2 - Angoisses

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Greg frissonna, et s’éveilla avec une sensation de vide au creux des bras.
Il avait un peu froid. La couette avait glissé, pendant son sommeil, et personne ne s'était donné la peine de la remonter.
Il soupira, et tendit ses bras au-dessus de sa tête pour s'étirer. Un bruit le fit soudain sursauter.
-My ? Lança-t-il en tournant la tête.
Le lit étant vide, à ses côtés, il en avait déduis que son amant était déjà partit. Mais la silhouette de Mycroft se dessina à travers la porte de la salle de bain, son téléphone à la main, déjà à habillé.
-Ne me donne pas de diminutif, lança distraitement le politicien sans relever les yeux. Urgence à Buckingham. J'y vais.
-Hé ! Attends...
Mais l'autre avait déjà quitté la pièce. Tout en pestant contre l'humanité, le monde et la loi de murphy, le policier se leva, se coinça une jambe dans la couette, faillit se ramasser, se redressa à la dernière minute, et partit à la poursuite de son Holmes.
Il le rattrapa au dernier moment, et lui sauta littéralement dessus. Mycroft, qui allait ouvrir la porte, chancela et se dégagea en grommelant.
-N'espère pas t'en tirer aussi facilement ! Repris l'inspecteur, toujours dans son dos, en fermant ses bras autour de lui pour poser la tête sur son épaule.
Mycroft soupira.
-Qu'y a t-il ?
-Comment ça, qu'est-ce qu'il y a ? Il y a que tu ne m'as même pas dit bonjour, politicien de mes deux !
Mycroft sourit malgré lui et se retourna, sans se dégager de l'étreinte.
Il referma ses mains sur le visage de son amant, et lui donna un long baiser.
-Et là, c'est bon ? Murmura-t-il en se séparant de lui.
-Euuuh... oui... balbutia Gregory.
Mycroft sourit tendrement, plaqua d'une main les mèches folles du policier sur son crâne, et sortit de la maison.
Gregory resta debout, un long instant, à regarder la porte. Il avait l'impression...
Mais ce n'était sûrement qu'une impression.
Se rappelant soudain que le politicien n'était pas le seul à avoir un travail, il se retourna pour gravir les marches qui le mèneraient à l'étage.
Mais tout de même, il avait cette impression, cette impression diffuse, que Mycroft lui en voulait pour quelque chose. Mais quoi ?
Non, c'était ridicule, se réprimanda-t-il en nouant maladroitement sa cravate autour de son cou. Mycroft était un Holmes, il était juste un peu bizarre, parfois, un peu froid. Au-dessus des simples mortels. C'était normal.
Préoccupé malgré tout, il ne prit pas le temps de manger quelque chose, et grimpa dans un taxi.
*
Des rapports. Des rapports à faire, des rapports perdus, des rapports à vérifier, à demander, à retaper...
Une journée qui s'annonçait absolument passionnante.
-Désolé, boss, lui lança Anderson en posant une nouvelle pile de paperasse sur son bureau, mais votre cravate est de travers.
-Grummmph... répondit l'inspecteur, le nez dans son café.
L'autre sourit.
-Vous avez souvent la même, ces derniers temps. Et avant vous n'en portiez pas. Je suis pas Sherlock, mais ça serait pas un cadeau de votre femme, par hasard ?
-Il a pas de femme, crétin, intervint sa collègue, qui venait d'entrer, en lui donnant une tape sur la tête. Il est divorcé.
-Sa petite amie ?
Greg ne put s'empêcher de sourire en imaginant appeler Mycroft Holmes « sa petite amie ».
-J'ai raison ! S'exclama Anderson. Il est plus célibataire ! Tu me dois dix balles !
Mais l'autre était déjà partit. Sans un regard pour son patron, Anderson partie à sa poursuite, laissant l'inspecteur seul, dans son bureau, avec sa triste pile de dossier en
attente.
Il soupira, prit le premier, l'ouvrit, et commença à lire.
Ou, du moins, telle fut son attention. Mais ses yeux glissaient le long des lignes, passant sur les mots alignés sans les regarder.
Mycroft. Il en revenait toujours à Mycroft.
Le dossier tomba par terre sans qu'il s'en aperçoive. Les yeux dans le vide, il imagina Mycroft en face de lui, à cet instant. Qu'est-ce qu'il lui dirait ? Qu'est-ce qu'il ferait ?
Il eut un sourire grivois en songeant qu'il aurait certainement verrouillé la porte de son bureau pour avoir un peu d'intimité...
Et finis son fantasme dans un énorme soupir. Mycroft lui manquait. Réellement, tangiblement. Et ils ne s'étaient quitté que depuis quelques heures ! Pouvait-on être
aussi amoureux de quelqu'un ?
Ça lui faisait peur, des fois. Il l'aimait si profondément, et n'arrivait jamais à savoir ce qu'il avait dans la tête. L'aimait-il vraiment ? L'aimait-il encore ?
-Bordel, lança-t-il à haute voix, on dirait une gamine de quinze ans en train de se faire plaquer par son mec !
Contrarié, il ramassa son dossier, l'ouvrit résolument, et se plongea sans plaisir dans la trépignante description de la maison de retraite des Trois Pignons qui venaient
d'être dévalisée.

*

Couvert par ses collègues, il partit plus tôt du bureau, prit par un étrange sentiment d'urgence.
Il avait appris, au cours de toutes ses années d'expérience, à se fier à son instinct. Et son instinct lui criait, lui hurlait, qu'il était en train de perdre Mycroft.
Mais il avait beau chercher, il ne savait pas pourquoi. Et ça le terrifiait.
Et s'il n'était pas à la hauteur ? Et s'il était ennuyant ? Mycroft était l'un des hommes les plus intelligents du monde, et lui, un pauvre petit fonctionnaire...
Il arriva chez lui essoufflé, et poussa sans attendre la porte d'entrée.
Un parapluie noir, posé contre le mur, lui apprit que son amant l'avait précédé. Il fronça les sourcils. D'habitude, lorsqu'il avait une crise, Mycroft rentrait tard. Mais ils n'étaient qu'à la fin de l'après-midi... Lui aurait-il mentit ? Mais pour quoi faire ? Le policier leva les yeux au ciel. Voilà qu'il devenait paranoïaque.
-Mais qu'est-ce qui ne va pas, chez-moi ? Grommela-t-il en enlevant son manteau.
Ses pas le menèrent d'eux-mêmes au bureau de Mycroft. Il entra sans frapper.
Le politicien releva la tête et referma le tiroir d'un coup sec.
-Qu'est-ce que tu fais ici ? Lança-t-il d'une voix involontairement sèche.
-Eh bien, répondit le policier, sur la défensive, au cas où tu l'aurais oublié, j'habite ici...
L'autre eut un bruit d'agacement.
-Je voulais dire...
-Je sais ce que tu voulais dire, My. J'ai simplement eu envie de te voir.
-Oh... répondit simplement Mycroft.
-Mais je vois que tu es occupé. Je ne vais donc pas te déranger plus longtemps.
-Non, attends !
Le policier s'arrêta, la porte à moitié fermée.
Mais Mycroft ne savait pas quoi dire. Il avait conscience qu'il venait de lui faire de la peine, mais il n'arrivait pas à trouver les mots...
Devant le silence de son amant, Gregory lâcha un dernier soupir, et ferma la porte derrière lui.
-Je suis désolé, souffla Mycroft, avec un train de retard.
Il laissa échapper un minuscule cri de frustration, et retomba sur sa chaise.
Il avait appris que plusieurs personnes bien placées lui avait partiellement retiré son soutient, aujourd'hui. Sans explications. Sans explications officielles, en tout cas.
Mais il savait. C'est fou à quel point les politiques pouvaient être hypocrite... Qu'il couche avec qui il voulait ne les dérangeait pas. Mais habiter officiellement avec un
simple policier...
Ça l'énervait, ça le frustrait, ça le minait. Il y avait toujours une réponse à un problème, normalement. Mais il ne pouvait pas quitter Gregory ! Et il ne pouvait pas
non plus perdre sa place... Il en voulait au policier de le mettre dans ce dilemme, mais il s'en voulait aussi, encore plus, pour ce reproche qu'il savait totalement injustifié.
Sa main trouva d'elle-même le chemin jusqu'à son tiroir.
La lumière de la lampe rebondit joyeusement sur la lame qui s'y trouvait.
Mycroft prit délicatement l'ustensile entre ses deux doigts, et le posa sur son poignet.
Il ne se couperait pas vraiment, bien sûr, Gregory le verrait.
Non, ça, c'était simplement inoffensif. Une manière de se détendre.
Imaginer la mort. Froide. Immense. Inhumaine.
Plus rien n'avait d'importance, face à la mort. Ni les hommes. Ni le pouvoir.
Ni l'amour.
Rien.
Ce n'était qu'un vide immense, absurde, absolue. Plus de responsabilités. Plus de problèmes.
Il laissa s'échapper dans un soupir son stress et sa frustration.
Quelque part, tout au fond de lui, il se sentait coupable de faire ça.
Mais ça l'avait reprit, comme une addiction, au moment où on avait commencé à vouloir le séparer de Gregory. Chaque minute qui passait sans lui parler l'éloignait un peu plus de lui. Et rapprochait un peu plus la lame de son bras.
Il était lâche. Il ne pouvait rien y faire.
Il se haïssait pour ça.
*
Lorsque Gregory monta se coucher, Mycroft était déjà dans le lit, en train de faire semblant de dormir.
Il lui parlerait demain. Oui, demain...

Les Tribulations amoureuses de Gregory Lestrade (Mystrade - Johnlock)Opowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz