Partie 7

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Rocambolesque. Malgré vingt années d'expérience, le capitaine Millot éprouve le besoin de s'isoler quelques instants pour remettre de l'ordre dans son esprit. Faire le point sur l'avalanche d'événements qui se sont abattus sur lui et ses hommes depuis le début de la matinée. Midi pile, voilà trois heures que les informations tombent dru, sur tous les fronts, au risque de les engloutir.

Si on lui a volé sa grasse matinée dominicale, il doit bien reconnaître qu'il n'a pas fait le voyage pour rien. Maigre consolation. Et son instinct lui souffle que l'ampleur du merdier qui s'annonce est à la hauteur du désordre et de l'effervescence qui règnent sur la scène de crime. Monumentale.

A l'ombre d'un grand chêne, légèrement à l'écart du théâtre des opérations, un ambulancier veille sur un sexagénaire grisonnant, emmailloté dans une couverture de survie, visiblement toujours en état de choc. Intrigué par la présence du taxi aux premières heures du jour, l'homme s'était aventuré sur le parking. En s'approchant, il avait immédiatement senti que quelque chose ne tournait pas rond. La portière ouverte, la flaque sombre à côté de la voiture, la silhouette immobile du conducteur, un homme d'une trentaine d'années couvert de sang. Puisant dans ses dernières forces, il était parvenu à prévenir les secours avant de s'évanouir au pied du véhicule.

Au centre de la scène et sous l'œil attentif du légiste, deux techniciens de l'Institut Médico-Légal procèdent à l'évacuation du corps dans d'infinies précautions. Il est peu probable que les examens approfondis apportent des éclairages nouveaux mais sait-on jamais, il faut faire les choses proprement. Le capitaine a déjà recueilli les premières constatations du médecin et il ne lui en faut pas plus pour orienter l'enquête. La victime a été lardée d'une trentaine de coups de couteau – l'expert pencherait pour un banal ustensile de cuisine – qui l'ont rapidement vidée de son sang. Les plaies de profondeurs variables témoignent de la sauvagerie et de l'acharnement du tueur, certaines blessures ayant même été infligées post mortem.

Soudain, des éclats de voix retentissent sur sa gauche, rappelant à Millot qu'ils ne sont pas seuls. Le planton stagiaire appelé en urgence et en renfort ce dimanche matin a de plus en plus de mal à contenir les hordes de journalistes massées de l'autre côté du cordon sanitaire délimitant la scène de crime. Le malheureux doit regretter de ne pas être tranquillement affalé dans son canapé devant Auto-Moto. Et pour couronner le tout, la foule des badauds attirés par l'odeur malsaine du fait divers grossit à vue d'œil. Il faut dire qu'il y a du spectacle en forêt de Meudon ce matin. Et encore, si cette bande de charognards pouvait imaginer la nature de ce qui se déroule sous leurs yeux, on frôlerait l'émeute.

Les hommes de Millot n'ont retrouvé aucun papier sur la victime et l'identité du chauffeur de taxi reste inconnue à ce stade. Enfin, chauffeur de taxi, c'est vite dit. Fausses plaques, équipements bricolés, pas de licence, on a rapidement compris que l'activité du type n'avait rien d'officiel. Et les découvertes stupéfiantes se sont succédé. C'est l'adjoint du capitaine en personne qui a mis la main sur le clou du spectacle.

Dans la boîte à gants du véhicule, un foulard rouge, une boîte de préservatifs et surtout un petit carnet de cuir noir attendaient sagement les enquêteurs. La lecture des premières pages était édifiante et même s'il n'avait pas suivi tous les détails de l'affaire, Millot avait immédiatement compris que l'homme saigné à blanc dont on inspectait la dépouille n'était autre que le redoutable Maraudeur, enfin ce qu'il en restait. Putain de rebondissement. Le tueur en série assassiné.

D'un coup d'un seul, le sol de la clairière se met à trembler et tous les regards convergent vers le nouvel arrivant. Après s'être miraculeusement désincarcéré de sa Twingo verte, le commissaire Brochant fend la foule et se dirige vers le capitaine de sa démarche pachydermique, le visage impassible à la curiosité qu'il suscite. En voilà au moins un qui doit être soulagé. S'il n'a pas réussi à mettre la main sur le bonhomme comme il l'aurait souhaité, il va pouvoir classer ce dossier qui lui collait aux basques comme un vieux Malabar et dont il était sur le point de se trouver dessaisi.

Mais par le principe immuable des vases communicants des emmerdements, c'est lui, Millot, qui récupère le pot de pus. Deuxième meurtre en moins de deux mois, même forêt, même mode opératoire, même déchaînement de violence. Pas de doute, il se retrouve avec un tueur en série et en liberté sur les bras, et en prime cette satanée Fédération Nationale des Artisans du Taxi et cet imbécile de Derion qui vont lui tomber sur le râble. Journée de merde.

                                                                                           *** FIN ***

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Je t'embrasse.

Ytruof

Taxi Fauve [Terminé]Where stories live. Discover now