Chapitre 24 : Ashley

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Marilyn s'approcha de moi l'air grave et j'avais déjà un mauvais pressentiment. Après tout, je craignais la moindre discussion plus personnelle avec lui depuis le début de la soirée, en fait, depuis que Chris m'avait parlé de ses hypothèses. Et avant même que je puisse trouver la moindre excuse pour fuir, Marilyn était déjà en face de moi.

— Est-ce qu'on pourrait parler ? m'intima-t-il d'un air assez incertain.

— Bien sûr, répondis-je timidement.

Il m'invita à le suivre à l'extérieur, ce qui ne fut pas chose aisée. Le bar était bondé et il était assez compliqué de se frayer un chemin. Après quelques efforts, on réussit à s'extirper de la foule et à retrouver un peu de calme à l'arrière du bâtiment.

Sentant mes jambes qui commençaient à vaciller, je pris appui contre le mur et croisai mes bras pour ne pas sembler trop déstabilisée.

— Quelque chose n'est pas prêt pour notre prestation ? m'enquis-je pour faire comme si je ne savais pas de quoi il allait me parler.

— Non, je voulais te parler d'autre chose...

Il avait l'air de plus en plus mal à l'aise et je décroisai mes bras pour donner un air plus amical.

— Est-ce que j'ai fait quelque chose de mal ? finit-il par me demander avec hésitation.

— Non... Absolument pas. Pourquoi tu penses ça ?

— Hum... Juste une impression...

Il n'avait toujours rien dit et s'il me proposait quoi que ce soit de plus intime, je ne saurais même pas quelle serait ma décision. Je ne savais pas ce que j'attendais de lui tout simplement. J'aimais bien notre relation actuelle, deux amis proches... du moins, j'en avais l'impression.

— Ashley... Je voulais te demander quelque chose en fait, finit-il par avouer.

Mes mains s'emparèrent des pans de ma robe et je serrai ceux-ci dans mes poings tandis que mon cœur commençait à palpiter. Et merde, il allait sûrement me poser la question que je redoutais tant. Tous mes membres étaient en train de se crisper un à un et je tentais du mieux que je pouvais de le cacher. Je ne voulais vraiment pas qu'il remarque mon angoisse.

— Est-ce que... Est-ce que ça t'intéresserait d'écrire une musique avec moi ? poursuivit-il toujours avec la même hésitation.

Je ne pus m'empêcher de lâcher un bref soupir de soulagement. J'ignorais si c'était vraiment ce qu'il voulait me demander à la base ou s'il avait changé de question en cours de route, mais j'en étais ravie. Je n'étais, de toute manière, pas encore fixée sur mes propres sentiments.

— Oui... Bien sûr ! Ça serait avec plaisir ! m'enthousiasmai-je.

Il était sur le point d'ajouter quelque chose, cependant, il fut interrompu par l'arrivée de Chris, heureux de nous avoir retrouvés.

— Enfin ! Avec Andy on vous cherchait partout, c'est à notre tour ! nous annonça-t-il.

— Eh bien allons-y, rétorqua Marilyn, souriant.

Nous suivîmes Chris jusqu'aux coulisses, rejoignant ainsi Andy et Jeordie. Jeordie nous lança un sourire amusé, comme s'il avait tout compris de la situation. Si Chris avait remarqué quelque chose, qu'en était-il des autres ? Pour tout le monde, la situation paraissait triviale, mais pour moi, je ne savais pas quoi faire. J'étais totalement perdue.

Mes sentiments furent rapidement mis de côté lorsque ce fut à notre tour de monter sur scène. Ronnie et Mizuho nous observaient depuis le fond du bar. Lui avait toujours son air victorieux sur le visage tandis qu'elle échangeait quelques regards avec Chris. Ce n'était pas un échange de haine ou de compétition, il y avait une pointe de mélancolie dans les yeux de chacun, comme une forme de regret, mais peut-être que je ne faisais que surinterpréter...

Rapidement, on commença notre prestation qui sembla plaire à la foule. Du moins, ça en avait tout l'air. Pour l'instant, nous n'avions rien fait qui pourrait nous évincer directement du concours. On aurait pu se foutre de gagner et laisser parler notre âme d'artiste, mais comme la plupart, nous manquions vraiment d'argent et je n'allais pas me résoudre à voler comme Chris le faisait si souvent par exemple. Certes, j'aurais pu choisir un mode de vie où j'aurais pu assurer mon avenir, sauf que je n'avais pas envie de passer mes journées dans un bureau à m'ennuyer, entourée de personnes que je ne supportais pas et à rendre des comptes à un boss qui n'aurait cessé de me faire des avances... J'avais fait un choix, même si ça n'avait rien de facile.

Puis on arriva à notre troisième et dernière musique. Le public était toujours en symbiose avec nos musiques. Marilyn marqua un temps de pause et s'approcha de moi, me proposant de chanter avec lui.

— Tu es sûr ? demandai-je, assez perdue. Je n'ai jamais fait ça...

— Tu connais les paroles ?

— Bien sûr...

— Alors tu peux le faire, affirma-t-il en me tendant un second micro.

Malgré mon hésitation, j'acceptai avec plaisir. Notre dernière chanson était Sweet Dreams, probablement une de mes préférées. Une simple reprise de la musique d'Eurythmics, mais beaucoup plus lente et plus rock. Ma voix et celle de Marilyn se mêlèrent de temps à autre au détour d'un refrain. Et pour la première fois de ma vie, jamais je ne m'étais sentie aussi impliquée dans la musique, comme si elle et moi nous ne faisions qu'un. Et puis, le fait de chanter en duo, dans un groupe, me donnait une tout autre perspective. D'habitude, la musique n'avait été qu'un plaisir solitaire...

I'm gonna use you and abuse you. I'm gonna know what's inside, nous chantâmes en chœur.

Lorsque la chanson prit fin, toute la foule se mit à applaudir et jamais je ne m'étais sentie aussi... bien. Personne n'avait envie de me critiquer, au contraire. Ils avaient apprécié nos musiques, notre prestation. Aucun d'entre eux ne criait la moindre forme de désaccord. C'était dans ce genre de moment que je me rendais compte à quel point la musique était importante à mes yeux, à quel point j'étais faite pour ça...

Mon regard se posa alors vers Marilyn qui ne semblait pas vraiment partager ma joie, comme si quelque chose le préoccupait. Puis en suivant son regard, je vis ce qui captait toute son attention, une femme au fond du bar. Je ne l'avais jamais vue mais il n'y avait qu'une personne qui pouvait le faire réagir aussi vivement : Hanna. 

Villains With The Scabbed WingsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant