III. Au taquet

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"Ouais j'suis de la mauvaise graine, et j'pillave trop d'Heineken, j'te fais du sale avec un flow très zen..."

Le quartier se vidait petit à petit des plus chanceux qui pouvait partir en vacances. Le froid c'était hardcore, une énorme couche blanche recouvrait nos blocs et les ti-peu s'amusaient à faire des batailles de boules de neige. Malgré tout, le ciel restait bleu et le soleil était toujours là.

On était entassés à 20 entre les quatres murs du hall, réchauffés par la fumée qui s'évadait de nos zdeh.

Le quartier, la bicrave, dans le fond, c'est devenu une routine. Toujours les même têtes cramées qu'on croise en bas de chez nous, qui chaque jour se démènent pour multiplier les euros. C'est flippant de se dire qu'on a réussi à s'adapter à ces conditions de vie.

[...]

- Eh !!! Vous voulez entendre ma blague ? hurla Iliès.

On releva tous la tête vers lui. Enfin, on la baissa, plutôt, car il était tout petit. C'est vrai que pour un gamin de 10 ans, il avait pas froid aux yeux.

Voyant qu'on l'écoutait tous, il se redressa fier de lui et poursuivit :

- Quelle est la meilleure façon pour un boxeur d'éviter un direct ?

- Bah je sais pas... C'est d'esquiver, lança Idriss.

- FAUX !!! hurla t-il dans un énorme sourire.

- Dis nous la réponse alors et casse pas la tête.

- Bah c'est d'être pas là !!!

- Hein ?

- Bah ouais, si le boxeur il est pas là il peut pas se prendre de direct hahaha !!!

Il commença à se péter des barres, il se tordait de rire limite il pleurait geh. On hésitait à le remballer, après tout c'était qu'un gamin...

Après 5 bonnes minutes de fou rire il se releva, de la khnouna dégoulinant sur son pull et les yeux brillants.

- Et attendez, attendez. J'en ai une autre !!! hurla-t-il.

Mohammed poussa un gros soupir qui en disait long sur ce qu'il pensait.

- Alors, alors...

Il essayait de reprendre son souffle et de réfléchir en même temps, ce qui n'était pas une chose facile. Il se redressa d'un coup, me faisant sursauter par la même occasion.

- Comment on appelle un yaourt qui se balade dans la forêt ?

Personne ne prit la peine de répondre, mais Slimane et Max se dirigèrent vers lui pour le foutre dehors.

- UN YAOURT NATURE !

- C'est bon ferme là maintenant !

Iliès essayait de se libérer de l'emprise de Max mais ce dernier résista. Il gigotait dans tous les sens, hurlant qu'il allait le dire à son daron et que de toutes façons ses blagues étaient les meilleures. Pendant que Slimane ouvrait la porte, il tourna la tête vers nous.

- Oh Hichem ! Héhé j'ai encore une blague spécialement pour toi. Si t'étais petit tu sais ce que tu serais ?

- Ta gueule Iliès. On a été gentils avec toi mais notre patience a des limites.

- Un nain-bécile ! Un imbécile, hahahahaha t'as compris ?

On entendait encore son rire résonner dehors, même après qu'il se soit prit une baffe par Max.

- Il est trop insolent lui, marmonna Sakou.

On décida tous de bouger au chicken. La faim me bouffait le ventre. Le chicken, comme tellement d'autres endroits à la Caravelle, c'était une sorte de point de repère. Ici sans point de repère tu peux pas survivre. Les potes, la galère, la misère, tout ça nous rassemblait. La solidarité c'était notre oxygène.

L'appât du gain // GuizmoWhere stories live. Discover now