Chapitre 2 : Marilyn

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Ashley, je n'allais pas l'oublier de sitôt, surtout en sachant qu'elle habitait en bas de la rue. Son nom allait rester dans un coin de ma tête pour un bon moment, c'en était certain.

Après ce rapide échange fort agréable, je retournai chez moi pour préparer notre prochain concert dans un bar local. Une modeste maison avec juste le nécessaire, rien de bien transcendant au premier abord. Il fallait juste un endroit pour se loger, en particulier lorsque l'on était deux à cohabiter. Ce pourquoi je m'attendais à subir la réaction de Jeordie dès que je franchirais le seuil de la porte. Ce fut bel et bien le cas, bien évidemment accompagné d'un grand sourire aux lèvres.

— Alors tu es allé voir la nouvelle ? me demanda-t-il frétillant de joie.

Même si nous étions amis et même désormais colocataires, sa curiosité pouvait rapidement être agaçante à la longue. Voir quelqu'un se réjouir de tout et de rien n'était pas forcément le mieux. Surtout lorsqu'il s'agissait de choses complètement insignifiantes.

— Oui, je suis allé la voir. Elle a l'air sympa. Elle aussi fait de la musique, résumai-je sans vouloir poursuivre cette discussion.

Si seulement Jeordie était capable de se contenter de ces quelques informations. Certainement pas, il en lui en fallait toujours plus.

— Sérieux ? Ça c'est une putain de coïncidence ! s'exclama-t-il davantage enjoué. Elle a vraiment l'air cool, je suis sûr qu'on va bien s'entendre.

— Tu ne lui as pas parlé, répliquai-je en levant un sourcil.

— Désolé mais une femme avec une moitié des cheveux rouges, des tatouages et qui fait de la musique, elle est obligée d'être cool. Exactement le genre de femme qui pourrait me plaire.

Visiblement, il l'avait bien observée, peut-être bien plus que moi alors que je l'avais vu en face...

— Ne me dis pas que tu vas la baiser dès son arrivée ! le sermonnai-je d'une manière assez ironique.

Il afficha un sourire malin qui était loin de me rassurer. Oui, le rock pouvait attirer les femmes, mais c'était avant tout pour le plaisir de la musique. On verra le reste pour plus tard. Enfin, on essayait de remettre le reste à plus tard.

Il ignora ma remarque et passa rapidement à autre chose comme si de rien n'était.

— Au fait, on a décroché un concert pour ce soir, m'annonça-t-il comme s'il n'y avait rien à prévoir dans ce genre de circonstances.

Je soupirai. Pouvoir se produire était toujours une chance, mais pouvoir avoir le temps de se préparer était bien mieux.

— Est-ce que tu as prévenu Andy et Chris au moins ? demandai-je avec peu d'espoir.

— Mais bien sûr ! Tu croyais vraiment que j'allais oublier le plus important ? ironisa-t-il comme si c'était drôle alors que ce n'était pas le cas.

Je devais avoir l'air blasé. En fait, c'était un peu le cas.

— Et on fait quoi alors pour le show ? On ne va pas pouvoir prévoir quelque chose de très gros.

Il sembla réfléchir un bref instant puis me proposa son idée :

— On n'a qu'à acheter de la viande et la jeter sur le public.

— Je pense qu'on va devoir se contenter de cette idée. On trouvera mieux la prochaine fois, genre des poussins.

Des poussins ? Aucune idée d'où je sortais ça moi-même. Sûrement une très mauvaise idée. Pourtant, Jeordie ne semblait pas être du même avis, complètement ravi par cette proposition.

— Des poussins ! C'est une excellente idée ! Mais ça va être compliqué à trouver.

De nouveau, il tenta d'y réfléchir mais je l'arrêtai immédiatement. Nous allions rester sur cette idée, pour les autres idées, on y réfléchirait une prochaine fois.

— Tu penses qu'on va encore se faire virer du bar ? s'inquiéta-t-il alors qu'il en connaissait la réponse.

— Sûrement. Mais on fait du rock, c'est le risque.

Il grimaça légèrement, mais on n'avait qu'un seul moyen pour réussir : provoquer. C'était l'essence-même du rock.

— On ne pourrait pas faire un concert sans provocation ? proposa-t-il en espérant une réponse positive.

Quand on s'était lancés dans ce projet avec les autres, on s'était dit qu'on y arriverait et que jamais on ne se laisserait faire. Désormais, la plupart n'étaient plus aussi confiants dans nos objectifs et certains étaient prêts à renoncer.

— On a déjà eu cette discussion il me semble.

— Et on a déjà subi de mauvaises conséquences, ajouta-t-il comme s'il voulait me prévenir.

— Ce n'était qu'une exception. Alors au lieu de se plaindre sur des faits passés sans intérêts, on devrait préparer le concert pour ce soir, ainsi que les prochains.

Il baissa la tête dans un soupir. Il abandonnait le débat à ce que je voyais. Tant mieux. Si c'était pour se chamailler toute la soirée pour des stupidités, j'avais mieux à faire. En effet, j'avais mieux, ce pourquoi je me dirigeai vers la sortie.

— Je ne sais pas comment tu fais pour oublier tout ce qui s'est passé aussi facilement, souffla-t-il d'un ton presque désespéré et bas.

— Arrête de rester coincé là-dessus.

Je lui adressai un dernier regard, plutôt bref avant de quitter les lieux.

Il n'y avait aucun intérêt à continuer cette discussion, ni même à ressasser le passé. Peu importe. J'avais besoin de me changer les esprits...


Villains With The Scabbed WingsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant