dixième sünde

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En pénétrant dans la librairie, Luhan fit d'abord attention à l'aspect reposant de l'endroit. 

Il se sentit immédiatement confortable et libéré d'un énorme poids qu'il ignorait porter. Comme si la boutique lui avait toujours appartenu, comme si ce lieu rêvé lui était destiné au contraire de cette écœurante pièce qui lui servait de chambre. Un frisson le parcourut entièrement lorsqu'il promena ses doigts tout le long de la vitrine à glace. Car en effet, la librairie de Cheonjin offrait notamment des glaces, et principalement des glaces à l'eau.

Les préférées de Hyemin.

Un sourire grotesque se dessina sur son visage lorsque l'idée d'une hyemin achetant uniquement ses glaces prit refuge dans son esprit distordu.

La fillette en question était parfaitement observable depuis la vitrine du magasin. Luhan colla alors son visage contre celle-ci et l'admira la bouche grande ouverte, dessinant contre le sol, munie d'une craie. Il pouvait bien rester toute la journée à la reluquer ainsi. Hélas, il avait pour l'instant mieux à faire.

Le jeune étudiant devait en premier lieu faire la visite de cet admirable endroit pour enfin y marquer son territoire. Après tout, posséder une librairie (et Hyemin) était son plus grand rêve, et malgré les longues années, jamais l'idée de céder ne lui avait traversé l'esprit.

Par tous les moyens, il se jura d'y parvenir.

Seule la lumière du jour, pénétrant agréablement par les vitres, donnait vie à la boutique. Dès que l'on poussait la porte, la vitrine à glace nous réceptionnait accompagnée d'une flaque d'eau abreuvant le plancher. En face de cette dernière se trouvait un comptoir en bois de chêne, avec seulement un petit calepin et un pot à crayons posés dessus. Des étagères étaient disposées tout le long des murs couleur prune et sur celles-ci se trouvaient d'innombrables choses, des lingettes pour bébé, sécateurs, chiffons, bocaux de friandises, en passant par les brosses de toilettes et même des tapis enroulés et bibelots.

On avait droit dans cette librairie à tous les objets manquants dans le Conbini.

On avait droit à tout, tout sauf à des livres.

Mais Luhan, libraire en devenir, n'y prêta pas attention.

Car caché au fond du magasin, et entourée de cartons, un présentoir de cartes postales se tenait, droit.

Comme une abeille bourdonnant autour de sa fleur, Luhan s'en approcha lentement avant de se débarrasser des quelques obstacles sur sa sombre route. Un sourire approbateur de retour sur son visage, il découvrit à la place des fameuses cartes postales, des objets encore plus appréciables, plus avantageux et même quasi inestimables. Il avait devant lui des centaines de stickers emballés minutieusement dans leur plastique ! 

Hyemin aimait les autocollants, la ville de Cheonjin les chérissait.

Il saisit le premier qui l'interpellait et alla s'asseoir derrière son comptoir. Et jeune Luhan rit aux anges car jamais un siège ne lui parut aussi douillet que celui-ci ! Depuis ce dernier, il avait la chance de pouvoir admirer le visage irradiant de beauté de Hyemin ainsi que les quelques bouquets de fleurs et cœurs roses représentés sur ses tout petits autocollants.

Les stickers tenus fermement entre les doigts, Luhan jura, avant de quitter l'endroit d'y revenir le plus vite possible.

Car, le propriétaire des lieux n'était autre que lui.

- Hyemin, tu n'penses pas que l'on devrait fermer ?

- Hyemin-ah les gardes ne nous ont rien livrés aujourd'hui, c'est grave ?

- Min-ah, tu devrais peut-être aller te reposer près du comptoir. Tu vas attraper froid si tu restes devant la porte.

- Hyemin, pourrais-tu laver la caisse, elle me paraît si sale. Va au moins la voir.

L'intéressée tenta tant bien que mal de bloquer la voix assommante de Luhan. Elle pouvait l'ignorer autant qu'elle le souhaitait, et pourtant Luhan n'en démordait pas. Il parlait, parlait et continuait de parler si bien même que les appels au secours de Xing s'adressaient maintenant à la brune pour qu'elle le débarrasse une bonne fois pour toute de cet être bruyant.

Ses paroles abrutissantes eurent au moins le privilège de faire sortir la jeunette de ses gondes.

- Bon sang, mais tais-toi ! Tais-toi ! Si tu t'étais réveillé un peu plus tôt, tu aurais su que les gardes étaient déjà arrivés et non je n'ai pas peur d'attraper froid ! S'il y a bien une chose dont j'ai peur, c'est bien de toi ! Ta voix est la pire des maladies, bien pire qu'un foutu rhume ! Et non je n'essuierai pas cette caisse !  C'est ton travail j'te rappelle, pas le mien ! Enchaîna-t-elle en criant sans faire gaffe sur la source de tous ses maux.

Et celle-ci était vêtue maintenant d'un masque au couleur si intense de la déception.

Luhan voulait...seulement l'attirer vers le comptoir pour qu'elle puisse remarquer...sa surprise. Au lieu de susciter son courroux, il voulait uniquement mettre fin à son air maussade en lui offrant des autocollants.

Ne voulant pas l'offenser davantage, Luhan s'en alla, baissant le front et traînant des pieds vers son nouveau refuge. Le silence l'accompagnant vers son habitat, il n'osa pas même se retourner une dernière fois tant il semblait affligé.

Malgré cela, Luhan gardait espoir et tentait, tant bien que mal, de rendre le ciel gris de Cheonjin un brin plus rose.

Depuis la librairie, il ne pouvait pas la gêner. 

Elle pouvait tranquillement se donner à ses occupations sans avoir un chinois derrière les pattes. 

Tapis dans l'ombre, il lui était permis de continuer de l'admirer malgré le temps qui s'enfuyait, et l'hostilité émanant du magasin encore illuminé.

Néanmoins, avant d'éteindre les lumières et d'aller se coucher, Hyemin se posta devant la fameuse caisse.

Luhan déglutit alors avant de bondir vers sa vitrine, dans l'espoir de mieux saisir la scène. Posant ses mains moites contre celle-ci, il attendit en hochant frénétiquement la tête et en priant pour qu'elle saisisse enfin son précieux dû.

Les poils de Luhan se hérissèrent et son corps se raidit lorsque la jeunette saisit de ses petits doigts la feuille d'autocollants et de la reluquer suspicieusement. Et Luhan, oubliant sa peine d'autrefois et se transformant en l'homme le plus heureux du monde, ne put s'empêcher de s'esclaffer lorsqu'il vit sa princesse se hisser sur son trône avant de semer les quelques cœurs et bouquets de fleurs sur les murs.

Retrouvant sa clarté voire même une jeunesse nouvelle, le libraire se dit à vive voix :

Voilà ce que je suis venu chercher à Cheonjin.

(in)convenience store // [LUHAN]Where stories live. Discover now