Capocchio

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Caleb fait un pas en arrière et mes doigts le retiennent par le t-shirt.

J'ouvre la bouche mais rien ne sort et je ne le quitte pas des yeux. Le choc cascade en moi et je me noie dans mon impuissance. Puis je sors un seul mot. Une seule question :

– Comment ?

Du menton il me pointe le rideau blanc à côté du lit et je réalise qu'il y a au-delà une fenêtre carrée qui donne sur le couloir à l'intérieur. Le store n'est pas roulé. Je suis au bord de l'anémie.

– Relax j'étais seul, dit Caleb en suivant mon regard. Le rideau était tiré et de là-bas on ne voyait que vos ombres à travers.

Je rejoue la scène dans ma tête. Qu'est-ce qu'il a vu exactement ? Mon ombre se penchant sur celle de M. Sullivan pour lui donner un baiser sur le sourcil ? L'a-t-il confondu avec un vrai baiser ?

– Tu nous as entendu ?

Son nom est revenu tant de fois dans notre discussion. Il fronce les sourcils et il se retient de rouler des yeux.

– Non.

Sa main prend la mienne pour me forcer à lâcher son t-shirt. Mes doigts faibles retombent sur ma cuisse.

– Ce n'est pas ce que tu crois, je lui dis avec la sensation d'avoir avalé des bouts de verre. Il ne m'aime pas comme je l'aime.

Il grogne.

– Tu n'as pas à te justifier, je m'en bas les couilles.

– Mais Caleb...

– Je ne vais pas rapporter comme une balance, m'interrompt-il en voyant la lueur d'angoisse dans mes pupilles.

Ses yeux sont sombrement plantés dans les miens et je ravale ma salive. Caleb semble avoir un code d'honneur propre à lui et c'est peut-être pour ça qu'il a une once de mon respect, lui plus que tous les autres. J'ignore son passé mais je présume au ton de sa voix qu'il méprise les mouchards. Or il dégage cette aura contradictoire entre sécurité et danger qui me remplie de doutes et de peurs.

– Promets-moi que tu ne diras rien, s'il te plaît, j'insiste.

Face à mon regard suppliant, il revient vers moi pour me prendre le visage en étau entre ses mains tatouées. Ses yeux s'ancrent aux miens pleins de colère comme si je l'avais bafoué.

– Pour lui ou pour toi ?

Sa colère est aride et je déglutis pour hydrater ma gorge subitement asséchée. Il me tient prisonnière dans son désert et il n'y a aucune ombre dans laquelle se réfugier à l'exception de ses yeux.

Tremblante, je pose mes mains sur ses poignets. Mon index caresse la petite rose violette.

– Pour nous.

Pendant une seconde, il semble troublé mais devient vite agacé.

– Et c'est la partie où tu vas dire "je ferais tout ce que tu voudras" pour protéger cet enfoiré de Sullivan ?

Je me mords la lèvre car il a tout juste et je baisse mes mains. Comment arrive-t-il à si bien lire en moi ? Ou peut-être a-t-il lu lui aussi les Clichés pour les Nuls...

– Tu ne vas pas profiter de la situation ?je lui demande vulnérable.

Il me tient et il le sait. Je le sais et j'ai peur de ce qu'il pourrait faire de moi. En cet instant même, il semble hésiter sur mon sort et son expression est mystérieuse comme celui du Sphinx.

– Ça dépend, répond-il cryptique.

– De ?

– De ta réponse.

Sweet LessonsWhere stories live. Discover now