– À quelle question ?

– Dis-moi ce qu'il y a entre nous.

– Ça c'est un ordre.

– Alors obéis.

Ce mec...

Ses mains quittent mon visage et se séparent. L'une glisse de mon cou pour atterrir sur ma clavicule tandis que l'autre joue avec les mèches sur ma nuque. Un frisson remonte l'échelle de vertèbres dans mon dos et mes reins s'enflamment sans raison.

Seigneur, j'aimerai me dérober à son contact, ses attouchements ou ses caresses mais je ne bouge pas. Je suis passive et je le déteste pour ça.

– Je ne sais pas ce qu'il y a entre nous, je réponds d'une voix rauque.

Son index s'infiltre sous la bretelle de mon soutien-gorge et je me sens faiblir tout à coup.

– Je te donne une seconde chance. Que sommes-nous l'un pour l'autre ?

Sa main abaisse le coin de ma chemise en même temps que ma bretelle. Le rond de mon épaule est à découvert et je suis électrocutée lorsqu'il dépose un baiser dessus.

J'inspire brusquement et je plonge dans un second état. Celui où j'entre en transe et que je regarde ma source d'inspiration les yeux dans les yeux tout en parlant d'une voix douce et lente et je compose :

– Tu es la foudre à mon orage;
Tu es le virage dans ma route;
Tu es le tonnerre de mes nuages;
Tu es le signe de ma déroute;

Nous sommes des adolescents;
Des cœurs de guimauve;
Côte à côte des êtres indécents;
Nous sommes des fauves; 

Ma main glisse sur sa nuque et mes doigts réécrivent les lettres de son tatouage de gang. Je continue à réciter :

– Je suis la lionne à ton lion;
Je suis la louve de ton lupanar;
Je suis la proie de ton scorpion;
Je suis la chasse à ton renard;

J'ai peur de ce que nous sommes;
De ce que nous pouvons être;
Un garçon et une fille en somme;
Et plus que je ne peux l'admettre.

Ses lèvres s'entrouvrent à la fin de mon poème improvisé et j'ai les joues rouges face à son expression interdite. Il se redresse, un peu chancelant comme s'il avait besoin de recul.

– Et c'est la partie où tu vas dire "elle est complètement cinglée cette fille" n'est-ce pas ?je le questionne rhétoriquement.

J'ai un sourire amer. Voilà pourquoi j'enterre mes poèmes juste bons à être piétinés. Mes poèmes sont des feuilles mortes destinées à être racler et déchiqueter, éventuellement à être brûler. Même Dame Nature finira par les éparpiller aux quatre points cardinaux du monde.

Ébranlable, je détourne les yeux et il dit :

– Je...

Un seul mot. Un pronom nébuleux. Une syllabe traînante. Ça ne lui ressemble pas et je le scrute à nouveau. Il donne l'impression d'avoir reçu un coup de marteau entre les deux yeux. Est-ce mon poème qui l'a sonné ?

Il se racle la gorge en portant son poing à la bouche. Ses sourcils se froncent plusieurs fois comme s'il cherchait ses mots et qu'il se ravisait.

– C'est...la première fois qu'on me récite un poème, finit-il par avouer et ses joues se colorent. Tu m'as désorienté là.

– Mon moyen de communication est la poésie, je me confie en baissant les yeux. Parce que le lyrisme embellit la laideur et transmet idéalement ce que je ressens.

Sweet LessonsWhere stories live. Discover now