Variations.

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Variations.

JungKook est assis sur le sol de sa chambre. Il lit un livre. Les pages sont blanches. Les mots noirs. Mais c'est une illusion. Car il y a un monde tapuscrit enfoui sous ces pages. Et les couleurs règnent sur ce trône bizarre. JungKook a un casque sur les oreilles. Il écoute une musique. Une de celles qui ne passent pas à la radio. Une de ces précieuses enterrées. Un flot de notes discrètes, sous une voix en tempête. Dans le ciel, les nuages bougent. Le soleil apparaît furtivement, puis complètement. Il s'ouvre sur une grande plaine bleue et ses rayons plongent. Ils traversent la vitre et s'allongent jusqu'au livre. Les mots débordent de lumière. Et JungKook redresse la tête. Il voit le soleil. Il sent sa chaleur. Puis il se lève, grimpe sur son bureau et ouvre la fenêtre en grand. Il s'assoit au milieu du trou béant, cale son dos dans un coin, et au bord du vide tout bleu, il continue de lire. Il s'offre au soleil et le soleil s'en empare.

Difforme nuage. Vélo dans un virage. Il fait chaud. Il fait beau. Et il n'y a pas école aujourd'hui. Quelqu'un pédale. Quelqu'un s'avance. Quelqu'un s'arrête dans un bruit strident. TaeHyung a les mains sur le guidon, et il connaît cette maison. Il y a un garçon à la fenêtre. Il est beau. TaeHyung le regarde. Une brise décale la paix trop banale. Et les pages de son livre s'emballent. JungKook lève les yeux et voit la personne, la personne et son vélo, la personne et son vélo et ses couleurs. Et c'est TaeHyung en bas, sur la route, sur la Terre, qui le regarde. Qui le fixe. Qui le transperce des iris. En silence. Un sourire timide prend forme sur les lèvres de TaeHyung. Et JungKook croit que ça veut dire bonjour dans le langage de son silence. Il retire son casque obsolète, pose son livre sur le bureau à sa droite et comme sa chambre est au dessus du garage, JungKook saute sur le toit et du toit par la gouttière rejoint le sol. Il traverse la route, sourit. Et dans le langage du silence, ils se saluent. Une autre brise balaye la rue.

Un peu plus tard, les deux garçons marchent côte à côte sur le trottoir. Le temps est un mot inexistant. Ils ne savent plus. Mais il fait beau et il fait chaud. TaeHyung fait avancer son vélo du bout des bras et les roues font un bruit agréable, minime. Les deux garçons marchent et ne parlent pas. Le silence est leur évidence. Ils avancent le long des maisons immenses, et des pelouses très vertes. Ils croisent des gens, parfois. Le soleil part se cacher derrière les grandes formes célestes. Et entre l'ombre et la lumière, ils comprennent toutes les choses qui ne se disent pas. C'est un accord inconscient, comme pour se satisfaire du sentiment, de n'être ni seul, ni dément. Mais ils sont fous pourtant. Fous de l'être et d'en être conscients. Complètement. Puis un groupe d'enfants sur leurs bicyclettes passe, traverse la rue à toute vitesse, les voix hurlant, les yeux brillant. Puis ils s'en vont. Et JungKook lâche un souffle amusant. TaeHyung se tourne vers lui. Ils se regardent, encore. Ils ne disent rien. Mais TaeHyung sourit légèrement. Et JungKook trouve ça élégant, trouve ça fascinant, le genre de secret que peut porter un sourire.

Soudain TaeHyung s'écarte, laisse son vélo en appui contre un muret rougi, puis part se poster au milieu de la route. JungKook l'interroge du regard et TaeHyung lui répond d'un geste, il pointe le bout de la rue. JungKook le rejoint, se poste à quelques millimètres de lui.

« -Regarde comme c'est grand. »

JungKook tourne son regard dans la direction indiquée. Et la route s'étend loin, jusqu'à l'invisible, jusqu'à la courbure terrestre. Puis ses yeux vrillent sur TaeHyung. Si près. TaeHyung ne le voit pas. JungKook le contemple. Il murmure un oui très calme. Il se noie dans son profil pale.

Et dans une autre réalité, ils restent là toute la nuit, à chercher le bout de l'infini.

Âmes Poétesses - TaeKookWhere stories live. Discover now