Chapitre 2: Saraziane

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Quand je me réveillais enfin, le soleil du matin filtrait à travers la fenêtre. Allongée, le regard fixé dans les airs, je pris quelques secondes pour me remémorer les évènements de la veille. Ma mère, mon beau-père, les armures et les armes qui s'entrechoquent, les cris d'horreur et le sang, beaucoup de sang. A la pensée des corps qui tombent au sol, d'une dernière expiration, du sang qui s'évacue des plaies, puis coule au sol laissant une odeur métallique, je sentis ma cage thoracique se compresser. Mon souffle se fit court et j'avais la désagréable sensation que l'on m'oppressais de l'intérieur. Soudainement affolée à l'idée de ne plus pouvoir respirer, je me relevai d'un mouvement brusque dans le lit. C'est alors que je découvris la pièce dans laquelle je me trouvais. Je me rappelais être arrivée chez la Comtesse dans une nuit noire. Seule les bougies avaient éclairées le lit à baldaquin dans lequel je me trouvais. Epuisée par la peur j'avais seulement pris le temps de me détacher les cheveux avant de m'écrouler sur le matelas. La lumière du jour me permettait de détailler une grande armoire en pin et une petite coiffeuse. Un léger ronflement me fit sursauter. Dans un coin une petite femme, rondelette et aux cheveux bruns tirant vers le gris, dormait profondément sur une chaise à bascule. Elle semblait avoir passé la nuit à me veiller.

Curieuse de découvrir Saraziane, je me levais sans faire de bruit, marchant sur la pointe des pieds. Le sol était froid aux endroits où les rayons du soleil ne s'étalaient pas encore. Doucement je m'approchais de la fenêtre. Dehors les jardins étaient verdoyants, les fleurs roses parsemaient de nombreux massifs et je pouvais déjà m'imaginer leur odeur. Les jardiniers de Saraziane n'avaient rien à envier à ceux du château, certes ils étaient plus petits, mais ils invitaient à l'apaisement. Le parc semblait cercler par de hauts platanes, si immense qu'ils devaient faire partie du décor depuis plusieurs générations. Pressée de marcher dans les pas des anciens comtes, je choisis de sortir de ma chambre. Je posais ma main sur la poignée de la porte en bois sculpté, puis la pressait. J'ouvris la porte, lentement, mais celle-ci grinça sur ses gonds. Regrettant de ne pas avoir attendu que l'on vienne me chercher, je me tournais vers l'autre bout de la pièce, d'où la petite femme était maintenant réveillée. Ne sachant que dire je lui jetais une regard d'excuse mais elle ne sembla pas s'en formaliser, préférant me regarder avec douceur.

Son altesse est réveillée, vous avez bien dormi ? me demanda-t-elle gentiment.Oui merci, lui répondis-je, plus sèchement que je ne l'aurais voulu encore confuse. Mais qui êtes-vous ? Demandais-je, tentant de me racheter.Oh ! Excusez-moi, je suis Louisa Ofton, femme de chambre de la comtesse au château. Elle m'a demandé d'attendre votre réveil. Il faut croire que je me suis moi-même assoupie.

J'acquiesçais alors qu'elle se dirigeait déjà vers l'armoire. Elle l'ouvrit et s'arrêta sur une robe qu'elle sortit pour l'examiner.

Cela devrait faire l'affaire. La comtesse a fait parvenir quelques affaires qui ne lui servent plus. Vous aurez de quoi vous habillez le temps que vous passerez à nos côtés votre altesse.

La femme de chambre portait une simple jupe noire, ample, ainsi qu'un léger chemisier blanc. Son chignon était si tiré que la peau de son visage et de sa nuque était complètement tendu. Je la laissais s'occuper de moi, rassurée par son regard attendrie. Elle me rappelait ma propre mère pendant quelques instants.

Une fois qu'elle eut fini, d'un geste de la tête elle m'invita à la suivre. Je lui emboîtais le pas, curieuse d'en savoir plus sur la comtesse et son lieu de vie. On descendit un escalier en colimaçon, avant de traverser une série de pièces au mobilier fin et raffiné pour arriver dans un salon de taille moyenne. Là, se trouvait une grande femme en robe pourpre. Elle était assise sur un long canapé, dos à moi. Je n'eus pas de difficulté à reconnaitre la comtesse à sa posture digne et fière. Je ne la connaissais pas réellement, la dernière fois que je l'avais rencontré je n'étais encore qu'une petite fille âgée d'une dizaine d'années. Je ne l'avais pas revue avant le combat. Je ne pouvais que me fier à mes souvenirs vagues d'un visage agréable.

Le Royaume d'Ialane (EN REECRITURE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant