C'est un choix

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J'essore ma jupe par les coins comme des torchons. Ça n'enlève en rien la boue mais au moins je me sens plus légère.

Comme à son habitude, M. Sullivan s'assoit sur les marches tout en sortant son paquet de cigarettes de sa poche arrière. Il ne me regarde pas avant d'avoir allumé sa cigarette et inspiré une bouffée de nicotine dans ses poumons.

- J'étais trop loin, dit-il. Mais j'ai vu ce qu'elles t'ont fait. C'est plutôt moche.

Je gratte la boue qui a séché sur mes chaussures.

- Comment tu te sens?me demande-t-il doucement comme s'il s'intéressait vraiment à mes humeurs.

Je hausse les épaules.

- Ça va.

- Quelle menteuse, raille-t-il en expirant son nuage de fumée qui dissimule son sourire désabusé.

Comme il m'a ouvertement insulté, je me retourne vers lui et le fusille du regard.

- La persécution est un choix. Soit on décide d'y mette un terme, soit on décide le contraire. J'ai fait mon choix.

Face à mon discours, il écarquille les yeux.

- Tu parles comme si tu mérites une punition.

Je ramasse ma veste dont les gouttes s'accrochent aux extrémités du tissu.

- Je paye comme tout le monde, je réplique.

- Qu'est-ce que tu as fait de si horrible pour te détester autant ?

J'inspire et me tourne vers lui pour lui laisser voir ma culpabilité s'afficher sur mon visage.

- Je n'aurais jamais dû exister.

Le jeune professeur me regarde d'un air pénétrant comme s'il absorbait mes émotions pour mieux les saisir.

- Personne n'a choisi d'exister, finit-il par dire. C'est l'existence qui nous choisit. Ce que tu en fais par contre relève de ta volonté.

- Avez-vous déjà ressenti ce sentiment de vivre à la place de quelqu'un d'autre au lieu de vivre votre vie ?

Il émet un rire léger et masculin.

- Depuis toujours. C'est ton cas aussi ?

J'acquiesce en silence et il hoche la tête avant de tapoter sa cigarette pour faire tomber les cendres.

- Il te reste beaucoup à expérimenter. C'est trop tôt pour philosopher sur la vie tu ne crois pas ?

- Un professeur qui me défend de réfléchir, je fais remarquer sarcastique. Serait-ce un paradoxe ?

- C'est un conseil d'adulte à enfant, réplique-t-il en me vexant avec son ton supérieur.

Sweet LessonsDär berättelser lever. Upptäck nu