Chapitre 3 - Partie 1

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Gabriel était habitué à ce mépris qu'elle affichait face à lui. Et c'était précisément ce qui lui faisait sentir qu'elle se vengerait de Finwë un jour. Cette volonté hors limite et cette patience à toute épreuve qui forçait son admiration à chaque fois, bien malgré lui. Il ne répondait jamais à ses provocations, cependant ce jour-là, il la mit en garde.

— Vous devriez plutôt faire attention à vous. De même pour votre second, je crains qu'il pose trop de questions, qu'il soit trop efficace.

— Pourquoi m'avertir dans ce cas ? demanda-t-elle sur la défensive, déstabilisée.

— Prenez ça comme un conseil d'ami alors, fit-il avec un sourire qui la désarçonna.

Elle n'était pas habituée à cela de sa part. Habituellement, Gabriel ne jouait pas à ce genre de jeu. Les faux-semblants n'étaient pas dans son code de conduite. Il préférait rester neutre et impénétrable.

— L'hypocrisie ne vous va absolument pas.

— Pourtant j'ai eu tout le loisir de contempler un maître en la matière. Je peux vous dire que vous excellez dans la duperie, je vous observe tous les jours.

— Tant d'intérêts m'honorent.

Gabriel se contenta de hausser un sourcil.

— Qu'en dit mon cher époux ? Oh, je vois. Il ne vous écoute pas, c'est cela ? Voilà ce que je crois, fit Inwë s'approchant de lui jusqu'à lui faire face et que leurs corps se touchent presque. Mon époux ne tient pas compte de vos avertissements. Voilà pourquoi vous me dévoilez vos pensées et essayez de me menacer.

— Je ne suis pas du genre à cacher mes pensées, fit Gabriel en ne la quittant pas des yeux.

— C'est un tort dans le milieu dans lequel nous vivons. Prenez-ceci comme un conseil d'amie en retour du vôtre, rétorqua la Reine à voix basse.

— Sachez que je vous surveille, répliqua Gabriel en se penchant vers elle. Je sais que vous mijotez quelque chose, votre désir de vengeance envers Finwë et moi-même est toujours là, je le vois.

Sur ces paroles, il la quitta, la contournant pour s'en aller d'où elle venait. Elio, qui avait fini ses affaires, s'était approché et la regardait surpris par son air renfrogné. Il n'avait pas saisi ce qui s'était dit, mais avait vu parlé Inwë et Gabriel de façon véhémente.

— Viens, ordonna-t-elle sèchement.

Inwë marcha d'un pas vif jusqu'à ses appartements sans dire un mot et claqua la porte derrière eux. Elle se dirigea dans chambre pour s'assurer qu'ils étaient seuls, Elio toujours dans son sillage. Ce fut seulement là qu'elle lâcha un cri de rage et d'impuissance, tapant du pied au sol et jetant un coussin au travers de la pièce, ce qui ne causa pas de grands dégâts mais qui eut le mérite de faire sourire le jeune homme. Sourire qu'il cacha quand elle se tourna vers lui en colère.

— Cet homme m'énerve, si tu savais ! Il est là, si droit, si sûr de lui, comme s'il avait raison de tout, fit-elle en tentant de le mimer.

Elle regarda le coussin à l'autre bout de la pièce et eut presque envie de rire, mais Gabriel la mettait mal à l'aise. Il avait toujours su lire en elle avec une telle clairvoyance, qu'elle se sentait à chaque fois mise à nue et désemparée face à lui. Sentiment qu'elle détestait depuis qu'elle était devenue l'épouse de Finwë. Perdre le contrôle de ses pensées, à ses yeux, était synonyme de perdre le peu qu'il restait d'elle.

— Il va falloir faire plus attention, reprit-elle d'un ton plus calme, il nous soupçonne. Je ne pense pas qu'il prévienne Finwë sans preuve, ça serait une erreur de sa part et il ne m'aurait pas prévenue.

— C'est un homme loyal et intelligent. Dommage qu'il soit au service de la mauvaise personne.

— Ça le rend stupide, oui. Je le hais.

— Parce qu'il n'est pas dupe ?

— Parce qu'il était là, lorsqu'on nous a attaqués, William et moi.

— Il était sûrement présent sur ordre de Finwë. N'aurais-tu pas tué si William te l'avais demandé ? N'as-tu pas pris sa défense ?

Inwë ne lui avait jamais révélé dans les détails ce qu'il s'était passé cette nuit-là, mais Elio s'était douté que Finwë n'avait pas exécuté son frère en main propre. Et finalement, quoi de plus naturel qu'il envoie son second pour voir si le travail avait été correctement réalisé.

— Pourquoi tu me dis tout ça ? demanda-t-elle avec hargne.

— Parce que tout n'est pas noir ou blanc ! C'est parfois plus compliqué que ça.

— Qu'en sais-tu ? Que connais-tu de la vie et de ses douleurs ? Rien !

Inwë s'était approchée de lui, furieuse, en haussant la voix.

— Ce que je sais, c'est que la haine te détruit et te coupe du monde et des gens qui sont autour de toi et qui sont présents pour toi, déclama-t-il sur un ton calme, serein mais puissant, heurtant son amie de plein fouet. Nous aurons Finwë. Nous le punirons, pour tout ce qu'il a fait, nous te vengerons. Mais pas au prix que tu y mets, pas en sacrifiant l'amour et la compassion qu'il y a en toi. Je ne suis peut-être qu'un enfant, comme tout le monde le pense ici, j'ai peut-être vécu à l'abri toute ma vie, cependant je sais ce que je dis. Je ne suis ni idiot, ni inconscient. Et j'affirme que tu t'es perdue. Tu n'es plus la personne que j'ai connue, il y a six années. La preuve, tu n'as plus le même nom. Et si je t'aime toujours, Océane était une bien meilleure personne qu'Inwë, même si cette dernière attend que la nuit tombe pour sauver des vies en cachette. Tu te dissimules à toi-même en réalité, tu t'es perdue en route pour devenir celle que tu es aujourd'hui, et tu n'arriveras pas à vaincre Finwë tant que tu n'auras pas retrouvé Océane.

Inwë tomba dans son fauteuil et des larmes commencèrent à ruisseler le long de ses joues, les premières depuis son retour il y avait plus de cinq ans. Avec ces mots, Elio venait de faire remonter à fleur de peau tout ce qu'elle s'était acharnée à enfouir depuis son accouchement.

— Tu as raison, fit-elle en sanglotant. Mais j'ai tellement perdu, Elio. Pas seulement qui j'étais, pas uniquement ma famille, pas que William. J'avais un enfant, une petite fille, lui avoua-t-elle alors qu'il s'était approché d'elle pour la consoler. Une petite fille dont j'ai été obligée de me séparer dès sa naissance et aujourd'hui j'ignore où elle se trouve et même si elle vit toujours. Je me hais de l'avoir abandonnée alors qu'elle ne demandait rien de plus que mon amour et ma protection.

Elio resta sous le choc de la révélation. Il ne pouvait imaginer combien cela avait dû être difficile pour son amie. Il la prit dans ses bras parce que parfois, les mots étaient superflus. Toutefois, il lui assura cependant une chose.

— Nous la retrouverons. Je te promets que quand tout ceci sera fini, nous la retrouverons et nous en prendrons soin.

Il resta à la bercer ainsi, la rassurant, jusqu'à ce que ses sanglots s'étouffent.

La légende des deux royaumes [TERMINÉ]Where stories live. Discover now