que vint recouvrir les restes d'une peau, d'un esprit, d'une incarnation fraîchement abandonnée.


Fragments d'univers [EN PAUSE]Where stories live. Discover now