Elle s'engagea la première, frappant de sa lame plutôt qu'avec ses mots qui n'avaient eu aucun succès sur lui. Ici, il était bien obligé de se défendre et d'attaquer, s'il ne voulait pas être assailli. C'était, finalement, tout ce qu'Inwë demandait : un affrontement.

Les deux lames se heurtèrent. Gabriel avait paré le coup en tenant sa garde d'une main, mais déjà son adversaire avait retiré son épée et le prenait en feinte par la gauche. Un coup. Puis par la droite. Un autre coup. Par le haut, le bas, un estoc. Gabriel la laissait attaquer, se contentant de se défendre. Toutefois, même ainsi, elle le faisait bouger, tourner, reculer. Lui qui habituellement restait stoïque devait faire jouer son jeu de jambes pour esquiver la jeune femme.

Inwë enrageait. Elle voulait un vrai combat, pas un simulacre de bagarre sensé l'apaiser.  Rien ne pouvait d'avantage l'énerver, si bien qu'elle passa à la vitesse supérieure. D'un grand geste du bras totalement inconsidéré, elle frôla le visage de Gabriel. Ce dernier ne dut qu'à ses prodigieux réflexes d'éviter la lame de sa reine.

La jeune femme recommença, une fois, deux fois. À la troisième, son adversaire en eut assez et passa à l'action. Il contrattaqua. Inwë para son coup. Dans son regard, on pouvait désormais y lire une joie quasi-sanguinaire se mêler à sa rage.

Chez Gabriel, toute trace de modération s'envola. Il perdit sa mesure et laissa parler sa nature plus passionnée, celle qui était en colère, blessée de s'être fait duper. Tous deux se battaient pour s'affranchir de leurs émotions, impossible pour eux de se libérer autrement. Même s'ils avaient des raisons différentes de se faire face, ils ne pouvaient rêver mieux que cet affrontement pour passer outre leur ressentiment.

Il pleuvait un maelström de coups, laissant abasourdis Erid et Elio qui les observaient. On n'aurait pu dire qui avait l'avantage. Le talent, perfectionné au plus haut niveau par Gabriel, faisait face à la maestria quasi innée d'Inwë. Deux géants s'affrontaient dans un combat titanesque. L'un retrouvait cette froideur implacable qui le rendait si impressionnant, tandis que l'autre laissait consumer sa rage avec un désespoir saisissant.

Ils s'affrontaient depuis de très longues minutes. Leurs corps, tendus au possible, en tremblaient de rage. Tout autre qu'eux serait probablement déjà tombé, mais l'un comme l'autre avaient une volonté implacable. Tous deux avaient reçu des coups, mais aucun n'avait cédé.

Erid se demandait d'ailleurs si ce combat prendrait fin. Si l'un des deux avait faibli, aucun ne le montrait. Mais il sentait toutefois le duel arriver à son terme, les coups de son frère et de son amie atteignaient leur paroxysme et lui, connaissant leurs faiblesses mieux que quiconque savait que le dénouement était annoncé. Cependant, il ne savait qui prendrait l'avantage.

Erid fit signe à Elio d'observer plus attentivement encore. Et bientôt, le coup final arriva. Inwë cria de rage et Gabriel gronda. Tout se figea. Le temps s'arrêta un instant avant de reprendre son cours. Puis ils reprirent leur souffle, haletant pour Inwë, plus pondéré pour Gabriel, de la sueur coulant dans son cou, se perdant le long de son torse.  Ils se fixaient dans les yeux pour identifier le vainqueur. Là non plus, ils n'étaient pas déterminés à détourner le regard.

— Bien, bien, bien, intervint Erid en s'approchant d'eux.

Gabriel finit par détourner les yeux pour voir son frère arriver. Inwë, elle, ne cilla pas.

— Vous nous mettez dans une situation embarrassante, vous savez, repris Erid. Nous voilà dans l'incapacité de déterminer qui est le vainqueur. J'en suis déçu, vraiment.

Le ton était léger, mordant, mais il ne détendit pas l'atmosphère.

Erid avait raison, il n'y avait pas eu de vainqueur. L'épée de Gabriel trônait sous la gorge d'Inwë, tandis que cette dernière avait sa lame pointée dans les côtes de son adversaire, prête à lui embrocher le cœur. L'affrontement était nul.

La légende des deux royaumes [TERMINÉ]जहाँ कहानियाँ रहती हैं। अभी खोजें