Chapitre 2 : D'une coopération à la folie

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Ils me toisent du regard et réfléchissent à ma vision des choses, pesant la vérité et le mensonge :

- Tu me fais peur, là. Je vous jure que je ne suis pas mort.

La conversation me semble être tout sauf rassurante. Le blondinet se place face de lui et le fixe droit dans les yeux malgré sa taille, qui se trouve être largement en-dessous de celle du peureux.

- Bien sûr que si, il n'y a pas d'exception. C'est juste que tu ne t'en rappelle pas encore.

L'autre fille, qui est restée muette comme une tombe jusqu'à cet instant, pose ses mains sur les hanches et soupire :

- Je propose de coopérer pour en savoir plus. Il faut trouver le moyen de comprendre si on est réellement morts, et chercher la nature du lieu où on se trouve. Personnellement, je ne crois pas au paradis, à l'enfer et à tout ces baratins religieux. Au fait, je m'appelle Lia et je suis parisienne, enchantée.

- Hé bien moi j'y crois, murmure l'un des garçons.

J'observe attentivement Lia. Puis-je lui faire confiance ?

D'un coup de poignet, la jeune fille au teint mat ramène sa queue de cheval haute d'un noir de jais derrière sa nuque. À première vue, on pourrait dire qu'elle possède des allures de garçon manqué.

- C'est un cauchemar, chuchote soudain le peureux, un brun aux yeux bleus perçants et apeurés. Mais si je me pince le bras je vais pouvoir me réveiller, hein ?

Le blondinet, d'une beauté dissimulée volontairement derrière des lunettes à verres larges, sûrement le plus sage d'entre nous, s'approche et lui tapote l'épaule comme pour le rassurer :

- Calme-toi. On va trouver un moyen de nous faire sortir de là, si c'est ça que tu veux. Lia a raison, il faut qu'on coopère. Alors moi, c'est Victor, je suis né à Caen en Normandie. Et toi ?

- Je m'appelle Ted, répond doucement le garçon brun.

- Et tu viens d'où, Ted ?

- Je ne m'en rappelle pas, réplique-t-il sèchement.

J'acquiesce d'un signe tête. Je ne peux que le comprendre : moi non plus je ne m'en souviens pas.

- Moi, c'est Isaac, grommelle le dernier des garçons. Je viens d'un petit village aux alentours de Marseille.

Le crâne d'Isaac est pratiquement rasé. Le jeune garçon possède la peau noire, des lèvres pleines, des pupilles noires et profondes, ainsi qu'un intriguant charisme physique.

Ils se tournent tous vers moi, attendant poliment que je prenne la parole à mon tour. Encore troublée par le physique d'Isaac, je me lance dans une présentation laborieuse :

- Je suis Mélody, et...heu... je veux bien coopèrer.

Paraissant soudain joyeuse que sa proposition de coopération soit acceptée, Lia s'exclame d'un air fier :

- Dans un premier temps, je propose que nous inspections les environs.

Sans plus d'explications, elle nous fait signe de la suivre et je lui emboîte aussitôt le pas.

- Attendez une minute, souffle alors Ted.

Je m'arrête sur le champ, pivote sur mes talons pour observer le visage décomposé du jeune homme :

- C'est totalement imprudent de se déplacer dans cette forêt. Réfléchissez, on ne reconnait rien, et d'abord c'est quoi toutes ces plantes surnaturelles ?

Il désigne un énorme buisson de fleurs circulaires d'une couleur rouge sang, sans aucune pétale.

- Nous allons rester groupés, explique Lia. Tu n'as absolument rien à craindre et puis, que veux-tu qu'il nous arrive ? Nous sommes déjà morts, de toute façon.

À ces mots, Ted repousse violemment l'accolade amicale de Lia et se met à hurler :

- Pas moi, bon sang, vous ne comprenez donc pas ce que je vous raconte ? Je suis vivant et vous complètement fous !

Hystérique, il recule de quelques pas et, prenant peur, lève un doigt dans notre direction tout en continuant :

-Vous pouvez être n'importe quel créature, peut-être des revenants, des zombies, des fantômes, des esprits, je m'en fiche royalement. Je suis vivant et je veux retourner chez moi. J'ai peur, d'accord ?

Brusquement, je vois Isaac le prendre par le col du tee-shirt. Je pousse alors un petit cri de surprise avant de lui ordonner de le lâcher. Isaac ne m'écoute même pas, trop occupé à soutenir le regard rageur de Ted :

- Hé, oh, tu vas te calmer, oui ? Nous aussi on a peur, nous aussi on est sur le point de pisser dans notre froc, et on ne souhaite qu'une seule chose, c'est de retourner chez nos parents afin de ne plus voir ta face d'égocentrique. Sache que tu n'es pas le seul à ne rien comprendre. Alors soit tu viens avec nous, gentiment, soit on te laisse seul ici. C'est compris ?

Ted devient pâle et entrouvre bêtement la bouche.

- C'est compris ? répète Isaac un peu plus fort en le secouant énergiquement par le col du tee-shirt.

- Oui...balbutie Ted, c'est d'accord.

À partir de ce moment-là, Ted ne fait plus aucune remarque sur la peur qu'il éprouve, et ne dit plus mot.

Cette peur qui nous terrorise tous, Ted est le seul à avoir eu le courage de la crier haut et fort.

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