Chapitre 22 : D'une fissure à l'ultimatum

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Je me réveille brusquement, ma nuque douloureuse.

Les détails du souvenir de l'enterrement me reviennent aussitôt, plus effroyables que jamais.

J'ai encore l'impression d'être mouillée par la pluie du souvenir, puis je me rends compte que mon impression devient la réalité. Je suis réellement mouillée.

Je sursaute, plus de surprise que de peur, et remarque au même moment une petite fissure dans le bois, tout près d'Isaac.

L'eau vient d'atteindre mes chevilles. Le bateau est en train se couler.

Je me mets à crier pour réveiller les autres, toujours profondément endormis. Arta n'a pas remarqué l'infiltration de l'eau dans notre barque, et tourne vivement la tête vers moi en entendant mes cris :

- Qu'est-ce qui se passe ? demande-t-il.

Au même moment, Ted se relève et, dans un mouvement de panique, la barque chavire dangereusement avant de se retourner complètement.

Le froid me brûle la peau.

Je m'essouffle vainement en me débattant pour revenir à la surface. Les algues emprisonnent mes pieds, et ma gorge reste bloquée face au manque d'oxygène. Gigotant dans tous les sens, je parviens tant bien que mal à la surface.

J'ai bu la tasse. La vase a un goût répugnant.

Les visages d'Isaac et de Ted émergent de part et d'autre des flots.

Je vois notre barque s'éloigner de nous au rythme des vaguelettes, partant ainsi à la dérive.

Heureusement, Arta nous fait signe de nager jusqu'à la leur. Je me rapproche le plus vite possible en crawl et Lia me tend la main pour que je puisse remonter. Mes mains glissent et je risque l'hypothermie dans cette eau glaciale.

- Il y a une île, là-bas ! clame soudain Victor. Allez-y, vite !

Je regarde dans la direction indiquée : un minuscule ilot tient place au beau milieu des eaux profondes.

Isaac part aussitôt dans une nage aussi sophistiquée que rapide. Je le suis comme je peux, suivie par Ted, ses plaintes, et la deuxième barque.

Nous parcourons environ quatre cent mètres avant d'arriver sur la berge. Je m'écroule sur le sable, le coeur battant, tandis qu'Isaac part aider Arta à amarrer.

- Comment allons-nous faire ? demande Ted.

- Je ne sais pas, avoue Arta. Mon subconscient ne s'était pas préparé à cette éventualité...

Pour me calmer et me réchauffer, je place ma tête au creux de mes genoux et claque des dents.

- Maintenant que j'y repense, il devait bien y avoir une raison pour que les Travailleurs abandonnent ces barques, marmonne Victor.

- On peut toujours essayer de tous rentrer dans la barque qui reste.

- D'accord, mais avant il faut verifier qu'il n'y ait pas de fissure dans celle-ci.

Victor et Arta se mettent donc à inspecter minutieusement le fond en bois de la barque, et s'arrêtent que lorsque des hurlements s'élèvent de l'îlot.

Je me lève d'un bond, du sable humide collé à mon dos.

- Oh oh...chuchote Arta. Je crois qu'on a dérangé les habitants de l'île...

- Elle est habitée et c'est seulement maintenant que tu nous le dis ? s'indigne férocement Lia.

Les hurlements s'intensifient, et soudain une dizaine de créatures verdâtre sortent de la verdure et nous mettent en joue de leurs lances.

J'ai un mouvement de recul.

Leur corps élancé a presque quelque chose d'humain, tandis que leurs yeux aux pupilles verticales nous toisent du regard. Chaque parcelle d'épiderme semble rongé par une maladie qui leur donne cet aspect verdâtre à l'odeur de poisson pourri.

J'essaye de me montrer pacifique en levant mes bras au ciel, mais cela ne semble rien changer au comportement des créatures, qui nous menacent toujours de leurs armes.

Arta prend cet ultimatum très au sérieux, et s'égosille

- Courez !

Nous nous ruons dans la barque, et les créatures s'élancent aussitôt à nos trousses. L'une de leurs lances me frôle l'oreille gauche.

Très vite, la barque est mise à l'eau. Nous ramons pour partir le plus vite possible sous les cris des créatures. Je suis coincée entre Victor et Lia, si bien que mes mouvements de rames sont de plus en plus difficiles. Mon coeur bat la chamade.

- C'était quoi ça ? rugit Isaac dès que nous sommes hors de portée de l'île.

- Des Imphnes. Elles font parties des créatures non pacifiques envers les Morts.

- On a eu chaud en tout cas, je souffle. J'espère que la rive n'est plus très loin.

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