Chapitre 11 ✔️

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Euh non...

Mais si ça lui fait plaisir de penser ça, je ne voudrais pas blesser son ego. 

- L'idée ne m'a même pas effleurée, ce qui n'a pas l'air d'être ton cas, je sifflai presque satisfaite. 

Il ricana à mes mots comme s'il avait dû mal  y croire. Pourtant, j'étais sincère. Je n'y avais pas pensé, et je n'en avais pas la moindre envie. C'est bien la dernière chose qui me traverserait l'esprit dans un moment pareil.

- Je n'en attendais pas moins de ta part, reprit Peter avec son air supérieur. On peut dire que tu es pleine de surprise. Ne va pas t'imaginer que je t'apprécie. Je dirais juste que tu vas finalement me servir à quelque chose.

- C'était un test ?

- En quelque sorte, je suppose...

Rien que le fait qu'il n'est pas l'air totalement sûr de lui ne me rassure pas sur la suite des événements. Pourtant je haussai les épaules pour lui montrer mon total désintérêt. Je ne savais pas à quoi il jouait mais en tout cas je ne marchais pas. Je n'étais pas naïve à ce point. Ou du moins je l'espérais.

J'en étais presque venu à oublier que j'étais sûrement la seule présence féminine de cette île. On peut dire qu'il a eu de la chance :  son numéro de charme aurait sûrement moins bien marché sur une gamine de douze piges.

- Alors on se voit ce soir à la fête, déclara Peter un sourire aux lèvres avant de disparaître aussitôt dans un nuage vert.

Une fête ? Si ça ressemble à celle du Harry's je crois que cela ne va pas me plaire longtemps... D'ailleurs ça existe la vodka citron au pays imaginaire ?

Non, je ne pense pas...

Ma vieille, ce n'est pas ton genre de te poser ces questions, arrête !

Alors du rhum ! Y a toujours du rhum dans les films où il y a une île ! me souffla furtivement une autre partie de ma conscience.

Je secouai la tête pour reprendre mes esprits. Qu'est-ce que je m'en fiche qu'il y ai un des deux sur cette île. Ce n'est pas comme si j'avais quelque chose à noyer ! Enfin presque...

***

Il faisait déjà sombre et c'était impressionnant de voir à quel point la nuit tombait vite ici. Je levai la tête et observai le ciel. La lune avait retrouvé sa couleur normale, par contre les étoiles, elles, n'étaient toujours pas revenues. Pour moi, le pays imaginaire a toujours été doté d'étoiles. Comment ferait Wendy, Jean et Michel pour se rendre au pays imaginaire sans étoiles ? D'ailleurs quand j'y pense, est-ce qu'ils existent ces trois-là. Peu importe...C'est le cadet de mes soucis.

J'étais assise sur ce rondin de bois à côté de Gabin depuis une bonne heure au moins. L'air s'était rafraîchi et je regrettai de n'avoir pas pris un gilet plus épais. Ce n'est pas comme si on m'avait laissé préparer ma valise avec tout le nécessaire avant je ne me fasse enlever.

Depuis que nous nous étions retrouvé mon meilleur ami et moi ne parlions pas. Il n'y avait rien à dire, nous essayions tous les deux d'assimiler ce qui nous arrivait. Alors il valait mieux le faire dans le silence. 

Une bande de garçons perdus dansaient au rythme de la flûte que jouait Peter. Une flûte de Pan... Ils avaient tous l'air heureux mais personnellement cette mélodie m'empêchait de me concentrer. Le sifflement résonnait dans les tympans de mes oreilles comme une clochette brisée.

Soudain Gabin se tourna vers moi et me dit d'un air ironique.

- Je n'avais jamais vu de soirée dansante sans musique...C'est plutôt pas mal... 

J'arquais un sourcil surprise. La musique est forte, comment se fait-il qu'il n'entende rien ?

- Tu n'entends pas la musique agaçante que joue Peter ?

- Quelle musique ? Je n'entends strictement rien mise à part les pas qui résonnent sur le sol. 

Il secoua la tête et se pencha en avant comme il le fait quand il réfléchit. C'est bon, je suis devenue comme Jeanne d'Arc... Aujourd'hui la musique, demain des voix...

Soudain la mélodie cessa. Une bouffée d'air frais me transporta ver ce sentiment de soulagement que je commençai à oublier. Ouf, ce n'était que passagers.

- Tu ne l'entends plus parce que j'ai arrêté de joué, fit une voix dans mon dos. 

Je me retournai et vis Peter me sourire faiblement. Je fronçai les sourcils afin de comprendre ce qu'il voulait me dire. Pour seule réponse, il me tendit sa main. Je me tournai vers Gabin et l'informai qu'on se verrait demain.

J'attrapai la main de Peter qui m'aida à me relever. Une fois debout, il me lâcha aussitôt et partit devant sans rien dire. Je le suivis, n'essayant pas de faire bataille à ses côtés. Très engageant...

Il ne dit pas un mot de tout le trajet et une fois arrivée à ce qui me semblai être notre destination il m'incita à m'asseoir à côté de lui sur le sable. C'est fou comme l'environnement peut radicalement changer d'un endroit à l'autre sur cette île. Nous étions à présent assis sur le sable fin d'une longue plage digne des Caraïbes. Sans faire ressortir mon côté DisneyLand mania ça me faisait vaguement penser à celle qui se trouvait dans le parc, à côté du Jolly Roger. En plus effrayant sachant que nous étions en pleine nuit.

Je m'assis donc à côté de lui en tailleur en attendant qu'il m'explique pourquoi il m'avait amené ici.

- La première fois qu'un garçon arrive au pays imaginaire, il accoste ici, sur cette plage. Aucun d'entre eux n'a eu le courage d'y retourner. Nous sommes tous arrivés par cette plage, moi le premier. Sauf vous trois. Nous vous avons retrouvé dans le Jardin d'Or. A aujourd'hui, je n'ai trouvé aucune explication. Même si le fait que tu sois une fille soit déjà une bonne raison...

- Tu m'as fait marcher jusqu'ici pour ça ? je demandai fatiguée.

- Non. 

Bah va s'y développe ! On ne t'a jamais appris à l'école qu'il faut justifier ses réponses !

Après quelques secondes de silence, il reprit sérieusement.

- Je t'ai amené ici pour que je puisse répondre aux questions qui restent sans réponses et que tu rumines depuis que tu es arrivée. Et en t'emmenant ici, je suis sûr qu'aucune oreille indiscrète ne viendra perturber cet entretien. Donc, je t'écoute... 

Je mis quelques secondes à me rappeler quelles questions je voulais lui poser. C'était inespéré que LE Peter Pan me demande si je voulais des renseignements. Bordel, on se croirait dans un office de tourisme.

- Comment ça se fait que j'entende la flûte alors que Gabin n'a pas l'air d'y prêter attention ?

- Moi aussi j'ai eu du mal à comprendre pourquoi, ricana-t-il tout bas. J'en suis venu à une unique possibilité. Seul les enfants perdus l'entendent car comme leur surnom l'indique, ils sont perdus. Perdu veut dire abandonné. Je suis curieux de connaître ton histoire, petite fille perdue.

Neverland ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant