Temps

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"-Madame, est ce que vous m'entendez? Madame, si vous m'entendez, serrez ma main..."

L'infirmier faisait le tour des patients en salle de réveil. Il tentait de rassurer ceux qui reprenaient conscience, hydrataient ceux qui avaient repris leurs esprits. Il travaillait depuis dix ans dans ce service et aimait ce qu'il faisait. Il regarda la femme étendue devant lui. Il ne pouvait se détacher des ecchymoses qu'elle portait sur le visage et la gorge. Il se dit qu'elle devait être belle. Il la vit bouger. Il se doutait qu'elle souffrirait à son réveil. Il mesurait la souffrance physique qu'elle ressentirait. En revanche, il était incapable de prendre la mesure de la souffrance psychique qu'elle aurait à endurer, toute sa vie durant. Il éprouvait de la pitié pour cette femme qui avait tout perdu.

"-Qu'est ce qu'il ... se passe? murmura Julianne dans un souffle Je suis où? 

-Vous êtes à l'hôpital Madame, ne vous inquiétez pas nous nous occupons de vous. Est ce que vous souffrez? 

-J'ai soif...s'il vous plaît

-Ne vous inquiétez pas, dans quelques temps, vous remonterez dans votre chambre et le médecin viendra vous voir."

Julianne ferma les yeux et se rendormit à demi. Elle sentait la douleur l'envahir, peu à peu.



"-Où est mon mari?

-Bonjour, je suis le Dr RAZAFIN. Savez-vous où vous êtes?

-A l'hôpital ... articula t-elle péniblement

Où est mon conjoint?

-Savez-vous pourquoi vous êtes à l'hôpital Madame?"

Elle fit non de la tête

"-Vous ne vous souvenez de rien?

-J'étais chez moi, dans la salle de bain...et... je ne sais plus, j'ai un trou, c'est le vide...

-Vous avez été agressée Madame. 

Par votre conjoint".

Le médecin marqua une pause. Il vit le regard suppliant de Julianne et ne put ajouter un mot. 

Ce fut-elle qui rompit le silence dans un sanglot:

"-Le bébé?

-Nous n'avons pas pu sauver le fœtus... je suis désolée. Beaucoup de vos organes ont été touchés, vous avez faillit mourir asphyxiée. C'était trop risqué, je suis désolé."

Le médecin respecta sa douleur et se retira. Il s'enferma dans son bureau et rédigea une note à l'attention de l'équipe de psychologues du CHU. Il reçut presque simultanément un appel de la gendarmerie. Ils souhaitaient entendre la patiente et voulaient savoir si  elle était éveillée. Le médecin répondit que non. Il souhaitait au moins laisser du temps à la jeune femme. Du temps, c'est presque tout ce qui lui restait.

Ella arriva à l'hôpital dans la journée. Elle était la personne de confiance enregistrée dans le dossier médical de Julianne, depuis des années déjà. Elle se rendit dans le bureau de la cadre de santé afin de comprendre ce qui s'était passé, avant d'aller réconforter son amie.

"-Asseyez-vous je vous en prie. La police a été appelée à 21h au domicile de votre amie. C'est une voisine qui a donné l'alerte. Ils ont défoncé la porte et ont maîtrisé son conjoint qui tentait de l'étrangler. Elle a une grosse contusion au niveau de la tempe qui a occasionné un traumatisme crânien important. On pense qu'il l'a projetée contre la baignoire. Elle a des ecchymoses sur tout le corps. Il s'est déchaîné sur elle. Je ne sais pas si vous saviez qu'elle attendait un enfant.

Madame.Where stories live. Discover now